2020
réalisé par: Olivier Babinet
avec: Gustave Kervern, India Hair, Ellen Dorrit Petersen
Avec un simple titre, certains films réussissent à éveiller notre curiosité. C’est le pouvoir des mots qui une fois assemblés convoquent un univers déjà unique. À ce petit jeu, “Poissonsexe” n’est évidemment pas en reste et interpelle même les plus réfractaires. Mais on vous voit venir bande de tordus que vous êtes! Calmez-vous donc, il n’est pas question ici de partouze aquatique mais plutôt de détresse amoureuse dans cette véritable comédie.
On y suit le destin de Daniel (Gustave Kervern), un biologiste spécialiste des poissons qui tente de découvrir pourquoi ceux-ci ont décidé de ne plus se reproduire jusqu’à disparaître presque totalement des océans. Mais en parallèle de cette recherche scientifique, c’est surtout la quête d’amour de ce garçon attachant qu’on suit, lui qui rêve par-dessus tout d’être papa.
Un pitch un brin farfelu qui résume efficacement à lui seul l’esprit du long métrage d’Olivier Babinet: un mélange de folie et de douceur. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le parallèle entre la vie de Daniel et le monde des poissons fonctionne, les deux axes du récits se répondent perpétuellement pour traduire des sentiments complexes. L’abstinence des poissons apparaît aussi frustrante que les péripéties amoureuses de ce triste héros. C’est en fait toute la pression sociale qui pèse sur les célibataires qu’on fait ressortir avec cette histoire décalée. Olivier Babinet croque la société sans écraser ses protagonistes.
Un succès permis par l’excellent travail d’écriture dont jouit l’œuvre. Dialogues savoureux sans paraître factices, scènes amusantes qui ne virent jamais à la bouffonade grossière: Olivier Babinet fait étalage d’un véritable talent de conteur qui n’est pas sans rappeler Spike Jonze dans son approche différente de notre monde. Tout l’équilibre du film repose sur le tact dont fait preuve le cinéaste.
« Prends ça Nemo! »
Une douceur qui va planer sur tout le long métrage. La mise en images de Babinet est une caresse qui propose des couleurs pastel douces à l’œil et même une photo par moments très inspirée, bien au-delà de ce que le titre pourrait suggérer aux plus cabotins. Babinet ne bacle rien, il considère chaque aspect de son ouvrage avec une extrême bienveillance et guide le spectateur vers le propos qu’il souhaite mettre en valeur sans jamais brusquer la réflexion.
Ce côté très affectueux qu’a le réalisateur pour son film se ressent dans le traitement des personnages, plein d’empathie. Il n’y a pas d’antagoniste caricatural dans “Poissonsexe”, tout comme il n’y a pas de héros parfait. Olivier Babinet semble attaché à tous ces protagonistes et leur offre à chacun un instant de poésie plus ou moins marqué. Il y a bien un aspect un peu convenu dans l’œuvre qui la condamne à rester un poil anecdotique, quelque chose qui manque un peu de splendeur et de grandeur, mais on apprécie ce moment de calme réfléchi.
C’est bien évidemment Gustave Kervern qui bénéficie le plus de ce traitement indulgent. Le long métrage fonctionne du moment qu’on accroche à la prestation de l’acteur et difficile d’y résister. Avec une grande facilité, le comédien rendu célèbre par “Groland” passe du rire aux larmes, de la loufoquerie à l’émotion sans grands effets de manches qui nuiraient à l’esprit de “Poissonsexe”. Il est le pilier central d’un film qu’il n’écrase jamais, une vraie bonne performance qui éclipse presque un peu les autres.
Comme pour ponctuer encore un peu plus l’ambiance reposante qui se dégage de “Poissonsexe”, l’excellente bande originale de JB Dunckel, l’un des membres fondateurs du groupe Air, apporte encore plus de légèreté au film, appuyant les accents planants du scénario de ses accords éthérés qu’on lui connaît si bien.
“Poissonsexe” n’est pas inoubliable et ne révolutionne pas le cinéma, mais il apporte un moment suspendu drôle et agréable à vivre au détour de nos errances cinématographiques.