(Coming to America)
1988
Réalisé par: John Landis
Avec: Eddie Murphy, Arsenio Hall, James Earl Jones
Film vu par nos propres moyens
Dans les années 80, un homme règne sans partage sur le monde de la comédie made in USA: Eddie Murphy. Fort de son succès au sein du Saturday Night Live et de films devenus cultes, comme Un fauteuil pour deux, ou bien sûr Le flic de Beverly Hills, le comédien et clown fantasque n’a pas son pareil pour inviter au rire, et est assurément une des personnalités favorites du monde du 7ème art de l’époque. C’est en véritable roi des vidéo clubs et empereur des diffusions télévisées du dimanche soir que s’écrit sa légende et Un prince à New York perpétue cette lignée. Alors que la franchise est revenue sur le devant de la scène l’année dernière, à la faveur d’une suite, coup de projecteur sur le long métrage initial.
Au cœur de l’Afrique, le prince Akeem (Eddie Murphy) du royaume de Zamunda s’apprête à fêter son 21ème anniversaire. Une date symbolique, puisqu’elle marque l’organisation d’un mariage forcé auquel le contraint la tradition de son pays. Toutefois, le futur roi ne l’entend pas ainsi: il souhaite trouver une épouse en accord avec ses sentiments, loin de ce que lui imposent les diktats locaux. Pour se faire, et en dissimulant une partie de la vérité à ses parents, Akeem gagne New York, et plus précisément le quartier populaire du Queens, où il entreprend de vivre dans une pauvreté factice pour trouver l’âme sœur véritable, en compagnie de son ami et serviteur Semmi (Arsenio Hall). Son dévolu se jette rapidement sur Lisa (Shari Headley), la fille d’un patron de fast-food.
Choc des cultures
C’est donc sur une vision fantasmée de l’Afrique que s’ouvre Un prince à New York. Le cinéaste John Landis s’épanouit initialement dans des décors de studio qui émulent le faste de ce qu’on imagine des palais royaux luxueux du continent. Relativement lisse et propre dans les visuels qu’il propose, en opposition totale avec ce que sera la représentation de New York par la suite, le film y fait étalage de l’opulence: un orchestre réveil Akeem, des serviteurs parsèment son chemin de pétales de rose, on lui donne le bain… Tout est fait pour montrer une certaine obscénité des richesses. Pourtant, le long métrage ne s’inscrit pas dans des thématiques sociales affirmées. La fortune des régents de Zamunda ne se fait pas sur le dos de la population, ou tout du moins pas ouvertement, et John Landis préfère rester léger, dans le giron de la comédie accessible, s’extasiant principalement de jeux de perspective intéressants, et de représentations un brin caricaturales. Une scène de danse africaine semble même un peu attendue. Pourtant la magie fonctionne, on est propulsé dans ce qui fait une partie des racines ancestrales du peuple afro-américain, comme l’a surement voulu Eddie Murphy, à l’origine de l’histoire du film et à la production.
Cependant, cette portion du récit sur le continent africain se fait relativement restreinte, et n’est là que pour afficher une opposition avec le cœur du long métrage, au sein du Queens. Un prince à New York n’est pas une simple histoire d’amour mièvre, même si il ne renie pas ce côté, il est avant tout une critique de ce qu’est l’Amérique de l’époque, et notamment des clichés de la population noire modeste. Les scènes allant dans ce sens abondent: on moque les chanteurs de Soul, on critique le capitalisme débridé, on taquine le culte des Barber Shops, on souligne une certaine agressivité des échanges oraux. John Landis appuie le côté corrosif de sa représentation de New York par sa mise en scène: les trottoirs sont jonchés de détritus, la ville est sale, grise, et la précarité est palpable.
