Grand Format : Avatar

2009

réalisé par : James Cameron

avec : Sam Worthington, Zoé Saldana, Sigourney Weaver, Stephen Lang, Michelle Rodriguez

Film vu par nos propres moyens

En 1994, James Cameron a une nouvelle idée. Il imagine l’histoire d’un ancien marine qui découvre une nouvelle planète et ses habitants. Cette aventure le pousse à trouver un sens à sa vie. Il nomme ce projet Avatar. Le réalisateur met de côté cette idée pour se concentrer sur Titanic. Après le tournage du film, Cameron ressort à nouveau son projet de science-fiction pour travailler sur le scénario. Il prévoit une sortie en 1999. Cependant, plus il travaille avec les équipes de Digital Domain, plus le réalisateur se rend compte que le budget prévu de 100 millions et la technologie ne sont pas à la hauteur de son ambition. La vision du long métrage Final Fantasy les créatures de l’esprit finit de confirmer ce doute. Avatar est à nouveau mis de côté.

En 2002 , James Cameron découvre l’adaptation des Deux tours par Peter Jackson. Lorsque apparaît Gollum sur l’écran, Le metteur en scène comprend que le moment est enfin venu de mettre en images sa création. Il repousse l’adaptation du manga Gunnm sur laquelle il travaille pour reprendre le scénario d’Avatar. Il contacte Weta digital pour travailler avec eux. Cameron veut que le film soit du jamais vu. Il décide de mélanger prises de vues réelles et animations numériques. Il prend également la décision de tourner le film en 3D en créant une caméra spécialement dans ce but. La 20th Century Fox est réticente au départ, encore traumatisée par le tournage sous tension de Titanic. Les colères de Cameron et son dépassement de budget ne plaident pas en sa faveur. Lorsque Disney se montre intéressé par le film, la Fox se décide finalement à financer ce gros projet de 237 millions de Dollars. Désirant mettre toutes les chances de son côté pour voir sa vision prendre vie, Cameron promet de ne pas dépasser le budget et de baisser son salaire en cas d’échec.

En 2009 lorsque le long métrage sort sur le grand écran, le public et la critique plébiscitent le spectacle qu’offre Avatar. Certains le comparent à l’impact de Star Wars en 1977 sur l’industrie cinématographique et les effets spéciaux. Le long métrage est le premier film à dépasser le milliard. Il devient avec plus de 2,8 milliards de dollars , le film ayant rapporté le plus d’argent. Auparavant la première place était occupée par Titanic. Cependant malgré le succès, des mécontentements se font entendre, critiquant une histoire niaise et trop longue. 

Un long processus créatif

James Cameron travaille sans cesse son histoire depuis la fin des années 1990, il s’est entretenu avec des spécialistes en botanique et en linguistique pour rendre crédible Pandora et la culture Na’vi. Il crée avec le professeur Paul Frommer un langage de plus de 1000 mots. Il engage Stan Winston pour travailler en collaboration avec la Weta sur les paysages de Pandora. L’équipe ainsi que les acteurs sont envoyés à Hawaï à la découverte de l’environnement afin d’être le plus précis possible. Il retrouve également James Horner  pour élaborer la musique. Le compositeur déclare que la bande son d’Avatar a été l’une des plus difficiles à créer. 

Pour terminer, il choisit pour le rôle principal de travailler avec un acteur peu connu du public, Sam Worthington, contre l’avis du Studio qui désirait Jake Gyllenhaal. Pour le réalisateur, il était crucial que le public puisse s’identifier au personnage et avoir la sensation de suivre un monsieur tout le monde qui devient un leader. Perfectionniste jusqu’au bout, Cameron n’aura de cesse de retravailler cette œuvre qui lui tient à cœur.  Profitant de la sortie prochaine de La voie de l’eau, Le metteur en scène en a profité pour retravailler les animations numériques et ressortir le film au cinéma dans un premier temps, puis sur Disney +. Ce retour permet de replonger avec du recul dans Avatar et de voir ce que le film nous raconte.

Une étude de l’humanité.

Avatar est un moyen pour James Cameron de livrer au public son analyse de l’humanité en utilisant les Etats-Unis comme exemple pour illustrer le constat de nos forces et de nos faiblesses. Ce n’est pas la première fois que le réalisateur explore ce sujet. Terminator et Abyss mettaient déjà en lumière les tendances autodestructrices de l’homme. Avec Avatar, il va plus loin. Le film commence par l’arrivée de Jake sur Pandora. On peut voir dans cette introduction une référence à l’arrivée des conquistadors en Amérique. Les bateaux sont remplacés par des vaisseaux imposants brisant ce décor de paradis perdu. Il poursuit par la présentation des Na’vi par l’armée. Les natifs sont traités comme des animaux violents. Un des personnages s’étonne de cette attitude car après tout, les terriens leur apportent des routes et des écoles. Ils devraient être reconnaissants. Ces propos rappellent une époque sombre des Etats-Unis, lorsque les colons se sont attaqués aux natifs, détruisant leurs cultures. La base américaine ressemble d’ailleurs à un fort. La société présentée dans le film est autocentrée, refusant la coexistence et voulant à tout prix s’imposer sur les autres par la violence. L’utilisation de prises de vues réelles pour mettre en scène les terriens permet d’accentuer leur froideur et l’enfermement des personnages. Ils dégagent très peu de sentiments, sauf lorsqu’ils convoitent quelque chose.

