JFK
JFK affiche

1992

Réalisé par : Oliver Stone

Avec : Kevin Costner, Tommy Lee Jones, Gary Oldman

Film fourni par L’Atelier D’images

Le 22 novembre 1963, l’effroi s’empare des États-Unis et marque à jamais l’âme de toute une nation. En pleine campagne pour sa réélection, le président John Fitzgerald Kennedy fait étape à Dallas, pour un voyage qu’il ignore être son dernier. Entouré d’une foule galvanisée par sa visite, il parade en décapotable dans les rues de la ville, mais alors que son véhicule s’engage lentement sur Houston Street, sept secondes tragiques changent pour toujours le cours de l’Histoire. Les coups de feu retentissent sur Dealey Plaza, le chef d’État s’affaisse avant que son crâne n’explose, et les acclamations se transforment en cri d’horreur. En lettres de sang, l’Amérique écrit le premier chapitre d’une décennie de meurtres politiques qui emporteront Martin Luther King Jr., Malcolm X ou encore Robert Kennedy. Le temps se suspend pour tout un pays, stupéfait par l’assassinat le plus célèbre du XXème siècle. Si dans l’intimité, de nombreux détracteurs de John Fitzgerald Kennedy s’enthousiasment de sa mort, une grande majorité du peuple encore bouleversée réclame justice. Rapidement arrêté puis abattu à son tour, l’assassin désigné Lee Harvey Oswald n’a pas le temps d’être jugé et de livrer sa vérité, les ténèbres entourent pour toujours les circonstances et les motivations de son geste funeste. Pour faire la lumière sur ces zones d’ombres, le nouveau président Lyndon Johnson charge la commission Warren de mener une investigation scrupuleuse autour de la tragédie, mais le laxisme, voire un escamotage de la réalité pour de nombreux observateurs, marquent l’épais rapport rendu par cette poignée de hauts fonctionnaires. En validant la thèse d’un tueur isolé ayant agi seul, la commission Warren fait fi de la parole de plusieurs témoins clamant avoir entendu des détonations à plusieurs endroits, du passé trouble de Lee Harvey Oswald et de ses relations ambigües avec les instances fédérales américaines. Pour beaucoup, l’assassinat est un complot dont les instigateurs restent inconnus. Trois ans après la mort de John Fitzgerald Kennedy, les instances de la Nouvelle-Orléans décident de mener une nouvelle enquête, sous l’égide du procureur Jim Garrison. Vouées à rester invalidées par la justice, ses très médiatisées conclusions diffèrent totalement de celles de la commission Warren, et font état d’une potentielle machination à grande échelle qui a abouti à la mort du président, ce triste jour de novembre, à Dallas. Dans le sillage de Jim Garrison, une cohorte de journalistes, d’hommes politique, et parfois même d’artistes, livreront leurs propres théories autour de l’assassinat, accusant tour à tour la mafia, les anti-castristes, ou encore le complexe militaro-industriel américain.

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En 1963, le futur cinéaste Oliver Stone n’a que 17 ans. Alors en plein éveil sur le monde et ses enjeux, l’adolescent vit les drames de son époque à travers les écrans de télévisions et les journaux, imprégnant son futur regard artistique des troubles de cette décennie chaotique. La guerre du Vietnam marque ainsi le jeune homme, avant son propre enrôlement au début des années 1970, et le metteur en scène y consacrera plusieurs films, parmi lesquels les désormais célèbres Platoon et Né un 4 juillet. L’assassinat de John Fitzgerald Kennedy apparait comme un autre évènement majeur de sa construction cinématographique. Les hommes destinés à l’exercice du pouvoir émaillent sa filmographie, des grandes figures historiques de temps lointains, comme Alexandre le Grand, à celles presque contemporaines de sa trilogie consacrée aux présidents américains, justement entamée avec son long métrage JFK, désormais disponible dans une splendide édition chez L’Atelier D’Images. Oliver Stone s’y montre aussi bien indigné face à ce qu’il considère être un mensonge d’État qu’en quête de coupables. Partant de l’assassinat du président, le cinéaste relate l’enquête et le parcours vertueux de Jim Garrison, interprété par Kevin Costner, progressivement esseulé face aux poids des duperies d’un pouvoir invisible. Protagoniste et réalisateur fusionnent dans une recherche de vérité, tandis qu’à l’écran se dessine une nouvelle théorie aux multiples ramifications autour du meurtre. À mesure que les témoignages se multiplient, le mystère s’épaissit. La mort de John Fitzgerald Kennedy est presque le fil rouge de toute une carrière pour Oliver Stone, qui y fera allusions par la suite dans de nombreux autres films et qui y consacrera un documentaire puis une série, également disponibles dans cette nouvelle édition riche en contenu. Davantage qu’un film d’investigation ou qu’une fresque historique JFK est une plongée dans les démons des États-Unis des années 1960, et une étape cruciale dans la carrière d’un cinéaste parfois très polémique, mais ici fascinant.

