(La morte accarezza a mezzanotte)
1972
Réalisé par: Luciano Ercoli
Avec: Nieves Navarro, Simón Andreu, Pietro Martellanza
Film fourni par Artus
Valentina est une jeune modèle à la mode qui connaît le succès. Un ami journaliste lui propose d’essayer une drogue hallucinogène expérimentale. Valentina accepte, et lors de l’expérience, elle croit assister à un meurtre. Mais au lendemain, elle constate que son ami l’a piégée pour faire les gros titres avec un article tapageur mettant en scène une célèbre modèle se droguant. L’ennui étant que, suite à cet article, elle perd à la fois son travail mais aussi toute crédibilité que ce soit auprès de ses proches comme de la police quand elle tente de témoigner du meurtre dont elle pense avoir été témoin.
Lorgnant du côté des gialli de Mario Bava, par le style à l’esthétique poussée, à la beauté picturale, à la manière aussi de dépeindre le milieu bourgeois et artistique de Milan, que Mario Bava savait si bien mettre en scène, que du côté de Dario Argento qui ne cessait d’interroger la capacité d’un témoin à se remémorer convenablement d’une scène de meurtre, La Mort caresse à minuit joue avec talent de ce double héritage. En effet, beaucoup de films ont tenté de reprendre le style de ces deux maîtres du cinéma italien sans parvenir à l’égaler.
Mais La Mort caresse à minuit s’appuie en premier lieu sur son actrice principale. La charismatique Nieves Navarro envoûte le spectateur et capte la lumière sur la pellicule. C’est aussi le personnage qu’elle campe qui intrigue. Valentina est belle, impétueuse, courageuse, indépendante. C’est une femme moderne qui refuse le mariage et le rôle de femme potiche, qui fait ses propres expériences et ses erreurs, et se frotte au regard des hommes complaisants, concupiscent, pleins de leçon de morale, en somme au patriarcat d’autant plus prégnant en Italie. Pourtant, Valentina ne fait aucune concession et refuse d’émousser son caractère pour se plier aux règles de cette société.
En outre de sa comédienne, le film signé Luciano Ercoli est dans une constante recherche d’esthétique poussée. Il profite de l’excuse de suivre une mannequin amie avec un journaliste et ayant une relation amoureuse avec un artiste moderne pour enchaîner les décors splendides. Même dans les scènes de meurtre et l’enquête poursuivie par Valentina, il nous confronte sans cesse à des décors qui inspirait des artistes modernes, de jouer avec les reflets dans les yeux comme les lunettes ou les vitres chargées de buée, avec les flous et la mise au point, avec les jeux de lumière et les ombres.
Fernando Arribas le directeur photo donne à cette quête esthétique toute sa force, jouant même avec les contrastes de la pellicule, les différences de teintes, de température de couleurs et la surexposition de l’image. Evidemment, le travail sur les décors et les costumes est également poussé, parvenant à susciter des images à la beauté captivante qui pourraient presque rivaliser avec les deux maîtres ayant inspirés le Ercoli. En réalité, il aurait sans doute pu les égaler s’il n’avait pas rythmé son film de touches d’humour qui sont parfois assez grossières, très patriarcales surtout, et surtout si son intrigue n’était pas très tirée par les cheveux.
Néanmoins, l’on pourra se demander si la scène dans la villa n’a pas inspiré à son tour Dario Argento qui trois ans plus tard fera venir lui aussi un témoin d’un meurtre dans une mystérieuse villa abandonnée dans Les frissons de l’angoisse. Sans doute même, l’assassinat à travers une vitre brisée dans Inferno tire son inspiration de la scène de combat final sur les toits… une chose est certaine, La mort caresse à minuit regorge d’idées de mise en scène, d’une beauté et d’un sadisme caractéristique des gialli. Et même s’il garde une certaine légèreté qui lui a valu d’être oublié dans la grande histoire des thrillers italiens, il n’en mérite pas moins d’être découvert.
En effet, Luciano Ercoli n’est pas aussi considéré et reconnu que ses pairs, pour autant son cinéma vaut le coup d’œil. Tant pour La mort caresse à minuit que pour Photo interdites d’une bourgeoise et Nuits d’amour et d’épouvante qui tous trois forment sa trilogie gialesque. On y retrouve le même casting et les mêmes obsessions, où une femme est soumise aux regards pas toujours flatteurs des hommes. Bien que restés dans l’ombre comparés à d’autres, ces trois films méritent d’être vus pour leur beauté envoûtante et portés par une musique assez travaillée, plus encore, d’une vision de la femme d’une étonnante modernité.
Et ce petit bijou est à retrouver chez Artus dans un magnifique coffret comprenant le Blu ray et le DVD, avec piste italienne et française, au cas où vous l’ignorez les films italien de l’époque était entièrement doublés en trois langues : français, anglais et italien au moment de la post-production. Ceci permet aujourd’hui d’avoir ces trois pistes de qualité sur la plupart des gialli sortant en coffret. La restauration du Blu-ray est de grande qualité mettant en valeur le travail sur la lumière et les couleurs du chef opérateur. C’est ainsi l’occasion d’agrémenter votre collection de gialli !