Shaun of the Dead

2004

Réalisé par: Edgar Wright

Avec: Simon Pegg,Nick Frost, Kate Ashfield

Film vu par nos propres moyens

On a tendance à considérer Shaun of the Dead comme le premier film d’Edgar Wright. Dans les faits, c’est en réalité son second long-métrage. A Fistul of Fingers est aujourd’hui très largement oublié et l’expérience ne fut pas forcément bonne pour l’auteur britannique. L’envie de refaire du cinéma est venue en réalisant entre 1999 et 2001 la série Spaced, lors de laquelle, il a rencontré Simon Pegg avec qui il écrira la trilogie Cornetto dont Shaun of the Dead fait partie. Si ce programme télévisuel n’avait pas existé, le projet de refaire un long-métrage ne serait peut être jamais né dans l’esprit d’ Edgar Wright . En effet, dans la série, le troisième épisode de la première saison, intitulé Art, met en scène le personnage de Tim (Simon Pegg) sous l’influence d’amphétamine, jouant à Résident Evil 2. Après cet épisode, le duo de scénaristes racontera qu’il y avait une certaine excitation à tourner cette scène. L’ambition de porter à l’écran Shaun of the Dead naitra après que le cinéaste ai passé une soirée à jouer à Resident Evil, lui aussi, et se réveilla en se demandant quelle serait la réaction d’un Britannique lors d’une apocalypse zombie.

Ce second film d’Edgar Wright, met en scène Shaun (Simon Pegg), un homme de 30 ans qui ne fait pas, soyons clair, grand-chose de sa vie. Son quotidien se résume à passer du temps avec son meilleur ami et coloc Ed (Nick Frost) et à aller au pub. Cette routine dérange sa compagne Liz (Kate Ashfield). Ne supportant plus l’incapacité de Shaun à passer du temps avec elle, elle décide de rompre. Alors que ce dernier décide de réparer les pots cassés, les zombies déferlent sur Londres. C’est le moment pour Shaun de montrer de quoi il est réellement capable.

Le réalisateur ne perd pas de temps pour nous montrer en quoi le personnage de Simon Pegg ne se projette pas dans le futur. Quand on voit Shaun, on observe un homme dans la trentaine avec un quotidien qu’on pourrait considérer comme ennuyeux. Quand il vend de l’électroménager, il n’a pas l’air d’être épanoui par ce qu’il fait. D’une manière générale, quand on repense à sa routine, quelque chose sonne creux. Wright montre cette platitude par des séquences complètement anodines de la vie qu’il mène. On pense notamment à son réveil ou il est vidé de toute motivation et envie. C’est par ses relations qu’on arrive à observer qui il est réellement. C’est en voyant ses proches qu’on arrive à voir pourquoi il n’arrive pas à trouver sa place dans la société, pourquoi il n’arrive pas à s’engager dans quelque chose de concret. Shaun est un homme bloqué dans le duo qu’il forme avec son meilleur ami et coloc Ed qui incarne le fait d’être individualiste. Avec lui, il se contente du côté minimaliste de la vie, il peut jouer à des jeux vidéo et aller au Winchester, le pub préféré du duo. En dehors de son comparse, des personnes de son entourage représentent ce que la société attend de nous. C’est le cas de sa petite amie Liz et de son deuxième coloc qui a l’air d’être un cadre supérieur représentant la réussite d’une carrière professionnelle. Avec eux plane cette thématique qu’on a peut-être éprouver quand on ne faisait pas grand-chose de notre quotidien et qu’on devait reprendre notre vie en main. Pour terminer le portrait de Shaun, il faut parler de sa mère,  la femme la plus importante de sa vie. Entre elle et lui, le cordon n’a jamais été coupé et cet amour maternel l’empêche d’aimer toute autre personne et l’empêche tout simplement d’avancer.

Même si cette filiation explique beaucoup de choses, il semble intéressant de s’attarder encore plus sur la dynamique entre Shaun et Liz. Elle incarne ce que la société attend d’un personnage comme Shaun, c’est à dire un semblant de vie de couple pour rentrer dans les normes de la société. Malheureusement pour elle, Shaun n’a pas tellement envie de cette vie. Pire encore, cette relation amoureuse ne semble pas importante pour lui. Shaun veut avant tout passer du temps avec son meilleur ami plutôt que de faire un dîner romantique avec la personne qu’il est censé aimer. Il achète un bouquet de fleurs à sa mère, mais n’a jamais cet élan romantique quand il s’agit du personnage incarné par Kate Ashfield. Dans cette relation, la jeune femme passe toujours au second plan. Edgar Wright montre extrêmement bien ce manque de passion dans le couple et on se demande si Shaun est réellement amoureux de Liz: on voit plutôt quelqu’un pour qui l’amour est une contrainte. Tout ce que le film nous montre dans sa première partie explique pourquoi elle rompt avec lui. Dans le schéma narratif du film, c’est un élément déclencheur pour Shaun qui va décider de se racheter. C’est à ce moment-là qu’on rentre dans une comédie romantique où vont s’ajouter des zombies afin d’avoir un mélange des genres assez unique dans le cinéma. 

