Knight of Cups

2015

réalisé par: Terrence Malick

avec: Christian BaleCate BlanchettNatalie Portman

Le monde du septième art est peuplé de personnages hauts en couleurs, bien souvent légèrement perchés. Alors qu’on aborde aujourd’hui “Knight of Cups”, on juge opportun de souligner que ce film est la rencontre de deux mégalomanes affirmés. Attention: ça n’enlève rien à leur talent, bien au contraire, on éprouve le sentiment que ce mélange de folie a donné une couleur particulière au film. Le premier, c’est l’acteur principal de l’oeuvre, Christian Bale, dont les frasques ont souvent fait couler beaucoup d’encre. Le deuxième, c’est le réalisateur Terrence Malick et son style cinématographique total et sans concession, parfois un peu prétentieux. Alors quel résultat pour ce duo d’égos surdimensionnés?

Alors que notre second paragraphe est habituellement l’occasion de poser le résumé des films qu’on réfracte, on se retrouve bien emmerdé aujourd’hui pour définir ce qui confine à un OVNI cinématographique. Au premier degré, le film est trop volatile pour être saisi. Au second, Malick impose une errance, la quête d’un personnage qui cherche le sens de son existence principalement dans les rencontres qu’il fait.

Dès l’entame, Malick va se poser en maître du film, celui qui tel un dieu peut déclencher un cataclysme, comme ce tremblement de terre au tout début. On ne dit pas que dans l’histoire ce symbole ne fait pas sens, mais on a vu ici une manière pour le cinéaste d’affirmer sa mainmise sur le long-métrage: c’est lui dirige en chef-d’orchestre et Christian Bale est son instrument.

Le style Malick est d’ailleurs omniprésent: “Knight of Cups” est l’un des ses films où sa patte si particulière, faite de prises de vue rapides et souvent très symboliques, est ponctuée par un montage qui peut sembler (faussement) chaotique mais qui parle directement au cœur du spectateur. En utilisant énormément de caméra à l’épaule et en accompagnant le personnage de Christian Bale, presque muet, le spectateur est immergé dans cette errance comme un témoin privilégié.

« Christian Bale va au bar. »

Mais peut-être plus fort encore est le travail autour du son. Un modèle du genre tout simplement, où le mixage et le montage tutoient le génie. Intriguant d’ailleurs cet écran qui en début de film invite à découvrir l’oeuvre à un volume sonore élevé. Le timbre des voix, le bruit de la nature ou de la ville et la musique: “Knight of Cups” est une symphonie auditive.

Dans ce décor erre Christian Bale qui campe un personnage en quête de finalité, spectateur de sa propre vie. “Knight of Cups” divisera forcément son public tant ce héros se définit avant tout par ce qui lui manque. Il faut accepter de se perdre avec lui et tout le monde n’adhère pas à ce procédé. L’oeuvre est une soustraction, le résultat d’un homme auquel on a ôté toute substance.

Pour comprendre ce personnage, il faut analyser ceux qui le côtoient et qui ponctuent chaque scène. Au plus léger, les amis et collègues de ce héros s’avèrent intéressés, cupides, égoïstes même. Christian Bale évolue dans un milieu presque toxique et difficile de ne pas y voir un parallèle avec la vie de Malick alors qu’on nous impose ce protagoniste comme un scénariste de cinéma. Mais ce travail ne comble absolument pas ce personnage principal qui se désintéresse de cet aspect de sa vie.

Plus en profondeur, il y a le portrait d’une famille éclatée. Un frère décédé, l’autre visiblement tordu, une mère totalement absente du film (même pas évoquée) et enfin un père sénile. C’est probablement de là que Malick fait naître le malaise de son héros mais la solution ne semble pourtant pas être dans une tentative d’union familiale impossible.

Non, c’est plutôt dans les rapports amoureux que Christian Bale va trouver le plus de sens. Là encore, le périple est semé d’embûches, entre flirts sans importance, mariage raté et amours impossibles. Tous ces personnages féminins qui émaillent l’œuvre sont sans doute les plus consistants du récit, même si elles ne suffiront pas à résoudre le malaise de ce héros. Pas de réponse facile donc mais plutôt une piste de réflexion dans l’addition de tous ces protagonistes.

Avec “Knight of Cups”, Malick signe une œuvre totale et sans concession. Témoignage vibrant de son style particulier qui divise par essence, mais également traité philosophique sur la place de l’homme dans la société moderne.

Nicolas Marquis

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