Songbird

2020

réalisé par: Adam Mason

avec: K.J. ApaSofia CarsonPeter Stormare

Quelle belle année 2020 on vient de vivre! Vraiment, tous ces morts à répétition, connus ou anonymes, y avait de quoi vous foutre la patate pour la décennie qui s’ouvrait. À peu de choses près, on se serait bien tous tenu la main pour faire une farandole superbe autour du globe mais manque de pot, c’est pas très “gestes barrières » comme concept. Alors il nous manquait quoi pour parfaire cette masterclass de la loose mondiale? Un bon gros film de merde qui utilise la crise sanitaire actuelle pour faire son beurre. Et oui, désolé les gars, on va attaquer frontalement “Songbird” et on va pas prendre de pincettes: la malhonnêteté intellectuelle a ses limites.

Alors l’histoire de “Songbird”, on va la balayer rapidement, comme le fait le long métrage d’ailleurs: en 2024, la Covid a muté et se fait plus agressive, comme en atteste le nombre surgonflé qu’on lui accole. Le monde vit confiné et seuls quelques rares immunisés peuvent encore vivre librement ou presque dans des rues devenues désertes. Parmi eux, Nico (K.J. Apa), assistant juridique devenu coursier à vélo (tout fout le camp), arpente les avenues de Los Angeles chaque jour pour livrer des provisions à ceux qui vivent reclus. Une idylle se noue mielleusement entre notre héros et Sara (Sofia Carson), une jeune femme qui vit enfermée avec sa grand-mère. Quand l’ancêtre manifeste les premiers signes de la maladie qui l’emmène vers une mort inéluctable, Nico va tout faire pour trouver à Sara un bracelet jaune synonyme de liberté (quitte à truander). Une course contre la montre s’engage donc entre la superstar de Deliveroo et les services sanitaires de la ville qui sont quand même bien partie en sucette idéologiquement tant ils semblent obsédés par l’envie de zigouiller tout ce qui bouge, Sara en tête, allez savoir pourquoi.

Alors évidemment, et à sa décharge “Songbird” ne s’en cache pas, ne vous attendez pas à un traité scientifique argumenté sur la propagation de la Covid. On utilise en fait les angoisses actuelles et on se propulse légèrement dans le futur pour prendre des libertés avec le virus et l’agrémenter de nouvelles règles de contagion qui ne sont là que pour faire avancer un scénario poussif. Si on devait classer le long métrage, on le rangerait complètement dans la case des divertissements qui tentent de chatouiller quelques thématiques de société. Le mot-clé est “tentent” car il faut bien reconnaître que “Songbird” va se ramasser lamentablement à chaque étape du scénario. On caresse quelques gros thèmes actuels, comme l’isolement social ou la précarité, un instant à peine avant de s’en foutre complètement. La pellicule donne une impression de bouillie improbable où rien n’est poussé au bout de son cheminement, tout reste en suspens jusqu’à l’oubli.

« Ouais, c’est la merde. »

Songbird” n’est donc pas un documentaire goupillé par des médecins, certes. Il s’assume en temps que légèreté aussi, admettons. Mais tout de même, et sans chercher à jouer les pisse-froid malgré nos inclinaisons habituelles pour la branlette cérébrale, il convient au moment de recevoir l’œuvre de s’interroger. En utilisant une variation de la Covid qu’on connaît pour trouver une tension scénaristique, “Songbird” expose son plus gros défaut: il est de très mauvais goût. Voilà que se présente à nous un film franchement putassier et opportuniste qui n’est en fait qu’un tremplin médiatique pour son réalisateur Adam Mason. Entendons-nous bien: il y a sûrement de la place pour faire de notre époque et de ses troubles, même sanitaires, des films intéressants et dans tous les genres, mais le faire avec un tel désintérêt pour son résultat est consternant.

Déjà dans la forme: “Songbird” est un film hystérique au point d’en avoir les dents qui grincent. Entre son montage complètement pété qui accumule les faux raccords et les timings atterrants, sa photo tout simplement démissionnaire et son manque d’idées neuves flagrant, le long métrage révulse notre goût esthétique. On a même le droit au sempiternel filtre dégueulasse pour donner un côté Pulp au tout: déjà vu, merci, au prochain.

Mais l’injure la plus profonde que “Songbird” fera à votre intelligence réside sans conteste dans la cohérence de l’ensemble. Que ce soit les enjeux globaux traités avec une désinvolture pitoyable ou les dilemmes à plus petite échelle qui se résolvent à coups de baguette magique, le film vous méprise. Il réduit son spectateur au statut de boeuf décérebré avachi devant une soupe qui ne fait aucun putain de sens! “Songbird” c’est presque une expérience, une échelle de mesure de la résilience d’un spectateur devant le navet le plus détestable.

Faut bien dire qu’avec des personnages aussi mal construits, on ne risquait pas d’aller bien loin. On garde dans notre cœur une place de choix pour le protagoniste joué par Peter Stormare, littéralement un éboueur devenu chef de service car les autres sont morts et lui non. Dit comme ça, on vole déjà pas haut mais attendez de le voir évoluer les amis. On ne sait pas trop ce que cherche cet homme, à part planter des quidams avec un couteau à huîtres, il se contente de camper l’antagoniste usuel idiot sans qu’on creuse quoi que ce soit chez lui.

Même cette romance entre les deux personnages principaux paraît fausse et bancale. On ne s’identifie pas du tout à Nico et Sara et voilà qu’en plus, on doit se farcir leur amour abracadabrantesque, pas loin du schéma du conte de fées le plus simpliste. Impossible d’accrocher à une aventure qu’on ne cimente pas un peu plus solidement: Covid ou non, il est bien peu cohérent qu’une symbiose si forte se soit formée entre deux personnes qui ne se sont jamais réellement vues, juste par écrans interposés. “Songbird”, c’est un peu le flirt Tinder de l’extrême avec tout ce que ça comporte de ridicule.

Puzzle insoluble lunaire de médiocrité, “Songbird” est un film méprisable pour son opportunisme et consternant devant son accumulation de situations abracadabrantesques qui n’accouchent de rien.

Nicolas Marquis

Retrouvez moi sur Twitter: @RefracteursSpik

Laisser un commentaire