Le Chat Potté 2 : la dernière quête
Le Chat Potté 2 : la dernière quête affiche

(Puss in Boots : The Last Wish)

2022

Réalisé par : Joel Crawford, Januel Mercado

Avec : Antonio Banderas, Salma Hayek, Harvey Guillén

Film vu par nos propres moyens

Il était une fois un chat séducteur, doué de parole et vêtu d’une paire de bottes en cuir. Arpentant le pays de Fort Fort Lointain en quête d’aventure, le félin frimeur se rit du danger de la pointe de son épée, remportant l’adhésion du jeune public. Apparu pour la première fois au cinéma en 2004, dans Shrek 2, le Chat Potté s’impose progressivement comme un personnage récurrent aux côtés du gentil ogre vert, jouissant d’une côte d’amour certaine auprès des adeptes de cet univers décalé qui s’approprie avec humour les codes et protagonistes des contes de fée. Le plébiscite est tel pour le malicieux matou qu’en 2011, les studios Dreamworks lui offrent son propre long métrage et explorent les origines de ce héros facétieux. Après plus d’une décennie, les attentes se sont évanouies et celui qui était la coqueluche des fanatiques de Shrek semblait condamné aux limbes de l’oubli. Pourtant, après 11 longues années, la firme retrouve son héros ronronnant à l’occasion du Chat Potté 2 : la dernière quête. Servie par un casting de stars qui prêtent leurs voix aux protagonistes du film, Antonio Banderas, Salma Hayek, Florence Pugh et Olivia Colman en tête, cette nouvelle épopée du chat intrépide tente de réunir deux générations, celles des anciens fidèles de Shrek devenus grands et celle des enfants d’aujourd’hui qui découvrent pour la première fois le turbulent animal. Si à l’écran, la magie peine souvent à opérer, Le Chat Potté 2 : la dernière quête est d’ ores et déjà un large succès financier alors que son exploitation en salle est encore en cours et le film de Joel Crawford et Januel Mercado prend des allures de nouveau porte-étendard de Dreamworks, présent dans séléction 2023 des Oscars, dans la catégorie “Meilleur film animé”.

De nombreuses années après ses dernières aventures, le Chat Potté (Antonio Banderas) n’a rien perdu de sa fougue. Vivant dans l’insouciance, le protagoniste continue de braver le danger dans une Espagne de mythes et de légendes. Néanmoins, après un terrible affrontement avec un géant de pierre, le chat perd la huitième de ses neuf vies et fait face à la fatalité de la mort qu’il ignorait jusqu’à présent. Poursuivi par un terrible Grand Méchant Loup (Wagner Moura) qui souhaite le transpercer de ses faucilles, le Chat Potté se réfugie chez une vieille amoureuse des félins et se résigne à une vie domestique. Toutefois, face au danger qui le talonne et notamment pour fuir Boucle d’Or (Florence Pugh) et les trois ours qui tentent également de mettre la main sur lui, le héros reprend du service et se lance en quête d’une étoile mystérieuse tombée du ciel qui exauce les voeux de celui qui la découvre, afin de recouvrer ses neuf vies. En compagnie de Kitty Patte de Velours (Salma Hayek) et du déjanté chien Perrito (Harvey Guillén), le Chat Potté s’enfonce dans une sombre forêt, guidé par une carte qu’il a dérobé au patibulaire Jack Horner (John Mulaney), désormais lancé aux trousses des héros.

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Reprenant la grammaire scénaristique qui a fait le succès de Shrek et du premier Chat Potté, cette nouvelle épopée détourne les codes et l’esprit des plus célèbres contes de fée pour en offrir une vision parodique, ici accompagnée d’évocations de la culture espagnole. Tentant parfois sans succès d’inviter au rire, le film tisse un jeu plutôt malicieux avec le spectateur élevé à l’aune des récits iconiques de princesses et de dragons. De nombreux d’accessoires issus des histoires fantastiques se retrouvent dans Le Chat Potté 2 : la dernière quête, détournés de leur utilisation originelle pour servir le plus souvent de support à l’humour. Néanmoins, au-delà des sourires, Joel Crawford et Januel Mercado, dans leur long métrage, essayent malgré tout de conserver l’esprit des contes en tendant vers une morale naturelle d’une même pureté. En souhaitant rester constamment compréhensible du plus jeune public, le film sombre malheureusement dans une candeur étouffante qui perturbe sa noble mission et en fait une œuvre destinée aux plus petits. Dans ce jeu d’appropriation de codes ancestraux, Le Chat Potté 2 : la dernière quête se révèle plus pertinent dans sa structure narrative que dans sa conclusion attendue. À l’instar de ses ancêtres lointains, l’objet qui est initialement perçu comme le but ultime du voyage ne sert en réalité qu’à trouver une vérité du cœur à la lumière du chemin parcouru, rappelant ainsi lointainement l’épée Excalibur d’Arthur, présente à l’écran. Le Chat Potté, Kitty et Perrito sont riches de leur expérience commune avant tout et l’esprit de groupe finit par transcender le bien matériel, voire le souhait ultime, dans des rebonds du scénario très infantiles. Prolongeant l’idée que le partage prévaut sur la possession, le grotesque Jack Horner est un collectionneur de reliques magiques qui ne comprend pourtant jamais leur signification profonde pour les héros des contes qu’il a détroussé. Malgré l’union des protagonistes propre au film, Le Chat Potté 2 : la dernière quête fait de l’itinéraire à parcourir vers l’élévation spirituelle un parcours différent pour chacun, se montrant ainsi presque bizarrement contradictoire avec son message de fond. La sombre forêt se métamorphose suivant qui détient la carte, confrontant la plupart des personnages à des périls différents, sauf Perrito, naturellement ingénu voire simplet, et qui en conséquence voit sa route pavée de fleurs. La naïveté est récompensée, dans un des excès juvéniles les plus navrants du récit.

