Le dernier voyage

2021

Réalisé par: Romain Quirot

Avec: Hugo Becker, Lya Oussadit-Lessert, Jean Reno

Le monde du cinéma de science-fiction français est un peu moribond et distille ses œuvres au compte-goutte. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de caresser les étoiles: les doigts d’une main suffisent à énumérer les récents exemples. Malgré l’appétit du public et un vivier de talent extraordinaire qu’on tient à mettre en lumière, les sociétés de production hexagonales sont souvent frileuses par crainte d’un investissement qui ne serait pas récompensé. Une équation financière détestable à laquelle nous n’adhérons pas: Les Réfracteurs restent convaincus que le succès est possible pour peu qu’on s’en donne les moyens et qu’on sache susciter l’attente. S’engouffrant dans ce vide incompréhensible, “Le dernier voyage” avait su justement faire parler de lui à sa sortie. Plus fort, s’alignant avec une réouverture des salles post-confinement, il était presque devenu le fer de lance de la reprise du secteur. Un poids bien lourd à porter pour Romain Quirot, dont c’est là le premier long-métrage de fiction, et qui va accuser le coup de son inexpérience malgré une passion communicative.

Dans “Le dernier voyage”, le monde est au bord de l’extinction. Après que l’humanité ait exploité les ressources naturelles d’une mystérieuse lune rouge démesurée apparue dans le ciel, le satellite naturel semble désormais se diriger vers la terre annonçant une catastrophe cataclysmique. Le dernier espoir, c’est un certain Paul W.R. (Hugo Becker), fils du riche industriel Henri W.R. (Jean Reno), seul pilote à avoir réussi à percer sur les simulateurs le champ de force magnétique qui entoure désormais l’astre. Mais convaincu que la solution est ailleurs, dans un équilibre écologique plus respectueux, Paul prend la fuite et sillonne désormais les routes désertiques d’un monde à l’agonie. Recherché par tous, il sera bientôt rejoint dans sa fugue par la jeune Elma (Lya Oussadit-Lessert).

En s’ouvrant sur des dessins et une voix d’enfant nous narrant ce contexte, Romain Quirot impose d’entrée une orientation forte à son histoire. “Le dernier voyage” aura trait dans l’allure aux jeunes années et notamment aux rapport aux parents dans son contenu. Mais au-delà de cela, il prendra également la forme d’un récit très léger, voire un poil naïf. Le jeune cinéaste assume cette idée qui pourrait être perçue par certains comme une faiblesse. Mais reconnaître ses errances ne les excuse pas nécessairement. Au final le public sera partagé entre les plus pragmatiques, fermés à ce parti-pris, et les doux rêveurs comme nous qui sommes aujourd’hui de grands enfants. Malheureusement, l’immaturité de Romain Quirot dans sa mise en scène va faire pencher la balance du côté de la froideur.

Dans le fond, à travers ce héros qui fuit son destin et cette mort inévitable qui plane sur le récit, “Le dernier voyage” théorise profondément la notion de deuil et de mélancolie. Le souci c’est que Romain Quirot va le faire avec une lourdeur certaine, sans aucun tact. En alourdissant le bagage familial de Paul W.R. de divers drame, et en y revenant sans cesse à travers des flashbacks trop soulignés, le cinéaste ne suggère plus la réflexion, il impose sa vision. Il ne nous renvoie pas à notre propre rapport aux événements funestes de nos vies, faisant une croix sur une part de profondeur. En concoctant un improbable croquemitaine complètement raté, apte a pousser les autres au suicide, l’œuvre est définitivement ancré dans la notion de mort à grands coups de symboliques. On se demande même au terme de la séance si Romain Quirot n’a pas un peu fait son Œdipe à travers son film: un peu excluant comme approche et pas très fin.

« Faut pas se gêner là, oh! »

La mise en image est tout aussi lourde: ces fameux flashbacks sont livrés dans un noir et blanc brut, sans réflexion sur les ombres et les lumières. Mais c’est surtout les innombrables références aux œuvres que Romain Quirot affectionne, beaucoup trop marquées et tellement communes aujourd’hui qui nous ont ennuyées. Jetez-y les habituels clins d’œil à Star Wars, Half Life, Blade Runner, Fallout et bien sûr l’imparable Mad Max: Fury Road dans une scène qui imite totalement le film de Miller et vous comprendrez que “Le dernier voyage” à l’inconvénient de ne pas se démarquer. Sa structure de Road-Movie apparaît aussi un peu plate et les échanges entre les personnages peu inspirés, même si Hugo Becker et Lya Oussadit-Lessert sont assez séduisants. On ne pourra pas en dire autant de Jean Reno ou Philippe Katerine, complètement désintéressés et ridicules, pas aidés par des dialogues à lever les yeux au ciel.

Si on éprouve autant d’amertume, c’est parce qu’il y a comme l’impression d’un acte manqué autour du “Dernier voyage”. Le film possède de vraies qualités solides sur lesquelles l’équipe aurait dû s’appuyer. À l’évidence il y a les visuels apocalyptiques et cette voiture de fortune (mais qui lévite) qui sillonne les routes, ceux de l’astre rouge gigantesque, ou des quelques habitations de fortune. Là il y avait du talent et de quoi fédérer, sans conteste. Même son de cloche positif autour du travail sonore, solide, et notamment des séquences musicales. Le choix des chansons est formidable et Romain Quirot se montre souvent plus imaginatif durant ces scènes bien que parfois clipesques. Malheureusement, coincées dans un environnement politique peu travaillé, ces idées se perdent de le vide de l’espace.

Les attentes étaient probablement trop grandes autour du “Dernier voyage”. Romain Quirot à encore besoin de gagner en maturité même si son travail possède quelques qualités certaines.

Nicolas Marquis

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