Article : Remorques
Remorques affiche

1941

Réalisé par : Jean Grémillon

Avec : Jean Gabin, Madeleine Renaud, Michèle Morgan

Film fourni par Carlotta Films

Mer agitée

Cinéaste français phare du début du XXème siècle, Jean Grémillon a su insuffler sa patte romanesque à la galerie de personnages torturés qui émaillent sa filmographie. Formant un ensemble aussi cohérent que fascinant, son œuvre fait se côtoyer poésie et tragédie, fait souffrir les héros en quête d’amour et restitue splendeur et noirceur de l’être humain. Néanmoins, avant d’être observateur de ses contemporains, le réalisateur est surtout artisan savant du septième art. À l’ère de la transition du muet vers le parlant, les longs métrages de Jean Grémillon témoignent d’une aspiration nouvelle vers la découverte d’une sphère sonore qu’il reste alors à explorer. En 1926, son Tour au large devient le premier film pour lequel un metteur en scène se fait également compositeur de la bande originale. Outre son approche nouvelle de la musique, le cinéaste manifeste une fascination primaire pour la mer et ses mystères, tissant le premier maillage d’un fil rouge de sa carrière. L’époque du muet est par ailleurs l’occasion pour Jean Grémillon de parfaire son regard documentariste qu’il ne reniera jamais totalement malgré ses futures envolées romantiques. Disséquer les turpitudes de l’homme, c’est avant tout observer le milieu dans lequel il évolue et cette recherche d’un lien entre l’environnement et les personnages habite les fictions dont Jean Grémillon deviendra créateur méticuleux.

Tout film peut se rapporter à un documentaire

Jean Grémillon

Sorti en 1941, Remorques épouse pleinement l’identité unique de son concepteur en chef, entre approche concrète du quotidien de marin, travail précis autour des bruits parasites du port de Brest qui accompagnent les délicieuses tirades des protagonistes, et mélodrame noble et profond. Jean Grémillon signe par ailleurs sa deuxième collaboration avec Jean Gabin, quatre ans après Gueule d’amour qui a valu son surnom à l’acteur, et il reconstitue le duo mythique que forme le comédien et sa partenaire Michèle Morgan, peu de temps après Quai des brumes.

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Michèle Morgan et Jean Gabin, dans les rôles de Catherine et du capitaine Laurent

Initialement adapté du roman de Roger Vercel, récipiendaire du Prix Goncourt pour Capitaine Conan, Remorques est une relecture profondément modifiée du matériel originel. Plus macabre que ne l’est le film, le livre est remanié de nombreuses fois pour devenir scénario et gagner en émotion brute. De l’histoire de vengeance qui s’étalait sur le papier, Jean Grémillon fait un essai sur le dilemme affectif propre à chaque capitaine de navire, tiraillé entre la fascination de l’océan et le devoir conjugal. De mains en mains, le script se métamorphose. La première mouture confiée à Charles Spaak, notamment crédité à l’écriture de La Grande Illusion, est ainsi jugée trop peu onirique et la réécriture du scénario est donnée à André Cayatte, reporter, avocat et futur grand réalisateur. Néanmoins, l’équilibre fragile entre cohérence de la vie de matelot et envolées lyriques souhaitées par le réalisateur peine encore à s’affirmer, et il faut finalement le concours de Jacques Prévert pour réussir à tutoyer la douce rêverie voulue. Sous l’impulsion du producteur Joseph Lucachevitch qui souhaite réunir le meilleur du savoir-faire français, de Jean Grémillon amoureux de la plume du poète, mais aussi de Jean Gabin qui contacte personnellement Jacques Prévert, l’auteur est invité à réécrire les dialogues pour leur octroyer une saveur littéraire délicieuse. Dans la bouche des acteurs, les mots de l’écrivain deviennent de merveilleuses caresses érudites.  

Tout semble alors réuni pour faire de Remorques un chef-d’œuvre, mais les heures sombres du XXème siècle vont frapper de plein fouet la création artistique. Débuté en 1939, le tournage est interrompu lorsque la France entre en guerre avec l’Allemagne. Enrôlés sur le front, Jean Grémillon et Jean Gabin abandonnent un temps le projet et ils ne retrouvent les plateaux qu’en 1940, au bénéfice d’une autorisation exceptionnelle de tournage. Néanmoins, au mois de juin de la même année, l’occupation nazie du sol français contraint les équipes à se disperser à nouveau. Tandis que certains s’exilent aux États-Unis, d’autres gagnent le sud de la France en emportant les bobines par peur de la férocité du régime fasciste. Jean Grémillon ne parachève son long métrage qu’en 1941, mettant un point final aux prises de vues des dernières séquences et s’échinant à un montage qui lui impose de larges ellipses, stigmates de la conception conflictuelle de Remorques, mais qui lui donne paradoxalement une uniformité unique. Triomphe public à sa sortie, le film gagne les écrans français sans que Jean Gabin et Michèle Morgan, qui ont trouvé refuge outre-Atlantique, ne puissent savourer ce succès. Le travail de restauration et d’édition de Carlotta Films est donc une indispensable nécessité qui permet aujourd’hui à tous de redécouvrir en Blu-ray un long métrage incontournable et un auteur trop souvent oublié au Panthéon des réalisateurs français pionniers.