Pour ouvrir à nouveau une plaie de l’Histoire qui n’a jamais réellement cicatrisé, JFK convoque la mémoire collective de tout un peuple. Durant une longue phase introductive, et à intervalles réguliers dans son film, Oliver Stone insère de véritables images d’archives de l’époque, de celle qui ont émaillé les écrans de télévision au célèbre film amateur longtemps resté confidentiel d’Abraham Zapruder, un spectateur du Dealey Plaza qui a capturé en gros plan la mort de John Fitzgerald Kennedy. JFK épouse pleinement l’exercice du récit inspiré de faits réels en mélangeant progressivement l’esthétique des scènes de fiction et des extraits vidéos authentiques. Si le noir et blanc est de prime abord consacré à la restitution de véritables bulletins d’information, Oliver Stone l’emprunte par la suite pour illustrer les théories de Jim Garrrison autour du passé de Lee Harvey Oswald, incarné par Gary Oldman. Le long métrage est une poursuite de la vérité, celle mise à jour par le procureur de la Nouvelle-Orléans, qui gomme lentement la barrière formelle entre mythe et réalité. Néanmoins, JFK ressucite le traumatisme de l’assassinat par son travail sonore davantage que par son approche graphique. Les coups de feu de l’arme, ou de plusieurs d’entre elles d’après la théorie exposée, sont réitérées tout au long de l’œuvre, comme un mortifère métronome. Les détonations qui ont pris la vie de John Fitzgerald Kennedy résonne encore dans l’âme de tout un pays, l’absence de justice empêche le retour au silence. Pendant les 3 ans qui séparent les conclusions de la commission Warren et la reprise de l’enquête par Jim Garrison et son équipe, l’Amérique s’est “endormie” selon les mots du sénateur Long, joué par Walter Matthau. Elle s’est repliée sur elle même et a admis le mensonge en espérant pouvoir guérir, mais les contre-vérités ont gangrené la reconstruction nationale, seule la réouverture de l’enquête peut espérer réunifier un pays. La nouvelle investigation redonne d’ailleurs la parole aux gens humbles que le pouvoir a ignoré jusqu’alors. La duplicité des élites s’effrite face aux témoignages des américains simples présents au moment du drame, l’ombre de Washington s’efface à la lumière des récits du Dealey Plaza. L’assassinat n’est plus une affaire d’État, elle est confiée au peuple, victime collatérale de la tragédie et premiere à s’en émouvoir, notamment à travers les apparitions de la bonne de Jim Garrison, larmes aux yeux.

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En prolongement de la blessure de toute une nation endeuillée, le travail au mieux indigent rendu par la commission Warren est une autre forme de crime, commis cette fois contre le peuple américain directement. L’amateurisme clairement établi dans JFK, les défaillances, et au comble de l’écoeurement, les conflits d’intérêts politiques ont privé un pays de justice. À l’un des plus grands crimes de notre ère est juxtaposée l’image d’une enquête désinvolte, partiale et hautement incomplète. Une partie de l’Histoire a été dérobée aux yeux du monde, le temps perdu avant une investigation consciencieuse a laissé à jamais des trous impossibles à combler dans la reconstitution de la vérité, les secrets ellucidables se sont évaporés dans les rues de Houston. Le film est alors presque un avertissement adressé aux hommes et aux femmes américains, mais aussi aux générations futures que Jim Garrison évoque dans son réquisitoire final, un rappel à l’ordre nécessaire de ne jamais se laisser déposséder de son droit fondamental à la justice au profit d’une caste dirigeante qui instrumentalise la mort pour servir ses desseins. S’il n’est pas certain qu’un ordre supérieur a provoqué la mort de John Fitzgerald Kennedy, bien que JFK le suggère fortement, il est ouvertement affirmé que des êtres peu scrupuleux ont refusé de livrer toutes les preuves aux citoyens, se réfugiant derrière l’omission, le secret défense, le discrédit absurde de certains témoins et des documents édictés par la CIA, le FBI, et une multitude d’autre organes du pouvoir, dans une collusion claire de profit du mensonge. Jim Garrison est le parangon de vertu face à cette association de profiteur du malheur, l’homme de bonne volonté inébranlable, probablement idéalisé, à l’aspect physique et moral proche d’un autre homme de loi insoumis face à l’obscurantisme, l’avocat incarné par Gregory Peck dans Du silence et des ombres. Dans les deux longs métrages, le solitaire ne peut pas faire chuter le système, mais il peut espérer l’ébranler pour inciter ses pairs à accepter le passé sanglant et tracer un futur meilleur. Jim Garrison ne dépend d’ailleurs pas de Washington, son insoumission est rendue possible par son statut d’électron libre ne répondant qu’aux électeurs de son État. Face aux écrans de fumée collectifs, la noble quête est portée par une émanation individuelle. Remettre en cause une parole officielle édictée en hauts lieux et qui n’est étayée par aucune preuve est le premier droit et devoir d’un citoyen, la restitution des faits sans les travestir doit être constamment réclamée.

