FX2, effets très spéciaux
FX2 affiche

(F/X2)

1991

Réalisé par: Richard Franklin

Avec: Bryan Brown, Brian Dennehy, Rachel Ticotin

Film fourni par L’Atelier D’Images

Au début des années 1990, l’industrie du cinéma est en plein bouleversement. Suite à une décennie qui a fait la part belle aux effets pratiques, maquillages, et autres animatronics, le savoir-faire des artisans du septième art est progressivement remplacé par l’hégémonie de l’image de synthèse. En 1991, bénéficiant d’une technologie développée préalablement pour Abyss, Terminator 2 marque ouvertement ce changement d’approche: si le film de James Cameron fourmille de trucages confinant au bricolage, le grand public n’a d’yeux que pour les animations virtuelles du T1000, qui émerveillent les spectateurs. Une nouvelle décennie s’ouvre et apporte avec elle sa révolution, laissant de nombreuses petites mains sur le bas-côté. La même année, FX2, effets très spéciaux apparaît à contre-courant de cette évolution hollywoodienne. En reprenant à soi la grammaire posée par son prédécesseur, et en faisant à nouveau d’un spécialiste des effets pratiques le héros du long métrage, le film est comme le chant du cygne d’une génération de techniciens qui se verront progressivement délaissés. Pourtant, la saga FX n’est que peu aimée par les artistes d’effet spéciaux, qui reprochent au premier opus de dévoiler les secrets de leur magie, et qui considèrent ce second volet comme trop fantaisiste. Contrairement au protagoniste Rollie Tyler (Bryan Brown) qui est un séducteur affirmé, les truquistes sont souvent des marginaux, vouant l’essentiel de leur temps à l’espace exigu de leurs ateliers, dédiant leur vie au bricolage inventif. Néanmoins, FX2, effets très spéciaux est une lettre d’amour à un cinéma sur le déclin: en prenant la suite de Robert Mandel, le réalisateur Richard Franklin comprend l’essence profonde du premier film, et propose une fois encore un enchantement de petites astuces visuelles qui font mouche encore aujourd’hui.

Cinq ans après les événements du premier volet, FX2, effets très spéciaux s’attache une fois de plus à la trajectoire de Rollie. Désormais retiré du monde du cinéma, il s’épanouit dans une nouvelle carrière de fabricant de jouet, sous les yeux attendris de sa compagne Kim (Rachel Ticotin) et de son beau-fils Chris (Dominic Zamprogna). Le jour où l’ancien mari de sa partenaire, flic de New York, propose à Rollie de collaborer avec les forces de l’ordre pour coincer un serial killer, le héros accepte par pur altruisme. L’opération vire toutefois au drame, et le policier est tragiquement tué au cours de l’altercation. Mais un complot plane sur l’affaire: Rollie en a la preuve, l’assassin n’est pas celui que l’on croit et une vaste machination est en œuvre, laissant entrevoir le spectre de la corruption policière. Pour mener l’enquête, Rollie fait appel à celui qui l’avait accompagné durant le premier film, l’ancien inspecteur Leo McCarthy (Brian Dennehy).

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Bien que FX2, effets très spéciaux comporte une bonne dose de thriller aux accents hitchcockiens, ce qui n’est pas étonnant venant du réalisateur de Psychose II, l’action débridée reste l’apanage du long métrage. En reprenant grandement la structure narrative du premier film, se permettant même de délivrer les scènes les plus musclées aux mêmes instants, ce nouvel opus s’approprie la grammaire de Robert Mandel pour la transcender. Si FX, effet de choc était le témoignage de l’âge d’or de l’effet pratique, ce second volet est un exemple de son apogée. Lors de la séquence du supermarché, ou dans son emballement final, le film offre au spectateur un spectacle hautement jouissif où le bricolage est roi. L’ombre de MacGyver, succès télévisé de l’époque, n’est assurément pas loin au moment où Rollie assemble avec malice les produits des rayons pour mettre à mal un tueur à ses trousses, laissant par là même présager le futur sur petit écran de la licence. FX2, effets très spéciaux, tente néanmoins de capter les évolutions de son époque et assimile avec une certaine justesse les progrès techniques qui couvent alors. L’hyper miniaturisation de certains accessoires de Rollie répond au boom technologique de l’époque, l’apparition d’un casque de réalité virtuelle semble hautement précurseur, et l’utilisation d’un internet balbutiant est relativement malin. Là où FX, effet de choc romançait une réalité pour lui rendre hommage, FX2, effets très spéciaux cherche à anticiper le futur. Les scènes d’introduction des deux longs métrages se répondent sur ce point: alors qu’elles exposent toutes deux les plateaux de tournage de films fictifs, la première laisse percevoir un polar mafieux, la seconde une pure œuvre de science-fiction.

