Le colosse de Rhodes

(Il colosso di Rodi)

1961

réalisé par: Sergio Leone

avec: Rory CalhounLea MassariGeorges Marchal

Lorsqu’on évoque le cinéma de Sergio Leone, un genre nous vient immédiatement en tête: le western. C’est bien normal tant le cinéaste a tout au long de sa filmographie bouleversé ce style pourtant si codifié. Mais on ne peut réduire un tel génie aux films de cowboys. Impossible par exemple de ne pas penser à “Il était une fois en Amérique” qui changeait totalement d’époque. Mais un autre genre cinématographique a vu le réalisateur laisser une empreinte assez nette: le péplum. Grâce à la suggestion de CinéMaccro, on découvre donc “Le colosse de Rhodes” et ses protagonistes en toge.

Sur l’île de Rhodes règne le cruel roi Serse (Roberto Camardiel) qui à grands coups de fouet a fait ériger un titanesque colosse, imposante statue, pour protéger son port. Alors qu’on inaugure cette merveille, Dario (Rory Calhoun), un grec venu pour l’occasion, va se retrouver pris dans les tumultes de l’Histoire, entre révolte des esclaves et jeux de guerre avec les phéniciens qui pourraient bouleverser l’ordre établi sur la Méditerranée en pactisant avec Serse.

Pour servir une telle aventure, le film s’appuie sur des décors à tomber par terre. Que ce soit le Colosse, les jardins luxuriants ou l’intérieur des palais pétillant de couleurs, Leone impose une dinguerie visuelle d’un raffinement sans faille. Sur ce point, le long-métrage a particulièrement bien vieilli et l’immersion par le cadre est totale. Parmi ce qu’on a vu de mieux dans le domaine en terme de péplum tout simplement.

Cette impression, elle est confortée par une belle orchestration des scènes de groupe. Que ce soit le faste des banquets, les terribles affrontements qui émaillent le film, ou cette scène magnifique de mise à mort où des femmes entament une danse rituelle servie par une photo somptueuse, tout dans “Le colosse de Rhodes” semble être frappé d’une véritable recherche de perfection dans le ballet des figurants.

Une mise en images presque parfaite donc pour servir une épopée grandiose. Certes, certains aspects du film ont subi les outrages du temps: les coups de glaive vieillissent plus mal que ceux de revolver. Pourtant, Sergio Leone réussit à donner du souffle à son histoire, à la transformer en véritable mythe grâce à tout son talent de réalisateur, déjà affirmé.

« Tranquille, un balai-brosse sur la tête. »

Intéressant de noter au passage que pour ce film, Sergio Leone ne collabore pas encore avec le compositeur qui l’accompagnera le restant de sa carrière: l’immense et regretté Ennio Morricone. Le thème musical de Francesco Angelo Lavagnino ne démérite pas même s’il est loin de la qualité de Morricone, mais en soustrayant le grand Ennio, c’est presque une grammaire cinématographique différente qui habite le long-métrage.

Et ce langage filmique se prête magnifiquement à l’exercice du péplum. Malgré la multitude d’intrigues secondaires et la complexité du cadre politique, “Le colosse de Rhodes” est parfaitement compréhensible et digeste. Un modèle du genre par un des plus grands raconteurs d’histoire du cinéma. Le film reste un divertissement, une grande aventure, où tout est parfaitement lisible et assimilable.

Mais “Le colosse de Rhodes” a parfois des pieds d’argile. On pense notamment à la performance de Rory Calhoun. Soyons franc, son sourire un peu niais affiché pendant toute l’oeuvre nous a irrité. Ressenti peut-être très personnel mais ce protagoniste principal semble parfois à côté de la plaque. On se demande si Leone a eu les coudées franches pour dépeindre ce héros ou s’il a été bridé par la production, toujours est-il qu’on a peu adhéré à la performance de l’acteur.

Il fait d’ailleurs parfois pâle figure en comparaison des protagonistes secondaires, plus marqués. L’un joue les gros bras, l’autre l’ingénieur, encore un autre un lanceur de couteau furtif et une femme campe une séductrice… des rôles très cadrés mais qui s’insèrent franchement bien dans le film. En leur donnant des attributs clairs et nets, Leone en fait de véritables figures charismatiques de cinéma qu’on apprécie.

Le cinéaste va même venir chatouiller les dieux dans son histoire en jouant de la vantardise de Serse. Le colosse est une injure faites aux divinités comme le film l’affirme d’entrée et à intervalles réguliers, Leone va se servir de ce dogme établi pour faire avancer son récit. La folie d’un homme qui cherche à se faire plus grand que le Panthéon est punie par les tumultes du récit avec une certaine maîtrise.

Le colosse de Rhodes” est une belle épopée qui a plutôt bien vieilli malgré quelques soucis mineurs. Leone nous rappelle qu’il n’a pas marqué que le western mais bien le septième art dans son ensemble.

Nicolas Marquis

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