Le pont de la rivière Kwaï

(The Bridge on the River Kwai)

1957

réalisé par: David Lean

avec: William HoldenAlec GuinnessJack Hawkins

À découvrir dans le cadre du festival « Vision d’Histoire » au cinéma « Caroussel » de Verdun, le samedi 17 octobre 2020 à 16h30.

C’est avant tout un sifflement repris collectivement par des soldats anglais, un air que vous avez fredonné certainement sans savoir d’où il provenait. C’est ensuite un titre connu de tous, cinéphiles ou non. Puis ce sont des images gravées dans la rétine de ceux qui ont vu le film. Des paysages de jungle devenus cultes, d’où surgit “Le pont de la rivière Kwaï”.

C’est ensuite une histoire, celle du colonel Nicholson (Alec Guinness) et du bataillon qu’il commande. Capturé par les japonais et immédiatement transféré dans un camp de travaux forcés dirigé férocement par le colonel Saito (Sessue Hayakawa), il ne vont avoir que quelques jours pour construire un pont de chemin de fer au dessus de la rivière Kwaï. Alors que dans le camp les avis contraires quant à l’accomplissement des travaux abondent, du côté des alliés, les représailles s’organisent et un commando est envoyé en mission pour détruire le pont.

Dans ce pur film de guerre, on retrouve la patte de David Lean dont on vous parlait dans notre critique de “La fille de Ryan”: un talent brut pour mettre en valeur ses décors, mais également pour diriger de larges mouvements de foule. Malgré les altercations, le réalisateur réussit à imposer le bataillon comme un seul et unique personnage dont les réponses se font collectives. Il est là le rôle principal du film, dans ce groupe disparate qui reste uni.

Dans les premiers temps du film, c’est un duel de leader pour la mainmise sur le camp qui s’organise. Nicholson entend faire respecter la convention de Genève alors que Saito s’en moque éperdument. Un bon tiers du film est consacré à leurs échanges et au refus d’obtempérer de l’anglais. Puis la pellicule se transforme et chacun fait un pas vers l’autre: Saito exempte les officiers de travaux manuels et Nicholson n’hésite pas à faire appel à des blessés pour accélérer la construction. Le pont devient une cause commune, un but à atteindre, et aveuglé par les circonstances, Nicholson oublie son objectif de rébellion de soldat. Le film l’affirme: “Le devoir d’un militaire est de s’échapper” et pourtant, cet équilibre malsain de travaux forcés va perdurer.

« Prend ça, Golden Gate Bridge! »

On peut l’expliquer en tirant l’enseignement profond du film: la guerre est une monstruosité  complètement absurde. On vous laisse juges: des prisonniers obligés de travailler pour l’ennemi, un colonel japonais dont le sort est mis entre les mains des anglais, ou encore un médecin de camp qu’on presse de remettre les hommes sur pied pour améliorer les cadences de travail. Tout cela participe à ce message du film, celui qui vise à dire que lorsque les situations se font tendues et même avec entente, la guerre ne fait plus sens.

Mais côté alliés, on ne peut pas dire que ce soit plus reluisant. 4 hommes seulement sont dépêchés pour faire exploser le pont: la libération des prisonniers n’a aucune importance, tout ce que le quartier général souhaite c’est la destruction du pont. Où sont les valeurs humaines dans ce marasme? Nulle part, c’est ici la machine de guerre qui broie les hommes et leur volonté.

On pourrait même argumenter que le cadre militaire strict plombe l’effort de guerre. En obtempérant aux injonctions de Saito, Nicholson entend faire valoir les codes du gentleman anglais alors qu’autour de lui tout s’effondre. Il épouse la cause de Saïto avec une adhésion sans faille. Ce pont, c’est aussi le sien et rapidement il va oublier qu’il aide les japonais.

Il y a là un autre message plus subtil du film. En s’opposant, on ne peut arriver à rien, alors qu’une fois la politique mise de côté et l’entente construite, on peut bâtir des améliorations concrètes. Cet esprit de collaboration brut peut être vu comme une sorte de message d’espoir, l’idée que malgré les différences on peut faire aboutir les projets les plus titanesques.

Mais dans ce cas, que penser des représailles? Seules comptent construction et destruction dans le film, l’humain est mis de côté, négligé par des hauts gradés bien planqués loin du front, pour qui les prisonniers ne sont que des chiffres.

Auréolé du statut de film culte depuis des décennies, le film ne fait pas mentir sa réputation. “Le pont de la rivière Kwaï” est un film réfléchi qu’on retrouve avec délice sur grand écran pour ce festival “Vision d’Histoire” de Verdun.

Nicolas Marquis

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