En mer et à quai, Remorques suit le parcours du capitaine André Laurent (Jean Gabin), sauveteur des côtes bretonnes. À la barre de son navire, le Cyclone, il mène son équipage au secours des bateaux en détresse. Marié depuis dix ans à Yvonne (Madeleine Renaud), le marin s’imagine mari exemplaire et heureux, mais lorsqu’il répond aux appels désespérés du Mirva, il recueille également la naufragée Catherine (Madeleine Renaud), épouse malheureuse du commandant du navire en perdition, avec qui il noue une relation passionnelle. Durant quelques brefs instants de répit sur la terre ferme, André remet en cause sa vocation de navigateur, son bonheur conjugal et se laisse séduire par la rescapée, tandis que sa femme dépérit.

Tempête imminente

En rade du port de Brest, les marins du Cyclone vivent dans un état d’alerte permanent, alors qu’une poignée de minutes gagnées peut faire la différence entre la vie et la mort des accidentés de la mer. Sans discontinuer, Remorques souligne que ses tristes héros sont hommes de deux territoires, entre la terre qui n’est qu’un lieu d’attente éphémère, et la mer qui rappelle à elle ses dévots. Comme le souligne l’analyste Tangui Perron dans les bonus de cette nouvelle édition, Jean Grémillon pense les logis de ses personnages principaux comme une extension significative de son récit. Outre les sirènes incessantes du port qui se font entendre, l’appartement des Laurent offre une vue large sur l’embarcadère et ses bateaux qui sont autant de futurs navires en détresse potentielle. Les sauveteurs ne savourent que partiellement la vie à quai. Comme un couperet auquel on ne peut se substituer, l’appel du devoir interrompt les instants de joie fugaces, comme lors de la scène d’ouverture du mariage d’un subordonné du capitaine Laurent, mais aussi les moments de profonde tristesse. Les marins du Cyclone n’appartiennent ni à la ville, ni à l’océan, il vivent dans un entre-deux qui les écartèle durant tout le film.

Comme un rappel du danger toujours réaffirmé qui guette les personnages de Remorques, la fureur des tempêtes s’invite dans chaque strate du film. Telle une bravade adressée à la colère des éléments qu’affrontent les héros, le nom du bateau du capitaine Laurent fait de l’embarcation une partie intégrante du chaos. Sous la pluie infernale et les vents colériques, le Cyclone trouve sa juste place et accomplit sa besogne. À l’évidence, les quelques séquences de sauvetage accentuent également la mise en exergue des typhons nocturnes qui tombent sur le récit. Ironiquement, les conditions climatiques particulièrement clémentes durant le tournage du film n’ont pas permis à Jean Grémillon de capturer le tumulte de véritables bateaux pris dans les flots impétueux. Le cinéaste démiurge reconstitue le cataclysme à l’aide de maquettes, donnant presque l’étrange allure de coquilles de noix fragiles à ses embarcations. Néanmoins, puisque la volonté même du film est de tisser un lien entre terre et mer, les orages frappent à parts égales ceux qui sont restés à quai, jusque dans leurs appartements. Inquiète jusqu’à en être malade, Yvonne entend le déluge qui s’abat sur Brest, et usant d’un astucieux trucage, le réalisateur capture l’image douloureuse de l’épouse en plan serré puis élargit son cadre d’un même mouvement, jusqu’à s’affranchir des fenêtres pour montrer les pluies diluviennes qui agressent la demeure. L’urgence et le péril s’imposent à tous, et même sous les toits, nul n’est vraiment à l’abri.

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Jean Gabin, dans le rôle du capitaine Laurent

Néanmoins, la majeure partie du film est consacrée à une mise en évidence de l’ennui qui frappe les matelots du Cyclone, dans l’attente de la prochaine catastrophe, ou durant leur trajet en mer jusqu’à accomplir leur mission. Remorques est une parenthèse hors du temps, durant laquelle les heures cessent leur course effrénée. La dévotion des marins éprouve ainsi autant le corps et l’âme. À l’unisson et souvent blessés, ils s’affairent à activer les machineries du navire, et leur corps noircis par le charbon et la tempête se confondent avec les pistons frénétiques de leur embarcation. Dans un montage rapide et sec, Jean Grémillon fait se fusionner les êtres devenus robotiques et le moteur du Cyclone. Malgré leur labeur, l’ennui et la dépression les meurtrissent d’une même manière. Les longs périples aux quatre coins du globe ne sont plus qu’un souvenir lointain pour André, qui reconnaît chez son subordonné Le Bosco (Fernand Ledoux) une détresse affective qu’il éprouve lui-même. En mer, les marins souffrent du manque de tranquillité et de réconfort sentimental. En mer, les arpenteurs de l’impossible attendent le prochain retour à flots, comme une addiction insurmontable. L’océan murmure à leur oreille comme une sirène.