Au travers de ce portrait, Cameron livre également une critique de la guerre sous toutes ses formes.  Il utilise une fois de plus l’histoire américaine avec des plans montrant les Na’vi en fuite dans une jungle en feu, convoquant le Vietnam ou bien encore les militaires cherchant à justifier une guerre ayant pour seul but l’acquisition de matières premières pouvant être compris comme une référence à la guerre du golfe.

Le personnage du Colonel Quaritch focalise toutes ces critiques. Il ne pense qu’à la violence et au prestige qu’il peut en tirer. Il se moque des objections ou de la raison. Il s’amuse de la destruction en ne reconnaissant aucun droit aux Na’vi. Si l’idée d’utiliser tous les clichés possibles du militaire peut paraître séduisante, le personnage devient assez ridicule comme antagoniste voire même insupportable. 

Pour continuer son étude, Cameron oppose le côté sombre de l’humanité à ses richesses au travers de la beauté de Pandora. Lumineuse et luxuriante, la planète est un paradis rassemblant  tout ce qu’il y a de plus beau en nous. La végétation représente l’art. On peut y croiser des nénuphars rappelant les œuvres impressionnistes de Monet. Des ensembles de couleurs apportent une ambiance onirique à la manière de Van Gogh et enfin une jungle verte qui pourrait sortir d’un tableau d’Henri Rousseau.

Le choix de faire interpréter le docteur Augustine par Sigourney Weaver n’est pas anodin. En 1988, elle a interprété le rôle de Dian Fossey dans Gorille dans la brume. Retrouver l’actrice en scientifique partant à la rencontre et à la défense d’une autre espèce fait écho à l’histoire de Fossey qui a étudié et protégé les gorilles face à la violence des braconniers. Ceux qui sont curieux, les gens instruits, sont montrés comme les représentants de la raison par Cameron et les opposants des militaires. Augustine est compatissante et bienveillante envers les habitants de Pandora. Les Na’vi représentent la philosophie et les croyances. Ils sont les porteurs d’espoirs et de sentiments. Ils nous rappellent qu’il ne faut pas trop vite condamner l’humanité car si elle est capable du pire, elle est aussi capable de belles choses. 

Au lieu d’exister en harmonie ces deux facettes de notre nature s’affrontent. On reproche beaucoup au film de ressembler à Pocahontas de Disney, pourtant lorsque l’on regarde de plus près, c’est vers un autre maître de l’animation que Cameron a dû chercher l’inspiration pour illustrer cette lutte. Dans ses films, Hayao Miyazaki a souvent opposé le modernisme et la guerre à la nature. Lorsque nous découvrons dans Avatar, la scène de bataille aérienne au milieu d’îles flottantes ou bien encore Neytiri protégeant les esprits de la jungle, comment ne pas penser au Château dans le ciel et Princesse Mononoké.  Au travers de ces films d’animation, Miyazaki a très souvent critiqué la guerre en opposant la modernité personnifiée par des engins mécaniques à la puissance de la nature souvent incarnée par un être magique ou mystique. Que ce soit Kiki la sorcière ou bien encore Sophie dans Le château ambulant, le constat fait par les héroïnes de ces films est que pour subsister, l’humanité doit arrêter de commettre les mêmes erreurs, respecter la nature et surtout coexister avec elle. 

La biodiversité est la clef de notre survie pour James Cameron. La nature nous dit comment nous en sortir, si on l’écoute et que nous la respectons alors rien n’est perdu. Là où Miyazaki utilise les croyances et mythes de la culture japonaise pour délivrer son message, Cameron utilise la botanique. Il a énormément étudié le sujet  durant l’écriture d’Avatar et cela se ressent énormément. Avatar est une étude de la biodiversité et du comportement des espèces variées qui la composent. Les éléments qui ne fonctionnent pas avec les autres ne peuvent survivre. 

Je te vois

Une autre façon de pouvoir contrer notre tendance à l’autodestruction passe par le regard et la compréhension du point de vue de l’autre. Chaque personne vit dans sa bulle, elle voit le monde selon ses règles. Le but de Cameron est de nous faire comprendre que la violence existe parce que nous sommes bloqués dans notre paradigme. Pour faire cela, il utilise le personnage de Jake en lui faisant expérimenter différents points de vue.

Nous commençons l’histoire par l’arrivée de l’ancien marine sur Pandora. Nous découvrons la planète par son regard. Très vite Jake et le spectateur basculent dans la vision militaire. On décrit la planète comme dangereuse, il est impossible de respirer à l’extérieur et de se déplacer facilement, on risque également de mourir à tout moment. L’environnement que nous avons devant nos yeux est austère. Dans cette partie, Cameron filme souvent de près Jake, il est prisonnier de sa chaise tout en étant prisonnier du cadre. Lorsque la caméra recule un peu, c’est toujours pour suivre Jake comme pour le surveiller.

