Crazy Heart

2009

réalisé par: Scott Cooper

avec: Jeff BridgesMaggie GyllenhaallColin Farrell

À chaque pays sa culture: le domaine artistique est sans conteste un véritable passeport pour les différentes contrées tout autour du globe, il atteste d’un esprit commun aux créateurs qui les unit sous une même bannière. Dans cette idée, la musique a une place incontournable dans le paysage mondial. Impossible de dissocier la samba et le Brésil, le tango et l’Argentine, ou dans des genres plus confidentiels, le sirtaki et la Grèce ou la polka et la Pologne. Et quel courant musical embrasse mieux ses origines que la Country? Véritable marque de fabrique des USA, son impact dépasse celui de la musique pour s’ériger en mode de vie, en philosophie.

Cet état de fait va être au centre de “Crazy Heart” de Scott Cooper, un film qui nous propose de suivre Bad Blake (Jeff Bridges), chanteur de Country alcoolique à la gloire passée qui écume désormais les bars miteux pour continuer de vivre sa vie de bohème. Son destin va croiser celui de Jean (Maggie Gyllenhaal), une reporter locale qu’il rencontre au détour d’un concert et dont il va s’amouracher.

L’esprit de l’Amérique et la vie sur les routes du pays de l’oncle Sam sont sans doute les deux notions que le long métrage capture le plus efficacement. On accompagne Bad Blake dans son périple géographique et émotionnel, on se retrouve témoin privilégié de son parcours. On apprécie d’ailleurs le côté réaliste du film: Scott Cooper ne glorifie pas le monde de la musique, bien au contraire, il restitue avec une certaine acidité l’aspect sombre d’une industrie souvent prompte à broyer l’être humain.

Grands espaces et musique se côtoient donc à l’écran, et c’est dans ces instants que le cinéaste réussit le plus à nous transporter. Scènes de concerts et errances sur les routes bénéficient d’un traitement visuel et sonore séduisant. De quoi entrevoir à quelques trop rares moments le talent de réalisateur que Scott Cooper affirmera durant les années suivantes.

Car il faut bien admettre qu’en dehors de ces instants suspendus qui pourraient nous embarquer, le cinéaste est bien discret dans sa mise en images. La photo est franchement anecdotique, voire paresseuse, et le montage pourrait même être qualifié de relativement mauvais tant il alourdit le film. Cooper ne manque pas d’idées mais il semble un peu trop effacé pour les étaler. “Crazy Heart” souffre d’un manque d’identité propre, il apparaît générique.

« Là il joue « Jeux interdits ». »

Dans ce marasme surnage tout de même un Jeff Bridges au top de sa forme. L’acteur dont on ne chantera jamais assez les louanges porte le film sur ses épaules et donne corps au personnage de Bad Blake. Une performance qui lui vaudra un Oscar et qui apparaît encore aujourd’hui démentielle de justesse. Avec un autre comédien, on ne parlerait peut-être plus de “Crazy Heart” aujourd’hui.

On peut toutefois s’interroger: le film tient un personnage principal complexe et travaillé, mais ne se résume-t-il pas seulement à cela? Alignant quelques prises d’otage émotionnelles dans son scénario, “Crazy Heart” ne fait jamais que camoufler la vérité: Bad Blake interagit lourdement avec les autres protagonistes, sans naturel. On ne peut pas se contenter de cela: l’œuvre est trop dépendante de son héros et ne s’élève jamais.

Les rares tentatives avortées pour aller chercher des concepts plus complexes sont toujours à deux doigts de faire basculer le film dans le mélodrame too much total. “Crazy Heart” a un vrai potentiel émotionnel mais exagère ses sentiments, flirtant perpétuellement avec la limite du raisonnable. Arrive un point où le long métrage martèle tellement certaines idées qu’on regarde même sa montre un peu dépité.

Comme preuve ultime de ce déséquilibre, l’appréciation qu’on se fait de Jean. Maggie Gyllenhaal ne démérite pas et se donne du mal avec le script qu’on lui propose, mais c’est au niveau de l’écriture que “Crazy Heart” souffre. Ce protagoniste central apparaît effacé, passif des événements pour ne pas dire totalement naïf. On ne s’imprègne jamais vraiment de cette performance.

Un constat peut-être dû au manque de relief du film. Il n’y a pas de moment véritablement marquant dans “Crazy Heart”, aucune scène qui laisse une trace indélébile. Scott Cooper essaye bien quelques fois d’atteindre des sommets plus élevés mais son œuvre est tellement balisée que jamais on ne ressent d’ascenseur émotionnel. “Crazy Heart” se contente d’aligner les scènes sans jamais nous prendre aux tripes.

Performance d’acteur splendide? Oui, c’est incontestable, mais “Crazy Heart” ne propose pas grand chose d’autre à se mettre sous la dent et ne laisse pas d’empreinte dans le cœur du spectateur.

Nicolas Marquis

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