Le vilain

2009

réalisé par: Albert Dupontel

avec: Catherine FrotAlbert DupontelBouli Lanners

L’univers d’Albert Dupontel est unique. Son humour noir très marqué, sa malice dans la construction scénaristique, mais aussi sa réalisation stylisée font du cinéaste français un véritable auteur. Un artiste complet qui réussit à réconcilier cinéphiles exigeants (comme nous) et grand public: ses longs métrages sont des succès populaires certains. Parmi les œuvres du réalisateur qui ont le plus compté se trouve “Le vilain”, le film sur lequel on vous propose de s’attarder quelques minutes. L’histoire de Sidney (Dupontel lui-même), un braqueur de banque foncièrement mauvais qui à la suite d’une cavale trouve refuge chez sa mère (Catherine Frot) qu’il n’a pas vue depuis de longues années. Alors que l’ancêtre prend conscience du caractère “vilain” de son fils, elle va chercher à réparer les erreurs de son rejeton alors que Sidney tente désespérément d’échapper à ce personnage qui semble immortel.

Un pitch qui permet à Dupontel de dérouler sa patte caractéristique à tous les échelons de l’élaboration de son film. Ce qui marque en premier lieu, c’est sans conteste l’esprit cartoon du cinéaste. Chaque scène est empreinte de ludisme et d’un léger sadisme qui rappellent les toons qui ont bercé notre enfance, mais dans une version plus adulte. Il y a toujours un piège abracadabrantesque, une préparation travaillée qui débouche en général sur un éclat de rire incontrôlable. L’humour noir de Dupontel se propage avec ludisme dans nos coeurs.

L’identité des films de Dupontel s’exprime aussi dans sa technique. Le cadrage nous a particulièrement marqué dans “Le vilain”. Le cinéaste multiplie les angles de caméra improbables, au raz du sol ou en oblique. Un processus qui permet de se démarquer des autres productions du genre, une façon d’aborder le cinéma sans concession, en s’affranchissant des codes existants. Dans la continuité, Dupontel va afficher des couleurs chaleureuses et nostalgiques, parfois proches du sépia des longs métrages d’antan. Une façon de coller au personnage âgé de Catherine Frot.

On regrette par contre le traitement sonore un peu plus paresseux. Le thème musical du film est sur-employé et parfois gênant. Certes, il apporte lui aussi sa touche de ruse, mais il semble omniprésent et un poil invasif. On savoure bien plus la mélodie des savoureux dialogues qui eux sont variés.

« Tire sur mon doigt. »

Mais loin des considérations un peu techniques, la marque de fabrique de Dupontel ressurgit avant, principalement dans l’élaboration de son scénario. L’auteur est acide, corrosif, cruel même, et c’est pourtant avec une facilité déconcertante de virtuosité que le réalisateur débouche sur une morale construite et sensée. La narration est presque parfaite et ce qui s’installait comme une comédie efficace mais relativement convenue prend progressivement de l’ampleur, devient bien plus profonde qu’il n’y paraît.

C’est peut-être grâce à ses personnages que Dupontel réussit ce tour de magie. Comme souvent, le cinéaste apparaît un brin anarchiste et utilise ses protagonistes pour croquer une société cupide. Le bas de l’échelle se révolte face aux puissants dans “Le vilain”, une grande partie de l’histoire est axée sur le sentiment d’injustice que vivent les personnes âgées du quartier où prend place le film face à des promoteurs immobiliers véreux. On se sent concerné par la proposition scénaristique, Dupontel nous parle avec sincérité et nous interpelle.

Toutefois, et c’est bien normal, c’est la réflexion autour de l’amour filial qui saisit le plus. Sommes-nous obligés d’aimer nos enfants malgré leurs défauts, voire d’assumer une part de responsabilité dans leurs turpitudes? Catherine Frot et Albert Dupontel apparaissent coincés dans cet état de fait, loin d’un équilibre salvateur. Le réalisateur ne va pas donner de réponse claire et nette à cette question mais va plutôt bien plus astucieusement inviter chacun à se faire sa propre idée grâce à sa fable douce-amère.

Une fois de plus, Dupontel réussit son pari fou d’inviter à la réflexion en s’amusant et en savourant une comédie intelligemment construite et mise en images.

Nicolas Marquis

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