Les choses commencent à changer lorsque le protagoniste rencontre son avatar. La couleur bleue et une impression de grandeur font leurs apparitions. Cameron change ensuite de point de vue en transportant Jake dans le corps de son avatar. Tout comme John Carter s’endort pour partir sur Mars, Jake Sullivan fait de même pour habiter le corps de son double Na’vi et découvrir vraiment Pandora.

Le regard du spectateur évolue également. De gris, le cadre explose de couleurs, il grandit pour une offrir une sensation de liberté et de mouvement, à l’image de Jake qui retrouve l’usage de ses jambes.  Sa rencontre avec Neytiri, lui permet de se confronter au point de vue Na’vi sur les hommes. Enfin il y a le 3ème point de vue, celui de Jake qui s’illustre par son envie d’apprendre et ses interrogations. Plus il étudie toutes ces visions sur le monde, plus il s’affirme. Par le regard, Jake retrouve son identité. Il commence le film en étant perdu, n’étant plus qu’une pièce de rechange aux yeux des militaires cherchant à remplacer son frère disparu. En se confrontant aux regards des autres et en essayant de comprendre leur point de vue, Jake reconstruit et affirme son identité. Lorsqu’il atteint cet état, il choisit les Na’vi car il se reconnaît en eux. A ce moment-là, Jake s’unit à Neytiri transformant 2 regards en un. Il en va de même avec le reste de la tribu. A ce moment-là, la caméra recule pour faire apparaître un œil unique.  Le fait que les Na’vi utilisent l’expression : « Je te vois » prend tout son sens. En prononçant ces mots ils disent : j’ai conscience de toi, je te comprends et je t’accepte. Pour Cameron cette expression devient la définition de l’harmonie et de la paix. 

De l’autre côté, nous retrouvons cette notion de vision unique, mais contrairement aux Na’vi, ce n’est pas la réunion de différents individus mais une seule personne qui impose son regard aux autres. Le colonel est ce guide. Il est égoïste, il ne considère personne et n’accepte pas ce qui n’est pas compatible avec ses règles. Dernier élément important, il porte une cicatrice près de l’un de ses yeux renforçant ainsi l’idée qu’il est totalement aveugle.La compréhension de l’autre permet la communication, ce qui est la base de la culture Na’vi.

La force des émotions

Une autre arme pour le salut de notre humanité passe par nos émotions.  Ce sont elles qui nous donnent la force de nous battre. Pour développer cette idée, Cameron utilise de nombreuses références au magicien d’Oz. Dès le début du long métrage, le colonel dit à Jake qu’il n’est plus au Kansas. Comme la petite Dorothy, le marine commence l’histoire en étant perdu. Il n’a plus de foyer et surtout il ne sait plus qui il est et quel est son but dans la vie. 

Le film passe du gris à une explosion de couleur lorsque Jake découvre Pandora. Il court sur une route de terre ocre presque dorée pour entrer dans une jungle verte. Le spectateur comprend rapidement le parallèle. Tout comme Dorothy et ses amis, Jake trouve au fur et à mesure de l’histoire, son esprit, son cœur et surtout son courage. Ce parcours initiatique se fera par les sentiments. La joie de sentir à nouveau ses jambes, l’émerveillement, l’amour, la colère et la peur. Prendre le risque de la vulnérabilité est pour la chercheuse américaine Brené Brown, une grande force de courage, une ouverture d’esprit qui permet de changer les choses. Jake suit ce processus. Lorsqu’il reconnaît ses erreurs contrairement aux autres terriens, prisonniers de leur quête de pouvoir, Jake prend le risque de tout perdre mais il a le courage de refuser et d’exprimer de la colère face aux actes de ses semblables. 

Sartre disait : «  Une émotion est une transformation du monde », cette affirmation illustre très bien la résistance des Na’vi. La colère, la souffrance et le deuil sont des moteurs qui leur donnent la force de faire face aux hommes et de ne plus accepter la destruction de leur planète.  Bien que ce concept soit intéressant, il est cependant réduit à néant par des dialogues sans finesse et surtout très naïfs. On se retrouve au final avec des scènes d’amour très clichées qui ajoutent de la longueur au film et une répétition. La mise en scène est plus que suffisante pour comprendre l’amour naissant entre Jake et Neytiri . Avatar fonctionne mieux lorsque Cameron se contente de filmer l’horreur de la guerre, citant le souvenir d’Apocalypse Now avec ses protagonistes marchant en enfer.

Avatar de James Cameron est un spectacle d’une grande beauté et d’une grande naïveté.  Bien qu’il soit impressionnant techniquement, le film n’est pas la meilleure création du réalisateur par son manque de subtilité. Cependant la richesse de son univers et de ses thématiques en font une œuvre passionnante qu’il ne faut pas réduire à sa prémisse. Comme le dit Bruce Lee en s’inspirant d’un proverbe Chinois: « C’est comme un doigt qui pointe la Lune. ne te concentre pas sur le doigt ou tu vas manquer cette beauté céleste. »

Avatar est disponible en Blu-ray et DVD chez 20th Century Fox et sur Disney +.

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