Il suffit alors d’une unique faille dans les conclusions de la commission Warren pour que s’effondre un château de cartes institutionnel et pour que le spectre d’une conspiration plus large s’affirme. JFK a pour mission principale de remettre en cause le caractère solitaire de Lee Harvey Oswald pour tenter de démontrer qu’une assemblée disparate d’hommes se sont unis pour faire tomber le président, et dès lors établir l’existence d’un complot. Le long métrage s’aventure régulièrement sur le terrain de la conjecture et de la dénonciation implicite d’hypothétiques commanditaires de l’assassinat, mais Oliver Stone garde une certaine distance avec ces théories, bien qu’il en soit lui même convaincu. Néanmoins, le cinéaste se montre formel sur la culpabilité de certains prévenus, en premier lieu desquels Clay Shaw, joué par Tommy Lee Jones, visuellement mis sur le banc des accusés dans l’ultime scène. “Il suffit de deux personnes pour qu’il y ait complot” affirme Jim Garrison, et le long métrage s’évertue à le prouver, avec suffisamment de brio pour avoir déclenché une remise en cause officielle du rapport Warren aux États-Unis après sa sortie en salle. Lee Harvey Oswald est un point unique autour duquel gravite une étrange collection de personnages fantasques ayant suffisamment d’intérêts matériels et politiques clairs pour souhaiter la mort de John Fitzgerald Kennedy, parfois en public. Les preuves manquent, mais la cause probable commune ne fait plus l’ombre d’un doute. Dans les rues de la Nouvelle-Orléans, vétérans de la Baie des Cochons, démis de la CIA et mafiosis en tout genre se côtoient, conspirent et forment un microcosme de la haine sanglante envers le président. Le monde des insurgés illégitimes est réduit à sa plus simple expression lorsque Jim Garrison relie en quelques pas les bars louches, les bureaux d’opposants politiques violents, et les immeubles des services d’intelligences fédéraux défiant envers le chef d’État. Les conspirateurs sont unis par une loi de l’omerta qui suffit presque à démontrer leur culpabilité. Dévoiler une partie de leurs sordides secrets est puni d’une mort à court terme, la même qui a frappé Lee Harvey Oswald, bouc émissaire selon ses mots, avant son interrogatoire officiel. L’image d’un John Fitzgerald Kennedy aimé de tous, longtemps entretenue par les médias, est ostensiblement remise en cause. Son aura de justicier social et d’artisan de la paix en a fait l’homme à abattre pour une cohorte de chiens de guerre qu’il suffisait d’armer pour qu’ils se rendent coupables du pire.

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JFK questionne alors ouvertement sur la place du véritable pouvoir. Le peuple est-il souverain, ses élus sont-ils les vrais décisionnaires, ou bien est ce qu’un conglomérat dirigeant dans l’ombre œuvre pour ses intérêts personnels, au point de pouvoir mettre à mort le président, en public ? Le long métrage matérialise ce fantasme qui semble être l’opinion profonde d’Oliver Stone, bien qu’il ne la martèle pas, en montrant à l’écran des hommes dont on ne perçoit pas le visage, mais qui d’une simple allusion déclenchent une série de répercussions menant invariablement vers la tragédie de Dallas. Si le film refuse assez clairement la thèse d’une implication de la mafia dans l’assassinat, il se révèle beaucoup plus flou en ce qui concerne un éventuel complexe militaro-industriel, qui n’a peut être pas commandité le meurtre mais qui en a largement profité grace au changement de mandature. Ils ne sont probablement pas coupables, mais ils étaient préparés et ont immédiatement transformé le sang en dollars. Lee Harvey Oswald et les potentiels autres tireurs sont inconscients d’être le bras armé d’un ordre établi caché dans les rues de Washington et qui n’a même pas besoin de s’exprimer pour que ses souhaits soient exaucés. Le crime leur a profité. L’évocation la plus nette d’une chaîne de commandement obscure s’exprime lors de l’intervention d’un étrange Mister X, incarné par Donald Sutherland, un gradé militaire anonyme qui fait part à Jim Garrison de ses propres suspicions quant à ses supérieurs, à la lumière de décisions étranges préalables à l’assassinat. La vue de monuments iconiques de la capitale américaine se confronte à l’évocation de ce potentiel complot, la statue d’Abraham Lincoln entend le vol probable d’une démocratie. La défiance envers le commandement militaire a toujours été inhérente au cinéma d’Oliver Stone, mais il métamorphose cette fois les hauts gradés en putschistes, répétant plusieurs fois le mot “coup d’État” dans ses dialogues. Si ce contre-pouvoir désincarné n’a pas de forme clairement établie, il a une voix, celle de médias prompts à discréditer la quête de Jim Garrison. Les questions du procureur dérangent, les réponses qui se devinent sans jamais être ouvertement clamées sont refusées, et tous les leviers sont utilisés par l’État pour le faire vaciller, jusqu’à investir son intimité en le mettant sur écoute, un élément avéré de l’Histoire.