Richard Franklin marque toutefois une rupture formelle avec son prédécesseur en faisant de FX2, effets très spéciaux un pur Buddy Movie. Alors que Rollie et Leo étaient séparés durant tout le premier long métrage, avant une réunion dans les ultimes minutes, ils avancent cette fois de concert. Plus marquant encore, le truquiste semble tout autant intéressé par l’enquête, qui implique ses proches, que son homologue est versé vers les effets pratiques. Lors d’une séquence où Rollie pénètre dans le bar de Léo, c’est d’ailleurs bel et bien l’ancien policier qui le piège au moyen d’un animatronic faisant référence au premier film. L’aventure n’est plus solitaire, elle évolue en binôme, selon un équilibre parfait. Alors que c’est là sa promesse initiale, FX2, effets très spéciaux se permet même de s’écarter de longues minutes des scènes d’action explosives pour creuser le complot, certes un peu simpliste, qui lui sert de toile de fond. Léo est le vecteur de l’esprit critique, de l’analyse froide sur un monde qu’il entrevoit avec nihilisme, tandis que Rollie, plus naïf, est une sorte de bras armé, l’homme d’action; deux faces d’une même pièce.

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En accord avec cette idée, FX2, effets très spéciaux transforme quelque peu le personnage de Rollie. Fini le séducteur et homme à femme du premier volet, c’est ici le rôle de beau père qu’endosse le truquiste avant tout. En effectuant des retours réguliers vers le visage de Chris, Richard Franklin souligne cette idée: son protagoniste reste un magicien, prompt à émerveiller le jeune enfant, mais une notion de responsabilités marque son évolution. Rollie ne peut plus courir de risques inconsidérés, il n’est plus un solitaire, il doit protection et bienveillance à ses proches. Alors que Chris détient entre ses mains la clé de la résolution de l’intrigue, le technicien rechigne à lui faire courir le moindre danger. Son idéal n’est plus le même, il est devenu plus humble et soucieux de son entourage. La base de son implication dans le complot est d’ailleurs diamétralement opposée à ses motivations dans le premier long métrage: Rollie ne joue plus avec le feu pour prouver sa valeur, il accepte le travail par amour de sa compagne. Dès lors, son changement de métier apparaît significatif: spécialiste par le passé de films d’horreur, Rollie est désormais fabricant de jouets. Celui qui servait l’appétit des adultes est désormais au service de l’enfance, rendant par là même FX2, effets très spéciaux plus grand public, comme l’atteste sa dose plus restreinte de sang à l’écran.

Léo n’est pas exempt de tout changement lui aussi, tout aussi important pour l’évolution de la licence. Il n’est plus membre actif des forces de l’ordre, il en est un spectateur extérieur, qui peut dès lors entretenir un regard critique sur ses anciens collègues. Le premier film antagonisait le pouvoir fédéral, à travers le département de la justice, c’est ici la police de New York qui est mise à mal. Si une même idée de corruption accessible aux hommes jouissant d’un petit pouvoir s’exprime, la nuance est certaine. Ceux que l’on a coutume de surnommer les “NY Finests” n’ont assurément rien de parangon de justice: lorsqu’ils ne sont pas pourris, ils sont sacrifiés sanguinairement par le récit. La justice ne s’exprime jamais à travers les institutions, alors que la vérité des tribunaux est elle aussi mise à mal, mais par la volonté du duo de protagonistes. Le besoin d’un organe indépendant, vierge de toute collusion et conflit d’intérêt, est avancé, d’autant plus lorsque la police des polices est elle aussi hautement critiquée. Bien sûr, FX2, effets très spéciaux est un pur divertissement et n’entend pas porter une réflexion accrue sur la question, mais Richard Franklin ne semble pas accorder sa confiance aux hommes de loi.

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La vérité du cœur et de l’âme revient perpétuellement à l’artiste: l’émotion est la primeur de Rollie, de loin le plus humain des personnages et le premier porteur de vertu. Alors que l’enjeu du film concerne rapidement des pièces d’or forgées par Michel-Ange lui-même, au terme de son travail sur le plafond de la chapelle Sixtine, FX2, effets très spéciaux tisse un lien notable entre deux artistes séparés par plusieurs siècles. Bien que Rollie ne soit jamais mis sur le même plan de génie que le peintre italien, tous deux caressent le divin à travers leurs œuvres, sont conscients d’une vérité qui se dérobe au commun des mortels. Par ailleurs, en faisant de la restitution des pièces au Vatican un moteur du récit, le long métrage interroge sur la paternité du travail artistique. Michel-Ange n’est pas l’architecte de la chapelle, mais il l’a magnifiée à jamais. De la même manière, un truquiste n’est pas le réalisateur d’un film, mais il participe parfois grandement à son appréciation. Chaque petite main compte pour FX2, effets très spéciaux, une œuvre se construit par touches subtiles, dans une agglomération de savoir qui finit par former un tout qui émerveille.

FX2, effets très spéciaux reprend les grandes lignes du premier épisode de la saga, pour offrir un spectacle encore plus décomplexé et jouissif. L’alchimie entre Rollie et Léo fonctionne à merveille, et offre un divertissement plus qu’agréable.

F/X, effets très spéciaux est disponible chez L’Atelier D’Images, dans une édition comprenant le film et sa suite, avec en bonus:

  • un livret de photos
  • Entretiens avec Bryan Brown
  • Entretien avec le journaliste et réalisateur Alexandre Poncet 
  • Entretien avec le réalisateur Robert Mandel

Nicolas Marquis

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