Sons of Philadelphia

(The Sound of Philadelphia)

2021

Réalisé par: Jérémie Guez

Avec: Matthias Schoenaerts, Joel Kinnaman, Maika Monroe

Après un premier film remarqué, “Bluebird” (dont nous vous parlions d’ailleurs ici), le jeune cinéaste Jérémie Guez revient sur le devant de la scène avec sa seconde réalisation: “Sons of Philadelphia”. Un long métrage qui permet de cerner encore un peu plus l’univers du metteur en scène et qui esquisse les contours de son style. Déjà un accomplissement pour le réalisateur qui pose sa patte sur sa nouvelle proposition, ce qui est probablement l’une des choses les plus dures à trouver pour un tout jeune artiste. Mais aussi personnel soit “Sons of Philadelphia”, on va rapidement constater que pour chaque bonne idée, une mauvaise vient perturber le visionnage.

Mais un point sur l’histoire du film avant tout: “Sons of Philadelphia” nous propulse dans le monde des voyous de la ville américaine en retraçant le parcours de Peter (Matthias Schoenaerts), le bras droit de son gangster de cousin Michael (Joel Kinnaman) qui bascule progressivement dans la violence pure pour asseoir sa domination sur la Philadelphie. Impuissant, Peter va tout faire pour tenter de canaliser Michael mais ses efforts vont sembler vains.

Avec “Sons of Philadelphia”, on replonge dans l’underground des guerres d’influence américaines avec délice. Jérémie Guez est conscient de la lignée cinématographique dans laquelle il s’inscrit et va jouer cette carte à 100%. On navigue entre règlements de compte, chantiers bidons ou encore clubs de boxe comme on les a connus tant de fois, sourire complice aux lèvres.

Toutefois, aussi plaisant soit cet univers, il semble manquer totalement d’originalité. Jérémie Guez pose son empreinte visuelle sur le film, on l’a dit, mais en même temps il multiplie les révérences aux classiques du genre et y perd de la personnalité. Il ne semble jamais s’approprier totalement son récit, comme s’il s’excusait presque d’être là alors que le cinéaste semble totalement capable de souffler un vent nouveau sur son œuvre. Il manque un léger effort.

« C’est facile de ce coté du ring. »

Sa réalisation apparaît posée et cadre bien avec le monde que décrit le film. À l’instar de “Bluebird”, Jérémie Guez se fait à nouveau remarquer pour son montage énergique et cohérent qui donne du rythme à son nouveau film. Elle est sans doute là la signature artistique qui nous a marqué.

Mais une fois encore, ce constat est immédiatement contrebalancé par un reproche: il manque quelque chose à “Sons of Philadelphia”. On aurait voulu que le film se distingue par une photo plus travaillée, ou par une scène vraiment marquante et on reste invariablement sur notre faim. On cherche inlassablement et avec pourtant beaucoup de bienveillance ce qui pourrait rendre le film unique mais cette quête se solde par un échec.

On continue de souffler le chaud et le froid avec les performances d’acteurs. Matthias Schoenaerts est comme souvent brillant dans son rôle de gangster froid mais pourtant bourré d’émotions qu’il cache aux autres. Là encore on trouve quelques réminiscences de “Bluebird” et on savoure ce personnage relativement convaincant, dernier rempart de la morale face à son cousin qui part doucement en vrille.

Malheureusement le reste du casting n’est tout simplement pas à la hauteur. On resterait même relativement poli et sympa en parlant de performance collective consternante. Tous les personnages secondaires, sans exception, sont frappés par le fléau du surjeu aberrant de lourdeur. “Sons of Philadelphia” fait le deuil de la subtilité en laissant en roue libre des protagonistes qui manquent de cadre.

Reste enfin à évoquer la ville de Philadelphie et sa pluralité culturelle. En opposant la mafia italienne, les institutions américaines, et les gangsters d’ascendance irlandaise dont font parti nos héros, Jérémie Guez restitue à travers ses personnages le mélange des origines propre à la côte est des USA. Un état des lieux qui donne du relief au film.

Dans ce cas là, pourquoi ne pas aller encore plus loin, en faisant par exemple de Philadelphie un quasi-personnage du film? Jérémie Guez semble se complaire dans une mise en scène minimaliste qui ne tire jamais profit des décors de la ville. Un parti pris aux allures d’acte manqué.

Jérémie Guez ne manque pas de style, mais sans doute un peu de courage artistique. “Sons of Philadelphia” à tout du film moyen qui accumule les défauts perturbants chacune de ses qualités.

Nicolas Marquis

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