Pourtant rien ne peut entraver la marche déterminée de l’homme prêt à tout sacrifier en quête d’un idéal qui transcende son bien-être personnel. Jim Garrison est constamment lucide sur la finalité de sa démarche, il sait que ses suppliques ne seront pas entendues de son vivant, mais son travail n’aura pas été vain. Dans son réquisitoire final, le procureur invite son propre fils à ne jamais oublier l’outrage à la démocratie que constitue la mort de John Fitzgerald Kennedy et à s’approprier les preuves lorsque dans plusieurs années elles seront rendues publiques. La mission profonde de l’homme de loi est d’inviter à la lutte pour que les erreurs du passé servent l’avenir. JFK prolonge par l’art la mission de Jim Garrison, en immortalisant son discours dans un long métrage encore aujourd’hui édité, commenté, apprécié et salué. Chaque homme à devoir d’esprit critique face à une information qui n’émane que d’une seule source et doit chercher à vérifier les origines d’une parole uniformisée. Le long métrage en devient presque un objet étrangement fascinant qui invite à remettre en cause son propre propos dans une forme d’autocritique. Les théories d’Oliver Stone sont les siennes, et il appartient à chacun de les vérifier, tout comme il est indispensable de faire preuve de la plus grande méfiance envers ses récents documentaires, malheureusement très complaisants, consacrés à Fidel Castro, Hugo Chavez et Vladimir Poutine. La vertu de Jim Garrison, un homme qui a presque perdu sa famille et ses collaborateurs dans sa poursuite tortueuse de vérité, qui n’a connu ni répit ni refuge durant des années, qui a affronté Washington et ses sbires, qui a été roulé injustement dans la boue à la télévision, transcende l’exercice fictionnel. Le sacrifice de soi dans sa pureté la plus absolue ne peut être tronqué.

JFK fait de la plus grande enquête du XXème siècle un avertissement aux générations futures, toujours d’actualité, au gré d’une fresque à la portée et aux ramifications innombrables. Un film coup de poing, haletant et intense.

JFK est disponible, dans une superbe édition Mediabook 3 Blu-ray limitée à 1000 exemplaires, chez L’Atelier D’Images, à l’adresse suivante :
https://latelierdimages.fr/produit/jfk-edition-culte-numerotee/

Avec en bonus :
– Le film JFK VERSION DIRECTOR’S CUT – 3h25
– Le documentaire JFK L’ENQUÊTE (VOST) – 1h53
– La série JFK UN DESTIN TRAHI (VOST) – 4 x 55 min (exclusivité)
– Scènes additionnelles (54 min)
– Interview exclusive d’Oliver Stone (2022) (16 min)
– Masterclass d’Oliver Stone au Festival du film américain de Deauville (2021) (38 min)
– À propos du film par Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma (24 min)
– Livret photos de 28 pages. Inclus un texte inédit de Samuel Blumenfeld, journaliste au Monde et historien du cinéma. (exclusivité)
– Bande-annonce d’époque

scènes additionnelles commentées et les commentaires audio, non sous-titrés, d’Oliver Stone

JFK Boite 1
JFK Boite 2

JFK est également disponible dans une édition deluxe 2 DVD, au lien suivant:
https://latelierdimages.fr/produit/jfk-dvd/

avec en bonus : 
– Le film JFK VERSION DIRECTOR’S CUT – 3h25
– Le documentaire JFK L’ENQUÊTE (VOST) – 1h53
– Interview exclusive d’Oliver Stone (2022) (16 min)
– Masterclass d’Oliver Stone au Festival du film américain de Deauville (2021) (38 min)
– À propos du film par Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma (24 min)

Nicolas Marquis

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