Georgetown

2019

de: Christoph Waltz

avec: Christoph WaltzVanessa RedgraveAnnette Bening

Passer de devant à derrière la caméra n’est jamais chose aisée. Quelques exemples de réussites nous viennent en tête: citons Clint Eastwood à une époque ou Zabou Breitman pour ce qui est de notre pays. Mais globalement, plus d’un s’y sont cassé les dents. Pour chaque succès, dix autres accouchent d’échecs cuisants. Plus compliqué encore, devenir réalisateur tout en restant l’acteur principal du film. Un exercice subtil qui demande une bonne dose d’autocritique. C’est le pari que fait Christoph Waltz avec “Georgetown”.

L’histoire (inspirée de faits réels) d’un très fantasque personnage, Ulrich Mott, qui parcourt dans l’ombre le dédale du pouvoir américain à Washington, influençant décisions plus ou moins capitales. Le jour où sa femme, extrêmement plus âgée que lui, meurt dans des circonstances douteuses, Ulrich est accusé. En parallèle de son procès, le film va retracer l’ascension de cet homme par le biais de flashbacks (on y revient toujours à cette structure) et lever le voile sur celui qui est en fait un incroyable arnaqueur.

Un rôle presque sur mesure pour un acteur devenu rare au cinéma malgré son talent. À ses côtés, deux femmes pour compléter un trio des plus talentueux: Annette Bening et Vanessa Redgrave. Disons-le d’emblée, le film va tenir la route notamment grâce aux talents d’interprétations de ces trois comédiens de génie, car le long-métrage va accumuler les couacs divers de construction et de réalisation.

En premier lieu, le manque d’équilibre scénaristique entre Ulrich et les autres. Expliquons-nous: on comprend la volonté de définir un personnage aussi mégalomane avant tout par lui-même, mais à plus d’un moment on a ressenti que le film aurait pu aller bien plus loin, en donnant plus de place aux personnages secondaires. Surtout quand ils sont si efficaces.

« Garde à vous! »

Mais ce qui nous a le plus chagriné, c’est sans doute le manque de fond scénaristique. Cette histoire est franchement incroyable, mais elle ne se suffit pas à elle-même: pour rappeler l’un des dogmes des Réfracteurs, des faits réels (aussi farfelus soient-ils) ne font pas fatalement un bon film et n’excusent pas la légèreté d’un scénario. Le film tient bon mais nous a semblé incroyablement creux. Redondant à souhait et enfermé dans les codes du genre, “Georgetown” en devient très prévisible, même pour celui qui ne serait pas au fait de l’histoire originelle. Cette impression de déjà-vu va entacher tout le film et ne laisser aucune empreinte durable dans l’esprit des spectateurs.

Christoph Waltz semble lui aussi en être conscient et tente de désamorcer ce souci en s’appuyant sur un rythme effréné, enchaînant les événements sur un train d’enfer. Un procédé qui sauve effectivement une partie du film, lui donnant un peu plus de dynamisme. Malheureusement, cette mécanique a ses limites: manque d’ampleur, de vraies émotions, mais surtout une gêne récurrente lorsque les faits deviennent plus complexes. Ligoté par cette cadence, le film rate un peu le côté didactique de son histoire et certains passages demandent une concentration à toute épreuve pour ne pas décrocher presque totalement.

On constate avec un réel chagrin (pour l’instant, c’est un premier film) que Christoph Waltz reste bien plus inspiré en ce qui concerne le rôle d’acteur que celui de réalisateur. Une bonne partie de ce qui sauve “Georgetown” est relié à l’affection qu’on peut avoir pour ce comédien si attachant et à la nature même de ce rôle de bonimenteur de génie. Mais nous sommes obligés de répondre à notre problématique, exposée en introduction, que l’allemand est pour l’heure plus pertinent devant que derrière la caméra.

Loin d’être mémorable, “Georgetown” n’est pas non plus une noyade totale. Si un vague ludisme appuyé par un rythme soutenu habite l’œuvre, le film ne laissera pas son empreinte dans le monde du cinéma, et peu de plaisir au-delà de retrouver un casting si sympathique.

Nicolas Marquis

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