Snowpiercer: Le Transperceneige

(Snowpiercer)

2013

réalisé par: Bong Joon Ho

avec: Chris EvansJamie BellTilda Swinton

Il y a presque un an, “Parasite” marquait l’histoire du cinéma en devenant le premier long métrage en langue étrangère auréolé de l’Oscar du meilleur film. Une oeuvre dantesque signée Bong Joon-Ho, un homme cher aux coeurs de milliers de cinéphiles. Mais avant de revenir en Corée, le cinéaste avait tenté quelques incursions au pays de l’oncle Sam avec notamment “Snowpiercer: Le Transperceneige”. On revient aujourd’hui avec gourmandise sur ce petit bijou de ce réalisateur de génie.

L’humanité est au bord du gouffre alors que le réchauffement climatique fait des ravages. Pour contrecarrer les effets de la pollution, les gouvernements vont lâcher dans l’atmosphère un composant chimique censé refroidir notre planète. Mais les effets vont être désastreux et une nouvelle ère glaciaire débute, annihilant la quasi totalité des Hommes. Mais une poignée d’humains survit à bord du Transperceneige, un train qui prend des allures d’arche de Noë, fruit du rêve fou du milliardaire Wilford et qui fait le tour du globe en un an. À l’intérieur de ce train les inégalités règnent entre voyageurs de première classe vivants dans un luxe indécent et passagers de queue du train plongés dans une misère totale. Mené par Curtis (Chris Evans) une révolte va exploser et les plus opprimés vont remonter un à un les wagons dans l’espoir de renverser l’ordre établi.

Comme à chaque fois qu’on se retrouve face à une oeuvre de ce bon vieux Bong, c’est avant tout la science du rythme qui impressionne. Le cinéaste est un orfèvre du montage et comme toujours il insuffle une cadence travaillée à son film. Intéressant de noter que ce fameux montage fut source de discorde entre Bong Joon-Ho et Harvey Weinstein. Le producteur désirait avoir le “final cut” sur l’oeuvre et le réalisateur l’a gentillement envoyé se faire foutre, des années avant les affaires qui ont entachées l’image de Weinstein. En représaille “Snowpiercer” ne sortira jamais en salles mais uniquement en DVD et Blu-ray. Une bonne chose dans le fond tant le découpage du film est tout simplement excellent.

« Snowpiercer » c’est aussi une fantaisie visuelle de chaque instant. Alors que Curtis et les siens remontent inlassablement le train, chaque wagon va proposer un univers différent malgré le cloisonnement inhérent à la nature du film. Parfois une école, parfois une boite de nuit, ou encore un aquarium: à chaque nouvelle étape c’est une curiosité nouvelle que propose le cinéaste aidé par une photo excellente. Impossible d’oublier ces ralentis sur les wagons des riches par exemple, dont la grandiloquence impressionne.

« Oui c’est une chaussure sur la tête de la dame »

Que dire également de ce casting tout simplement génial. Chris EvansEd HarrisTilda SwintonOctavia Spencer… chaque personnage du film est parfaitement écrit et servi par des acteurs de renom, tous au diapason. Parmis eux, Song Kang-Ho, le partenaire de toujours de Bong Joon-Ho et probablement le plus grand comédien Coréen actuel. La complicité est parfaite entre les deux originaires de la péninsule et offre au film du rebond dans l’interprétation.

Mais s’intéresser à “Snowpiercer” c’est surtout s’attarder sur sa structure et sur son message. En remontant les wagons un à un c’est l’échelle sociale que gravissent les protagonistes et grâce à une narration linéaire claire, Bong Joon-Ho amorce une réflexion sur les inégalités de notre époque, un thème qui lui est particulièrement cher. Grâce à ce schéma narratif, le cinéaste permet à tous de comprendre le message de son oeuvre: une métaphore de la lutte des classes.

Et le réalisateur ne va pas y aller avec le dos de la cuillère: les riches broient les pauvres pour s’avachir dans leur luxe. Une partie (à l’écran majoritaire) des hommes et des femmes sont condamnés à une misère absolue pour survivre dans des conditions horrifiantes. Le talent de Bong Joon-Ho c’est de rendre ce message très digeste et surtout assimilable par tous. Intelligent dans sa mise en scène, ce que certains perçoivent presque comme un film d’action est en fait une fine allégorie de notre société sous une forme recevable par chacun.

Quoi de plus parlant d’ailleurs que ce train qui ne va nulle part, qui se contente de rouler car s’arrêter serait synonyme de mort? Rien ne va à l’intérieur, les valeurs humaines sont bafouées continuellement mais pourtant le terrible engin poursuit sa course absurde. Là aussi c’est une image terrible de notre société que propose le cinéaste mais qui saura parler à tous.

Pertinent et universel, “Snowpiercer” est un film qui réussit un pari fou: parler de société sous le masque de l’action et du thriller. Une des œuvres de science fiction les plus réussie et fascinante de notre époque.

Nicolas Marquis

Retrouvez moi sur Twitter: @RefracteursSpik

Laisser un commentaire