(A Shaun the Sheep Movie: Farmageddon)
2020
Réalisé par: Will Becher, Richard Phelan
Avec: Justin Fletcher, John Sparkes, Amalia Vitale
Certains personnages nous collent à la peau et nous suivent toute notre vie. Pour les gosses des années 80 comme quelques-uns de vos Réfracteurs, l’exemple le plus universel reste sans doute la saga Dragon Ball. On a connu Sangoku tout jeune, grandi avec lui, suivi son évolution vers un ton plus mature et on s’est imprégné de sa lignée jusqu’à ses petits-enfants. Aujourd’hui encore, c’est fébrilement qu’on attend la suite de ses aventures qui perdurent, et l’argent qu’on dépensait en cartes à collectionner étant marmot part aujourd’hui dans des Steelbooks et autres éditions prestige. Ce phénomène de “fil rouge culturel”, on peut cependant l’observer très tôt dans la vie d’un enfant: en une poignée d’années, on décèle déjà le potentiel qui réside chez les héros fétiches de nos rejetons et c’est l’occasion de partager intensément avec eux les émotions du cinéma.
Mais loin des batailles intergalactiques du plus célèbre des Saiyans, c’est dans l’univers beaucoup plus bon enfant de Shaun le Mouton qu’on plonge aujourd’hui. Ce personnage imaginé par Nick Park accompagne Tsuyu, notre mini-Réfractrice, depuis la plus tendre enfance. D’abord sur les écrans de télé, puis une première fois au cinéma pour l’un des premiers films de notre jeune complice, le plus facétieux des ovidés revient pour un deuxième long métrage dans lequel la vie d’ordinaire déjà pas si tranquille de la ferme est bouleversée par l’arrivée d’un extraterrestre perdu loin de chez lui et que Shaun va décider d’aider.
Si le scénario vous fait lever un sourcil dubitatif, c’est bien normal: oui, “Shaun le Mouton Le Film: La ferme Contre-Attaque” (qu’on va désormais abréger en “Shaun 2”, par pitié) s’inspire très ouvertement du “E.T.” de Steven Spielberg. Plus fort, les références à l’œuvre originale inondent totalement la pellicule dans une avalanche d’éclats de rire. On touche là au cœur de ce qui nous intéresse le plus dans les aventures de Shaun: le partage intergénérationnel. Car outre le chef-d’œuvre de Spielberg, les clins d’œil à “Alien”, “X-Files” ou “Star Wars” sont légion. Les réalisateurs du film, Will Becher et Richard Phelan, constellent leur œuvre de symboles de la pop culture pour capter l’attention des parents. À l’instar de ce que fait régulièrement Pixar, “Shaun 2” joue sur deux niveaux de lecture, l’un enfantin et diablement efficace, l’autre plus adulte et camouflé. Idéal pour initier un échange constructif avec le jeune public.
“Shaun 2” s’appuie également sur une science pointue que le long métrage maîtrise avec merveille: le noble art du gag. Ce turbulent mouton ne dépareillerait pas au milieu des Looney Tunes: on prépare à l’avance les éléments déclencheurs, on crée de la surprise et on joue du contrepied. Le résultat reste toujours parfaitement intelligible, même pour les plus jeunes qui trouveront de quoi se distraire. “Shaun 2” est une occasion en or de rire aux éclats avec sincérité dans un élan commun partagé avec vos rejetons. Le rythme effréné n’offre toutefois que peu de temps morts et Tsuyu semble avoir parfois regretté le manque de respiration.
« La force de la pizza! Je le savais! »
Une cadence qui aurait peut-être gagné à ralentir pour délivrer son message sur la différence et l’acceptation de l’autre. Cet axe du récit, notre jeune complice l’a bien absorbé mais on doute qu’elle le retienne sur le long terme. “Shaun 2” est plein de bonnes intentions qu’un public d’enfants peut éprouver, mais sa collection de situations rocambolesques annihile toute tension dramatique développée. Acceptons pour une fois un pur divertissement qui revendique le rire comme mission première.
Un processus qui s’appuie sur des personnages très tranchés, dans l’esprit des “Looney Tunes” là aussi. Opposé à l’autoritaire chien de garde de la ferme, Shaun apparaît comme un personnage rebelle, un anti-conformiste. C’est avec beaucoup d’étonnement qu’on a constaté après coup que Tsuyu avait tiré des leçons de cet aspect de l’histoire, commencé à ébaucher un esprit critique vis à vis des règles qui lui semblent injustes. Alors oui, bien sûr, on parle plutôt des consignes propres à la maison ou à l’école dans son questionnement mais il y a l’embryon d’une philosophie qui sera intéressante à développer pour le reste de son éducation.
Toujours dans l’optique de s’enrichir et de se cultiver, “Shaun le Mouton” est aussi l’occasion de parler de cinéma et des techniques d’animation propres à l’œuvre. Le Stop-Motion est désormais un concept clair dans la tête de notre complice, une pierre de plus à sa cinéphilie qui pourrait d’ailleurs parfaitement se décliner à l’aide de quelques Lego et d’un appareil photo pour ceux qui souhaitent pousser plus loin l’expérience. Le résultat de ce savoir-faire et de l’aspect pâte-à-modeler propre aux personnages de Nick Park (on se rappelle tous “Wallace & Gromit”), c’est une identité visuelle complètement unique qui séduit encore totalement le jeune public d’aujourd’hui. Shaun et son nouvel ami extraterrestre sont incroyablement attachants, même uniquement à l’œil.
Tsuyu est apparue plus fermée à la patte sonore du film: il n’y a pas de dialogue dans l’univers de Shaun tout le monde s’exprime par des onomatopés un peu farfelus. Si notre jeune reporter en herbe n’est absolument pas réticente au cinéma muet, c’est le manque de variété dans les sonorités qui l’a légèrement braquée. Pas de quoi contrarier ce qui reste un plébiscite total dans le cœur de notre spécialiste jeunesse, du haut de ses 8 ans.
La note de Tsuyu:
Ce qu’on aime le plus chez Shaun le Mouton, c’est cette capacité à rassembler tous les âges autour de lui. Ce nouveau film ne fait pas exception et son humour remporte tous les suffrages.