Remorques met un point d’honneur à souligner la fracture ostensible qui règne entre ces amoureux des abysses et les traîtres à leur idéologie qui font commerce des désastres de l’Atlantique. Bien qu’André évoque régulièrement l’aspect financier de son métier, il se révèle progressivement en rupture avec un système avare, loin de son idéal maritime. Même si le spectateur comprend rapidement qu’il ne quittera jamais son métier, le capitaine évoque ouvertement son rêve de tranquille retraite, lors d’une altercation avec l’administrateur de sa compagnie. Il répudie les êtres qui prospèrent sur les malheurs de la mer, qu’ils soient supérieurs hiérarchiques ou commandant du Mirva aveuglé par l’appât du gain. La collision entre l’extase fantasmée de la vie de matelot et la réalité crue est presque toujours violemment mise en scène par Jean Grémillon. Le capitaine Laurent se dispute avec un employé de bureau, il gifle violemment son homologue du Mirva, et plus allégoriquement, le câble qui tracte le bateau en perdition se casse, par deux fois, rompant le lien entre l’équipage du Cyclone, uni face à tous les périls, et le navire accidenté où règne la disharmonie absolue entre les êtres. 

André se révèle alors être un meneur d’hommes exemplaire, presque un fantasme inadéquat dans un milieu souvent dépeint en opposition comme purement commercial. Davantage que supérieur hiérarchique soucieux, montré aussi bien à la barre qu’en cabine, il est un père fédérateur pour la famille du Cyclone où chaque homme est comme son propre enfant. Au mariage d’un membre de son équipage, il prend la parole, non sans mentionner ceux qui sont restés à bord du navire ou qui ont perdu la vie en mer. Au secours affectif de ses matelots, il entretient une cohésion de groupe absolue, refusant que certains soient raillés, permettant ainsi une unité précaire mais visible, à flots comme sur terre. Le Cyclone est un organisme vivant qui se meut à l’unisson, et dont le capitaine Laurent est le cœur et l’âme. Il est le fil fantôme d’un tissu humain, assemblé autour d’un idéal commun. Il est l’homme du rêve des océans, entouré dans son appartement de diplômes et de maquettes de bateau, et plus que tout, l’être dévoué qui est même prêt à sacrifier son droit aux sentiments et au chagrin pour repartir toujours en avant sur les vagues déchaînées.

L’écume des cœurs

L’attrait irrépressible qu’éprouve le capitaine Laurent pour Catherine prend alors une dimension beaucoup plus métaphorique, tant Remorques confère à ce personnage féminin une dimension presque surnaturelle. Elle est autant femme déterminée que créature fantasmagorique venue de la mer et vouée à refluer avec la marée. Dans la tempête elle apparaît, et dans l’orage qu’elle pressent elle s’effacera. Lors d’une séquence de visite de maison en compagnie d’André, une curieuse parenthèse onirique s’ouvre subrepticement, offrant à l’écran quelques minutes hors de la réalité, au large d’un littoral parfaitement calme. Cependant, même au cœur de ce rêve éveillé, Catherine prédit l’éphémérité de la relation amoureuse qui se noue. Alors qu’elle relate une histoire de fantôme vécue au cinéma, dans ce lieu impersonnel, ces mots sont comme une divination qui jette son sinistre augure sur le film.

Une femme comme moi, c’est fait pour disparaître

Catherine, interprété par Michèle Morgan

Comme l’étoile de mer qui devient le symbole de l’union maudite des deux amants de circonstance, elle est un être de l’abîme et aux ténèbres elle est destinée à être rappelée, notamment lorsqu’elle plie bagages dans la pénombre. Un bref instant, la sauvée des océans s’est faite sirène, a subjugué le capitaine Laurent en lui susurrant des mots à l’oreille. Un simple prénom secret qu’elle taisait depuis l’enfance et qui résonne comme une supplique : “Aimée”. Elle a voilé le regard d’André, qui confesse ne pas pouvoir détourner ses yeux d’elle, et l’a ainsi empêché de voir le mal qui frappe Yvonne.   

La dualité entre les deux femmes est prophétisée dès les premières minutes de Remorques, lorsque lors d’un mariage, un médecin prend la parole pour poétiser la réalité de la vie de marin.

