On the Rocks

2020

réalisé par: Sofia Coppola

avec: Rashida JonesBill MurrayMarlon Wayans

Comme il est toujours intriguant de constater le lien qu’un cinéaste peut tisser avec nous. Au fil des films, une certaine connivence naît malgré la barrière de l’écran, et on se prend d’amitié pour des créateurs. Même dans leurs oeuvres moins réussies, on distingue une confiance presque indéfectible qui se créée. C’est le cas avec Sofia Coppola: son cinéma tout en douceur et subtil nous parle, nous interpelle, nous touche. La réalisatrice signe cette année son retour avec “On the Rocks”, une comédie aux accents dramatiques pour laquelle elle a fait appel une fois de plus au gigantesque Bill Murray.

Mais le personnage principal du film n’est pas l’acteur mythique mais belle et bien une femme. Laura (Rashida Jones) est une mère dans la trentaine, débordée par sa vie professionnelle, affective et familiale. Alors qu’elle jongle difficilement entre toutes ses responsabilités, elle va se convaincre que son mari vit une aventure extraconjugale. Alors que le doute l’assaille, son père excentrique (Bill Murray) va la pousser à espionner son concubin et subtilement, une relation filiale un peu compliquée va se dessiner entre Laura et son paternel.

Avec son personnage principal, Sofia Coppola va décrire avec beaucoup de justesse les affres de la position de la femme moderne dans la société. Harassée par les impératifs et les tâches qui lui incombent, Laura est une caricature à peine exagérée d’une mère qui cherche sa place désespérément, qui est en quête d’épanouissement. C’est ici que va se placer le coeur du film, dans cette recherche impossible.

On the Rocks” demande toutefois un petit effort pour s’identifier à cette femme forte. En plaçant le récit dans la petite bourgeoisie new-yorkaise, Sofia Coppola impose un cadre un peu loin des réalités des gens plus modestes (comme nous). Certes, la cinéaste ne nous oublie pas, et à quelques tournants elle nous apostrophe, mais son film reste un peu volatile par moment, compliqué à saisir.

« Le premier qui baisse les yeux a perdu. »

On a aussi été un peu mitigé quant à la performance de Rashida Jones. L’actrice ne démérite pas, loin de là, elle vend même plutôt bien son personnage, mais la comédienne va rapidement se heurter à un problème du film: Bill Murray est tellement puissant qu’il vole presque toutes les scènes.

On retrouve celui qui nous a tant fait rire par le passé dans un rôle qui lui va comme un gant, une partition où il peut utiliser son talent de cabotin fantastique avec énormément de panache. Rapidement, on se lie davantage à lui qu’à Laura. Bill Murray est omniprésent et son jeu permet d’affirmer le schisme enfoui qu’il existe entre son personnage et sa fille. Si les Oscars ont lieu l’année prochaine, on serait tenté de mettre une pièce sur une nomination dans la catégorie “second rôle masculin” pour l’acteur.

Un rapport de force un peu déséquilibré donc, mais qui n’empêche pas le film de délivrer son message, cette idée que pour avancer dans le présent, il faut soigner le passé. Cette relation père-fille est complexe et c’est avec énormément de subtilité que Sofia Coppola en trace les contours. “On the Rocks” prend son temps, se pose, s’affirme avec douceur.

L’enquête autour de l’infidélité supposé du mari permet au film de garder un certain ludisme dans la forme, un fil rouge qui tient en haleine même si on est un peu circonspect sur la fin de cette histoire. Peu importe, l’important est plutôt dans le portrait de Laura, dans l’affirmation de cette femme qui veut légitimement s’affranchir des hommes pour exister.

Puis il y a quelque chose d’encore plus profond ancré dans le film: une ode à la fantaisie, une invitation à vivre sa vie avec éclat. Certes, nos chemins sont parfois tortueux, on trébuche, on se trompe, mais “On the Rocks” clame haut et fort une doctrine qu’on aime: que nos errances soit extraordinaires, frappées d’une folie douce qui donne du sel à notre existence.

Sofia Coppola ne réussit pas tout parfaitement dans cet essai autour de l’esprit de famille et de la femme moderne, mais sa douceur et son sens de l’esthétique permettent à son histoire de résonner en nous et à Bill Murray de livrer une performance une fois de plus grisante.

Nicolas Marquis

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