Dans un recoin de ce monde

(Kono sekai no katasumi ni)

2016

réalisé par: Sunao Katabuchi

avec: NonAva PickardKenna Pickard

À découvrir dans le cadre du festival « Vision d’Histoire » au cinéma « Caroussel » de Verdun, le samedi 17 octobre 2020 à 16h30.

Le festival “Vision d’Histoire” n’est pas réservé aux adultes. Conscient de sa mission pédagogique, la ville de Verdun propose chaque année une poignée de films destinés aux plus jeunes, enfant ou ado, pour aider à leur éducation. Les Réfracteurs sont tous de grands enfants et on aborde cette sélection avec gourmandise, avec notamment le film d’animation japonais “Dans un recoin de ce monde”.

Ce film, c’est le destin de Suzu, une toute jeune fille japonaise d’Hiroshima qui va laisser derrière elle son ancienne vie pour se marier en pleine guerre. Elle emménage donc dans une nouvelle ville et tente d’apprivoiser sa belle-famille avec toute sa bonne volonté, alors que dans le même temps les conflits armés imposent des conditions de vie de plus en plus dramatiques aux populations civiles.

« Dans un recoin de ce monde” impose un style graphique délicieux. Un coup de crayon tout en rondeur qui donne vie à des personnages attachants. Suzu est une jeune fille et le style enfantin des dessins apportent une forme d’authenticité agréable, qui s’oppose parfaitement à l’horreur de la guerre pour contraster son propos.

Notre héroïne est d’ailleurs elle-même dessinatrice accomplie et régulièrement, le film va mélanger ses propres dessins et la réalité pour offrir des scènes d’un onirisme pur. Prenons les bombardements par exemple: en proposant des dizaines de couleurs différentes pour chaque explosion, le film trouve un nouveau souffle. Une façon habile de faire admettre les pires horreurs mais sans jamais la moindre faute de goût.

« Désolation. »

Au centre du film, une jeunesse fauchée par la folie des adultes. On ne pense pas qu’à Suzu mais à l’ensemble des enfants du film. Impossible pour eux de comprendre les jeux de pouvoirs des puissants, leur conduite est dictée par les plus âgés, sans possibilité de se soustraire à leur autorité.

Pour autant, le film est suffisamment pédagogique pour qu’on assimile également la mentalité des adultes. Toute la population civile souffre, entre famine et bombardements, et le monde se réfugie dans une routine mortifère. On comprend autant le sens du devoir que le dilemme moral de sacrifier ses enfants. Pas de gagnants dans une guerre, que des gens qui souffrent.

Pour Suzu et sa famille, la meilleur façon de combattre est simple: survivre. On peut penser au fabuleux “Tombeau des lucioles” dans la manière dont “Dans un recoin de ce monde” montre les difficiles conditions de vie de l’époque. Les deux oeuvres sont même complémentaires et il y a une continuité logique entre celui qui nous intéresse aujourd’hui qui montre la vie en temps de guerre, et l’autre qui réfléchit à l’après-guerre avec autant de dramaturgie.

Si “Dans un recoin de ce monde” fait partie de la sélection jeunesse du festival, on le réservera sans doute davantage aux adolescents qu’aux enfants. Malgré sa poésie, le film délivre quelques moments aussi durs que vraisemblables et les plus petits pourraient être marqués.

D’autant plus que le long-métrage est malheureusement régulièrement brouillon. On se perd dans les différents personnages et leurs histoires personnelles. Dommage pour un film qui s’adresse aux jeunes: un minimum de repères historiques est indispensable pour vivre pleinement cette chronique de la vie “normale” en temps de guerre.

Animé certes, mais pour un public relativement éclairé. Un film qui se vit comme un témoignage poignant ponctué par des visuels merveilleux.

Nicolas Marquis

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