L’argent ne fait pas le bonheur
Au risque de paraître grotesque, et parfois franchement convenu, Un prince à New York oppose bonheur financier et affectif, pour mieux affirmer que les deux n’ont aucun lien réel. Une thématique au centre des aspirations du long métrage, développer de façon un peu dilettante. Il est sûrement aisé pour Akeem d’aller vers cette morale, lui qui n’a que 40 jours de pauvreté à éprouver. À plus forte raison, le manque de représentation de ceux qui manque de tout est parfois dérangeant: Lisa ne vit ainsi pas du tout dans le besoin, sa famille à une situation confortable. Probablement John Landis et Eddie Murphy ont-ils souhaité jouer la carte de la retenue pour ne pas caricaturer un population déjà victime de la stigmatisation de masse, mais se soustraire à tout message social est parfois perturbant, faisant même paradoxalement de certains personnages des avares sans raison apparente. Il manque du coffre au Prince à New York, voire un peu de courage.
Dès lors, c’est un autre axe du film qui prend l’ascendant sur le domaine financier: tous le sous-texte relatif à l’amour. Assez intelligemment, Un prince à New York installe par exemple le mariage forcé en Afrique pour en émuler la même logique aux USA: le père de Lisa refuse obstinément son idylle avec Akeem pour des raisons purement pécuniaires, et lui destine un autre prétendant, patibulaire mais fortuné. La notion de sentiment véritable se trouve en fait dans les échanges verbaux, dans l’ouverture de deux cœurs qui communiquent comme deux âmes sœurs. Grâce à des dialogues un peu pathos mais efficaces, John Landis n’a pas besoin de multiplier les embrassades. Non, la vérité est dans la communication et dans l’affirmation de soi, dans la rencontre de deux sensibilité similaires et dans l’écoute mutuelle. C’est certe un véritable cliché de cinéma en tant que tel, mais une scène où Akeem et Lisa sont ensemble sur une balançoire alimente cette idée.
All-Star Team
Si on a pris l’habitude avec les années de voir Eddie Murphy multiplier les prestations grands guignolesques agaçantes comme dans Docteur Dolittle, voire injurieuse dans Le Professeur Foldingue, Un prince à New York nous rappelle qu’il n’en a pas toujours été ainsi. L’acteur livre ici une prestation plutôt en retenue, n’ayons même pas peur de dire parfois touchante. Certes, une partie de la charge comique du film repose sur le côté éberlué d’Akeem, qui découvre le monde commun, et pourtant une belle sincérité se dégage de son jeu. Sa sympathie naturelle lui octroie même une côte d’amour indéniable. Le véritable bouffon du film, celui qui se fourvoie d’ailleurs scénaristiquement, c’est à n’en pas douter Semmi. Arsenio Hall est un partenaire de jeu privilégié d’Eddie Murphy et une alchimie artistique uni les deux hommes. On souligne tout de même, et c’est décidément une marque de fabrique de la carrière d’Eddie Murphy, la volonté d’apparaître grimé pour incarner d’autres protagonistes. Le comédien n’assume pas moins de 4 rôles différents, et se permet même un pied de nez: lorsque le roi du Zamunda demande à un barbier où est son fils Akeem, la personne qui lui répond est… Eddie Murphy déguisé.
À plus forte raison, le casting d’Un prince à New York convoque des gloires de l’époque, et de futurs grands acteurs en devenir. James Earl Jones, Eriq La Salle et même très rapidement Samuel L. Jackson sont présent à l’écran et alimente la qualité générale d’interprétation, plutôt agréable pour une comédie. On imaginerait ainsi un tournage bon enfant, mais l’histoire est en fait tout autre. Sur le plateau, les frasques de John Landis pourrissent l’ambiance. Avarice, tyrannie, comportement déplacés avec la gente féminine… Le réalisateur est à l’époque au cœur de la tourmente après un accident sur le tournage d’une adaptation cinématographique de La 4ème dimension, endeuillée par un accident d’hélicoptère tragique dans des conditions nébuleuses. Eddie Murphy pense alors tendre la main à John Landis pour le sortir de l’embarras en lui offrant Un prince à New York. Une main qui finira serrée sur la gorge du cinéaste après que l’énervement accumulé par le comédien explose sur le tournage.
Un prince à New York est édité par Paramount
Un prince à New York a peut-être un peu vieilli, mais il est devenu dans le même temps le témoignage des comédies 80’s dont Eddie Murphy était le roi. Les thématiques sont faciles, mais fonctionnent et prodiguent un agréable moment.
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