Le Chat Potté 2 : la dernière quête compense néanmoins la fragilité d’un message pré-mâché par une surabondance de scènes d’action efficaces. Si le long métrage ne possède qu’une profondeur factice, il a au moins l’avantage d’être rythmé et haletant, cachant ainsi une part de ses failles scénaristiques sous le fard de l’aventure. Le Chat Potté est un rebelle insoumis au plus profond de lui, un frondeur qui affronte initialement le danger vaillamment et dont le caractère de petit frimeur réussit à séduire, malgré une volonté exacerbée de ponctuer chacune de ses interventions par un humour oppressant. Pour restituer la folie propre à l’odyssée de tous les dangers, Joel Crawford et Januel Mercado jouent de l’esthétique de son image. Si la plupart du temps, l’animation du Chat Potté 2 : la dernière quête est relativement conventionnelle, à l’image de ce que Dreamworks offre usuellement, certains instantanés à l’allure syncopée dynamisent de l’action, les visuels devenant volontairement saccadés dans les instants les plus héroïques du film. Passé des premières scènes déstabilisantes pour le spectateur, le long métrage parvient à donner de la cohérence à ces envolés originales. La fulgurance d’un plan légèrement traînant, accompagnée par une accentuation des contours des personnages, renvoie très lointainement aux illustrations de livres de contes de fées, présentes dans le long métrage. Au sommet des scènes d’affrontement, les réalisateurs manifestent aussi la volonté de rendre à son héros ses attributs de félins, s’écartant du jeu permanent de l’anthropomorphisme. Le Chat Potté redevient souple et agile comme ses semblables mais montre aussi une bestialité d’ordinaire absente du récit. Les séquences d’empoignades ne sont toutefois que l’exemple le plus criant d’une tentative perpétuelle de relater une aventure sous une multitude de formes. En accumulant les flashbacks, notamment ceux du premier film, Le Chat Potté 2 : la dernière quête semble vouloir faire appel aux souvenirs des spectateurs les plus âgés, mais se heurte ici à un cinglant constat d’échec tant le film ne trouve jamais une universalité intergénérationnelle apte à séduire les adultes. La musique est également un levier essentiel de la narration de l’œuvre. Joel Crawford  et Januel Mercado font des chansons un accompagnement récurrent de son film, renouant avec les traditions orales des plus vieilles légendes, sans sombrer dans la surenchère parfois éprouvante des productions d’un autre géant de l’animation, Disney. Ici le quatrième art accompagne sans envahir, et donne une autre dimension à l’épopée.

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L’aventure riche en rebondissements et parfois inutilement complexifiée est ponctuée de retours réguliers à une peur primaire qu’éprouve le Chat Potté face à la mort, notamment exprimée à travers les visuels montrant ses poils qui se dressent, comme un véritable félin apeuré. Après avoir vécu dans l’insouciance, le héros prend conscience de la fragilité de sa dernière vie et de l’inévitable fatalité d’une faucheuse qui le talonne aussi bien métaphoriquement que concrètement. Dès lors, Le Chat Potté 2 : la dernière quête devrait trouver une consistance nouvelle et permettre au public adulte de s’immerger, voire transposer une partie de ses craintes, dans le récit. Pourtant le film montre les limites de ses timides capacités scénaristiques en peinant à susciter une émotion profonde chez les plus âgés. Artificiellement, Joel Crawford et Januel Mercado pourvoient leur héros d’une longue barbe qui le vieillit, pensant ainsi proposer un support à l’identification, mais l’utilisation constante d’une grammaire enfantine absolue annihile les tentatives d’un cinéaste qui ne réussit pas à fondre les angoisses de deux publics différents. Mais si Le Chat Potté 2 : la dernière quête ne parvient pas à être universel, il fond cependant intelligemment imagerie des légendes écrites et représentations classiques de la mort. Le Grand Méchant Loup, sempiternel antagoniste des contes de fée, devient ici une incarnation de l’inextricable fatalité du destin, souligné par les faucilles qu’il exhibe. Avec une naïveté malheureusement réaffirmée, le long métrage fait du courage et de l’envie de vivre pleinement son existence sans se soucier du lendemain la réponse aux tourments de son protagoniste. Sans la peur, le Grand Méchant Loup n’a plus d’emprise sur le Chat Potté, qui triomphe de son adversaire en renouant avec son intrépidité. L’œuvre devient alors une invitation grossière et hasardeuse à faire de chaque jour une nouvelle aventure, en se riant du danger. Ainsi, la perspective d’une vie casanière de chat de maison dans l’entame du film est assimilée à un deuil des espérances et de la vérité de l’âme, illustré par une tombe. Le regret est également perçu comme un reniement de l’être, dans la scène au cœur d’une caverne où s’affichent des évocations du passé du Chat Potté, et où le Grand Méchant Loup finit par surgir, comme une inévitable malédiction.

