The Flying Sailor
The Flying Sailor affiche

2022

Réalisé par : Wendy Tilby, Amanda Forbis

Film vu par nos propres moyens

Dans le microcosme des courts métrages animés, loin de la médiatisation des grandes stars du cinéma, Wendy Tilby et Amanda Forbis sont deux réalisatrices canadiennes reconnues par leurs pairs. Si elles ont plus de 60 ans chacune, leur filmographie commune n’est pas si imposante, néanmoins, la plupart de leurs œuvres ont su impressionner les observateurs curieux. Leur film Une vie sauvage, sorti en 2012, apparaît comme la première consécration de leur démarche artistique. Les deux metteuses en scène ne gagnent pas la précieuse statuette, mais sont tout de même nommées aux Oscars, preuve de la considération que leur accorde l’Académie. Dix ans plus tard, les deux cinéastes continuent leur aventure en binôme et refont parler d’elles sur la scène internationale. Dans une période où les spéculations autour de la prochaine cérémonie sont légion, leur court métrage The Flying Sailor, produit par le New Yorker, figure parmi les favoris, et une nouvelle sélection semble promise à Wendy Tilby et Amanda Forbis.

Les deux réalisatrices utilisent un fait réel en guise de support à leur imagination et à leur envolée onirique. En 1917, deux navires entrent en collision dans le port de Halifax, causant une explosion démesurée. Sur les quais, un marin est propulsé sur plus de 4 kilomètres par la détonation. Pourtant, le matelot sort presque indemne de son accident. Retrouvé complètement nu, il ne souffre d’aucune blessure grave. The Flying Sailor s’attache à ce personnage pour fantasmer son périple aérien et les images qui ont traversé son esprit, reprenant la croyance qu’au seuil de la mort, la vie d’un homme défile devant ses yeux en un fragment de seconde.

The Flying Sailor illu 1

Si la pertinence scénaristique du film est parfois compliquée à déceler, The Flying Sailor impressionne par le talent esthétique dont font preuve Wendy Tilby et Amanda Forbis. À travers un style unique, mélangeant techniques d’animation classiques et rendus proches du collage, les deux réalisatrices démontrent qu’elles maîtrisent les arcanes de leur art. Certaines scènes, comme la plongée en plan séquence rapide dans le bateau sur le point d’exploser attestent d’un savoir-faire certain, qui permet au court métrage de trouver un peu d’intérêt de forme malgré sa vacuité de fond. Toutefois, le film emploie davantage le montage que l’aspect graphique pour faire ressentir au spectateur l’expérience d’un destin qui défile en une poignée de secondes. Si The Flying Sailor propose quelques rares moments où le temps se suspend, montrant souvent le marin dans une position foetale qui l’assimile à un nourrisson, il impose le plus souvent un découpage extrêmement rythmé, probablement trop pour laisser une empreinte durable chez le public décontenancé. Les souvenirs ne sont que des flashs éphémères, oubliés aussitôt qu’ils sont perçus. Le langage cinématographique employé est cohérent avec la volonté du court métrage, mais peine à émouvoir.

The Flying Sailor illu 2

L’approche esthétique ne sert en définitive qu’à masquer une absence de consistance scénaristique, qui fait de The Flying Sailor une expérience davantage qu’un film. La rapidité des images cache le vide absolu d’un court métrage qui ne raconte rien. Le marin au centre de l’intrigue apparaît intéressant, et même si sa simplicité pourrait être touchante, le choix des instantanés étalés de sa vie ne suscitent ni attachement, ni sentiment de profondeur. Wendy Tilby et Amanda Forbis accomplissent la prouesse de rendre effroyablement banale une histoire extraordinaire. Le film ne brille que très vaguement à travers sa structure narrative. The Flying Sailor associe l’ascension dans les airs de son protagoniste aux souvenirs heureux, porteurs d’espoir. Wendy Tilby et Amanda Forbis choisissent à ce moment d’exposer des souvenirs des premiers pas enfantins du marin ou d’un coup de poing viril qu’il assène à un autre matelot. À l’inverse, lorsque le héros retombe vers le sol, les évocations de sa vie désenchantent sa mémoire. Sa démarche de bambin se ponctue par une chute, et la bagarre préalablement montrée tourne à la cinglante défaite. Cependant, l’intérêt de la démarche artistique reste timide et le court métrage échoue à trouver une universalité dans son propos. Un vrai constat d’échec. 

Techniquement intéressant, The Flying Sailor ne parvient jamais vraiment à susciter de l’émotion, transformant l’incroyable en banalité.

The Flying Sailor est disponible légalement sur le site du New Yorker et sur Youtube.

Nicolas Marquis

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