On considère, à juste titre, Edgar Wright comme quelqu’un plutôt geek dans sa cinéphilie et ses différentes passions mais c’est aussi le cas pour Simon Pegg. Dans leur série Spaced, on observe à quel point la pop-culture est quelque chose qui anime le duo. Quoi de mieux que les zombies pour tenter de l’exprimer ? D’autant plus qu’il y a un réel amour pour les œuvres populaires autour des mangeurs de chair qui encore aujourd’hui envahissent nos écrans. Quand Wright s’approprie ce genre très codifié, c’est pour parler de la société. Il nous montre à quel point on se fait aspirer par ce côté monotone de la vie qui nous est proposée. Quand on regarde Shaun of the Dead on voit des gens vidés de toute âme, de toute envie. Dans le bus, que prend Shaun avant d’aller bosser, les hommes et les femmes qu’il croise ne sont pas comme lui; elles sont désincarnées,, épuisées par le fait d’être exploitées à n’importe quel moment de la journée. Si on oublie le contexte de l’invasion façon World War Z ou à Zombieland, Shaun of the Dead est une œuvre dont la thématique principale est le burnout qui guette tout à chacun. En réalité, la société nous a mordus, faisant de l’être humain un mort-vivant. Shaun of Dead s’inscrit donc pleinement dans la lignée des films de George A. Romero dont le sous texte politique et sociétal fait l’essence de son cinéma. Le cinéaste britannique va même aller plus loin que ce qu’a pu faire le réalisateur américain de La nuit des morts-vivants, il va proposer une légèreté avec la comédie romantique.

Si son western A Fistful of Fingers est vu comme une sorte de laboratoire oubliable, Shaun of The Dead se place comme le film où il a su instaurer son style. Dans sa réalisation, à l’image de Tarantino, son amour du 7ème art transpire à chaque plan. C’est un cinéaste qui va utiliser tout ce que son art lui offre pour lui permettre d’élaborer les films qu’il veut faire. Ce qui est marquant dans Shaun of The Dead, c’est l’utilisation des zooms, qui sera la marque de fabrique de la trilogie Cornetto. Cette pratique, on la voyait dans des films d’action qui marquaient une sorte de climax. Edgar Wright va l’utiliser pour en faire complètement autre chose. Ici, ce ne sera pas de l’action comme on l’entend au premier degré, mais des choses de la vie quotidienne. La vie de Shaun n’est pas passionnante et le cinéaste s’attarde sur des élément du quotidien: ce qu’il va boire au pub ou un plan sur un annuaire avec une certaine panique. Cette utilisation qu’on pourrait appeler anti-spectaculaire, offre non seulement une narration visuelle, riche, où on aurait envie de parler de chaque plan, mais aussi un certain rythme propre au style du réalisateur. Les gags vont suivre ce même tempo. On pense à la scène où Shaun se foire quand il saute à travers une clôture. On ne peut pas s’empêcher de rire même si on a vu ce film une cinquantaine de fois. Ce qu’aime tellement chez lui, c’est sa manière d’utiliser sa passion du cinéma pour créer cette façon de percevoir la comédie. Tout ce qu’il met en place crée en nous un énorme sentiment de satisfaction. Il est impossible d’envisager de voir un film raté.


Ce qui caractérise aussi son cinéma, c’est le fait que Wright assume de nous parler du rapport qu’il a avec la musique. Il y a un soin dans le choix des musiques qu’il prend. C’est même satisfaisant de voir comment il intègre ces morceaux dans son long métrage. S’il existe un bien une scène qui est culte dans Shaun of The Dead, c’est l’affrontement avec les zombies à l’intérieur du Winchester. Cette séquence du film est importante parce qu’à l’intérieur résonne le tube Don’t Stop Me Now du groupe Queen, témoignage de la mélomanie de Wright . La chanson offre quelque chose de très chorale à l’action. Elle s’intensifie avec la progression des paroles. Malgré de nombreux visionnages, on ne se lasse absolument jamais de cette scène, car elle offre un véritable moment de bonheur. C’est du cinéma dans toute sa splendeur. Si on aime ce second film du cinéaste britannique, c’est aussi parce que cette œuvre provoque ce sentiment qu’on a vécu au premier visionnage,  et qu’on veut revivre et c’est exactement ce que provoque l’art d’Edgar Wright.

Shaun of the Dead est disponible du coté de « Studio Canal »

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