En érigeant sans cesse et jusqu’à la nausée l’esprit de famille comme réponse aux peurs du protagoniste, le long métrage trace une voie vers l’épanouissement qui apparaît plutôt mièvre et surtout proclamée dès l’entame du récit. Une fois encore, le film s’interdit une couche interprétative supplémentaire qui aurait pu séduire les adultes en se cachant derrière une candeur exacerbée étouffante. Évoquer des problématiques fondamentales de l’existence en les rendant perceptibles pour le jeune public est louable, mais en voulant à tout prix rester un film pour enfant, Le Chat Potté 2 : la dernière quête renie toute profondeur, jusqu’à faire de sa résolution un moment incohérent pour les regards matures. Les facilités scénaristiques éculées étouffent davantage qu’elles ne touchent. Dans un excès de dirigisme total, Joel Crawford et Januel Mercado font de Perrito, support constant d’un humour parfois pathétique, le garant de la force inébranlable de l’amitié, martelant ainsi le message de fond du film sans aucune subtilité durant tout la durée du long métrage. Kitty Patte de Velours, personnage presque sans aucune consistance, ne semble quant à elle servir qu’à accentuer les remords du Chat Potté face aux erreurs de son passé. Le Chat Potté 2 : la dernière quête souligne inlassablement son propos et provoque la désagréable sensation d’être pris pour un idiot, peu importe son âge. Derrière l’infinie litanie de dialogues empreints de bons sentiments se cache la fragilité d’un script qui se contredit régulièrement, confinant à la paresse d’écriture. Le confort casanier de l’habitat est ainsi initialement source de détresse affective face au reniement d’une vie d’aventure, pourtant la cabane dans les bois de Boucle d’Or et des trois ours devient un idéal dans une scène allégorique. Il apparaît alors difficile de savoir si le long métrage souhaite inviter à une existence pleinement vécue dans la folie de péripéties innombrables ou à prendre conscience de l’amour et de l’attrait d’un doux et confortable logis qui se trouvent, depuis le début, sous les yeux du Chat Potté, amour qu’il est d’ailleurs le seul à ne pas remarquer. Entre la folie et la sagesse, Le Chat Potté 2 : la dernière quête refuse de choisir et se réfugie dans une tendresse duveteuse qui étouffe le spectateur.

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Interdire le contraste propulse dès lors le film dans un manichéisme effroyable, certes propre aux contes de fée mais ici démultiplié. Jack Horner cristallise à lui seul ce dogme éprouvant qui contribue à faire des personnages du Chat Potté 2 : la dernière quête des êtres soit garants d’une bonté enfouie, soit profondément mauvais par nature, sans réelle explication. La structure narrative montre ouvertement ses limites et il est parfois difficile de comprendre l’intention profonde derrière la présence des antagonistes. Le Grand Méchant Loup est porteur d’un symbolisme qui lui offre de la consistance, mais Jack Horner n’a aucune racine à son mal, si ce n’est l’évocation dans un flashback pollué par l’humour d’une enfance qu’on pense complexe, avant que le patibulaire boulanger n’invalide cette hypothèse dans un dialogue. Il n’existe que pour mettre une emphase éprouvante de puérilité sur l’opposition entre son propre égoïsme grossièrement décrit et l’altruisme des amis du Chat Potté. Ce qui s’affiche en spectacle léger et enlevé cache une lourdeur constante qui s’exprime à chaque fois que Jack Horner met à mort l’un de ses hommes, gag réutilisé ad nauseam dans le film. Non content d’afficher les horripilantes facilités de son scénario, Le Chat Potté 2 : la dernière quête décuple la fainéantise de son écriture en invitant Jiminy Crickett aux côtés de l’antagoniste. Le grillon est la manifestation de la bonne conscience et de la sagesse de Pinocchio dans le conte dont il est issu, mais ses remarques pleines de bon sens sont ici ignorées par Jack Horner, sans que le film ne se donne la peine de justifier la bêtise du personnage. Dans un univers fait de mièvrerie, la roublardise des pourvoyeurs de malheur n’a aucune origine autre que l’égocentrisme irraisonné. Même en concédant au Chat Potté 2 : la dernière quête que le long métrage est destiné à un jeune public, les enfants valent mieux que ça. 

Le Chat Potté 2 : la dernière quête possède un souffle épique visuel indéniable et un rythme endiablé, mais il cache de nombreuses grossièretés d’écriture malhabiles. 

Le Chat Potté 2 : la dernière quête est actuellement au cinéma.

Nicolas Marquis

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