Les Sept de Chicago

(The Trial of the Chicago 7)

2020

réalisé par: Aaron Sorkin

avec: Eddie RedmayneAlex SharpSacha Baron Cohen

Dans le monde du septième art, les films qui se déroulent dans l’enceinte d’un tribunal ont toujours eu une place prépondérante. Repensez à “12 hommes en colère” ou “Du silence et des ombres…” notamment pour vous remémorer à quel point les longs-métrages judiciaires ont marqué l’histoire du cinéma. C’est de toute cette noble ascendance que se réclame “Les Sept de Chicago” de Aaron Sorkin, une oeuvre fraîchement apparue sur Netflix et qui va à son tour, même si c’est avec moins de brio, tenter le pari d’utiliser un procès pour mettre justement en lumière les injustices.

Cette histoire vraie, c’est celle de 8 prévenus, dont la fameuse bande des “Sept de Chicago”, tous arrêtés lors de manifestations pacifistes qui ont dégénéré, en pleine guerre du Vietnam, et tous poursuivis ardemment par la justice américaine, sans réel esprit de compréhension. Durant de longs jours et contre l’incompétence notoire du juge chargé de l’affaire, ils vont clamer leur message de paix et de fraternité contre une machine législative inhumaine.

En mélangeant images d’archives et prises de vues fictives, dans un montage plutôt rythmé, Aaron Sorkin s’inscrit dans une forme de continuité des grandes oeuvres judiciaires. Son rythme est le bon, malgré quelques accros et il réussit à imposer son tempo malgré la longueur réelle inhérente à un procès. Alors concrètement, le cinéaste ne va rien inventer, mais il va absorber ce qui c’est fait de bien ça et là pour que le film garde une forme de tension.

Parmi les forces du film, il y a indéniablement le poids des dialogues. Certes, ils peuvent apparaître comme un peu trop écrits, manquant de naturel, mais leurs envolées se font toujours mordantes et Sorkin propose quelques répliques franchement saisissantes, qui aident à mieux cerner le caractère de chaque personnage. Des protagonistes d’ailleurs joués par un casting de rêve: Joseph Gordon-Levitt, Sacha Baron Cohen, John Carroll Lynch, et tant d’autres!

Mais il se pose tout de même une question fondamentale lorsqu’un film tel que celui ci nous tombe dessus avec tout le poids de l’Histoire: est-il à la hauteur de sa tâche? Dans la réalisation, passé ce qu’on vient de mettre en avant, on a eu l’impression que le film tombait dans les poncifs du genre, livrant sa morale, certes saluable, d’une façon un peu nièvre, avec trop de condescendance. L’envolée finale par exemple ou les virgules musicales semblent caricaturales et on comprend que Sorkin ne va pas réinventer la grammaire des longs-métrages judiciaires avec son film.

« Peace les gars! Faites l’amour, pas la guerre! »

On peut même légitimement se demander si Sorkin n’a pas légèrement idéalisé l’Histoire. Passé deux ou trois personnages foncièrement méchants, on a l’impression qu’il y a une union commune derrière les prévenus, alors que les États-Unis de l’époque était fortement divisés. Comble absolu, le procureur chargé de mettre en accusation les “Sept de Chicago” semble introduit d’entrée comme un quasi sympathisant. Peut-être que cet homme avait de sérieux doutes sur l’affaire qu’il avait à charge mais ici, Sorkin sacrifie presque un personnage qui pouvait incarner une réflexion supérieure.

Et ce n’est pas le seul: sur les 8 accusés, il n’y a de substance profonde que sur 3 protagonistes. Tous les autres sont soit traités avec facilité, soit presque complètement mis de côté. Alors ce phénomène ne dénature pas le film, Sorkin s’appuie quand même par instant sur eux, mais ils sont presque des accessoires de l’histoire et ce genre d’erreur ne pardonne pas pour un film tiré de faits réels.

Reste que dans le fond, “Les Sept de Chicago” est pétri de bonnes intentions, et cristalle un tas de mouvements dont on se sent assez proche dans notre petit coin d’internet. La question du racisme par exemple, traitée avec dureté, sans complaisance pour les institutions américaines, fait écho à l’actualité. Peut-être que la façon de faire est un peu grossière mais l’intention est assurément la bonne.

Le message anti-guerre a remporté notre adhésion lui aussi, même si la méthode Sorkin est un peu naïve. Le film manque peut-être de contrepoids pour mieux retranscrire les mentalités les plus fermées à l’époque, toujours est-il qu’on se sent proche de ces personnages un peu hippies: dans un monde idéal, on serait peut-être même potes!

Malheureusement, ce monde parfait n’existe pas et Sorkin, en se déconnectant de la réalité, bascule dans une forme de mélo un poil agaçante. Il livre en fait un film aux sentiments faciles alors qu’exposer les faits suffisait presque à atteindre son but. Le cinéaste raconte plus qu’il ne démontre et cela entache une partie de la pertinence de son long-métrage.

C’est effroyablement dommage car “Les Sept de Chicago” c’est un peu toi qui nous lis, nous qui écrivons, et tous les autres qui nous entourent. Ces personnages affirment une idée qu’il est bon de rappeler à notre époque, celle que malgré nos divergences, il arrive un point où les luttes sociales se rejoignent pour combattre le plus infâme. Une idée fixe que “l’union fait la force” et que les différences ne sont que des détails au regard de l’Histoire. Les idées priment sur l’individu: un message qui nous parle.

Au final, “Les Sept de Chicago” est proche de l’acte manqué. Il faut faire fi de plein de petits détails irritants pour se satisfaire des bonnes intentions de Sorkin, qui elles sont judicieuses.

Nicolas Marquis

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