Le marin a deux épouses, sa femme et la mer

Le docteur Maulette, interprété par Henri Poupon

André est donc l’homme de deux partenaires. Yvonne est un être profondément dévoué et pragmatique, qui aperçoit la déliquescence de leur union que le capitaine refuse d’accepter. Pourtant, jamais l’épouse n’est totalement passive, car au-delà d’une scène de dispute, elle partage dans une même mesure les rêves de futur de son mari, et plus que tout la douleur tue d’un mode de vie éprouvant et d’une affliction médicale. Elle porte pour lui une part du fardeau de l’existence de marin. Toutefois, André est aussi l’homme de Catherine, émanation de la mer, et céder à ses charmes signifie pour lui perdre le fragile équilibre entre vie maritime et terrestre, et ainsi condamner son foyer à la destruction. Le capitaine Laurent a un temps été davantage aventurier qu’époux, et il est puni pour sa transgression.

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Madeleine Renaud et Jean Gabin, dans les rôles de Yvonne et du capitaine Laurent

L’impossibilité d’une osmose parfaite entre terre et mer est étendue à tout l’équipage du Cyclone, dont chaque membre souffre de la précarité de cette conciliation illusoire. Le Bosco est désespérément seul et se lamente de la lassitude de sa vie, pourtant, il dit ouvertement se plaire auprès du capitaine Laurent. Il grommèle quand les autres rient, il s’esclaffe lorsque le reste de l’embarcation se lamente. Remorques change habilement de ton pour offrir de multiples variations autour d’une même détresse. Jean Grémillon est amuseur public lorsque l’infidélité d’une épouse de matelot est relatée, pourtant, le mari trompé conscient d’être bafoué ne peut abandonner ses désirs de vie de couple. Le réalisateur se transforme également en poète de la mise en scène, au moment où l’annulaire d’un jeune marié est arraché par la tempête, comme si la mer réclamait son dû dans chaque instant de bonheur fugace.

La dichotomie entre Yvonne et Catherine se perçoit également comme une tentative réussie de théorisation des deux pôles de la pensée romantique, entre amour réaliste et désir primaire. Jean Grémillon se détourne du sentimentalisme exacerbé en faisant du mariage un espace de partage concret où chaque partenaire complète l’autre. Ainsi, le capitaine Laurent est un homme de l’instant, et il incombe à sa femme de porter en elle la vision claire d’un futur commun. Le passé est écrit à deux, le présent dans les mains du matelot, mais le futur appartient presque exclusivement à Yvonne. À l’inverse, la relation adultère avec Catherine n’est que fracas de pulsions primitives et de sentiments bruts, souvent confiés dans le texte et presque toujours marqués par le désespoir. La naufragée n’avoue jamais réellement à André qu’elle l’aime, et pourtant elle ne fait pas montre d’une même pudeur pour lui communiquer le malheur qui l’habite, achevant de condamner leur union. Ils ont été réunis par l’ouragan, ils ne pourront pas être heureux ensemble, simplement partager leur désarroi.

Ceux qui sont malheureux doivent se reconnaître entre eux, ou alors ils seraient malheureux

Le Bosco, interprété par Fernand Ledoux

Les deux histoires d’amour d’André réaffirment la recherche conflictuelle d’un espace propice aux sentiments, dans une vie dévouée aux inconnus et réglementée par le sens du devoir. En succombant à son attirance pour Catherine, le capitaine Laurent a certes montré que la mission de sauvetage se poursuivait à quai, mais il a transigé avec son code moral jusqu’alors infaillible. Un instant de faiblesse suffit à lui faire souffrir la blessure d’une vie et à perdre tout ce qu’il avait bâti. Son dilemme est insoluble : l’aventurier de première ligne ne connaît nul répit, il doit sauver les échoués de la vie, encore et toujours, et recommencer perpétuellement, en s’interdisant plus de quelques secondes de chagrin. À jamais, il est rappelé à la mer et à ses naufrages.

En Bref :

La mise en scène aussi savante que poétique de Remorques est magnifiée par de splendides dialogues et par un jeu d’acteurs impeccable. Se perdre dans le tourbillon du film est un délice, pour un long métrage aussi cohérent que profond.

Remorques est disponible en Blu-Ray chez Carlotta Films, dans une nouvelle restauration, avec en bonus : 
. Présentation du film par Serge Toubiana (6 mn)
. L’oeil du cyclone (23 mn – HD)
« L’œuvre de Grémillon est tellement complexe qu’on a besoin de plein d’analyses. Chacun a sa version et aucune n’est suffisante. […] C’est peut-être à ça qu’on reconnaît un chef-d’œuvre. » Un entretien inédit avec Tangui Perron, historien, spécialiste du cinéma et du monde ouvrier, auteur du Cinéma en Bretagne.

. Bande-annonce 2023 (HD)

Nicolas Marquis

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