Escape from Pretoria

2020

de: Francis Annan

avec: Daniel RadcliffeIan HartDaniel Webber

C’est un lieu bien connu des cinéphiles, même si la plupart d’entre nous n’y a jamais mis les pieds: la prison. Le milieu carcéral est souvent l’occasion d’amplifier les émotions du spectateur, tout en restant cohérent et vraisemblable. C’est aussi un endroit qui se prête à tous les genres de films: Thriller, action, politique, ou plus rarement la comédie s’adaptent aisément. Même le film d’amour ! Takashi Miike, dont nous décortiquions la dernière réalisation lors de notre précédent article, avait réussi ce tour de force avec “Big Bang love, Juvenile A”. Qu’en est-il du film sur lequel nous nous attardons aujourd’hui, “Escape from Pretoria”?

Inspiré d’une histoire vraie, le long métrage retrace le parcours carcéral de deux activistes blancs luttant contre l’apartheid en Afrique du Sud, au plus fort des tensions raciales. Condamnés pour avoir inondé une rue de tracts, grâce à de minuscules bombes qui n’ont fait aucune victime. Le film va se concentrer sur leur tentative d’évasion.

Lorsqu’on utilise le verbe “concentrer”, on appuie déjà sur l’un des principaux défauts du film. Comment peut-on se plonger dans cette période sombre de l’histoire sud-africaine et exclure presque totalement le combat politique? D’autant plus lorsque les protagonistes principaux purgent leur peine pour avoir tenté de dénoncer l’apartheid. Un véritable acte manqué qui trahit quelque chose de plus général: le scénario de “Escape from Pretoria” est mauvais.

On ne saurait dire si c’est par volonté de coller au maximum avec la réalité, toujours est-il qu’on nage dans une impression de déjà-vu perpétuelle. Pour peu que vous ayez vu les classiques du genre, comme “The Shawshank Redemption”, “Escape from Alcatraz” ou encore “The Great Escape”, absolument rien ne vous surprendra dans le film que l’on dissèque aujourd’hui, qui se permet même de recycler quelques idées des exemples mentionnés ci-dessus, lorsqu’il ne propose pas des rebondissements téléphonés au possible. Un écueil que “Escape from Pretoria” va traîner comme un boulet pendant la totalité du long-métrage.

« Pas seulement acteur, Radcliffe excelle en dessin »

C’en est presque rageant car la réalisation, sans bouleverser le 7ème art, est assez réussie. La caméra glisse dans les moments calmes, pour apporter de la fluidité, tandis que le montage se fait plus épileptique dans les moments de tension. Un procédé connu mais bien appliqué.

Et on va même trouver quelques pépites de mise en scène. Un gros plan sur une clé qui tourne dans une serrure pour donner un effet vertigineux, façon “2001, A Space Odyssey”, une musique qui sort des haut-parleurs de la prison pour appuyer un moment de tension, ou encore le moment où les pamphlets s’envolent après la détonation des bombes. Francis Annan, qui signe la réalisation et le scénario, est bien plus talentueux dans le premier exercice.

Notons aussi cette volonté de ne pas personnifier les matons de la terrible prison. Souvent de dos ou dans l’ombre, et très régulièrement cadrés pour exclure leur visage du plan, ce procédé fonctionne bien: “Escape from Pretoria” va à l’essentiel, et fait des gardiens une figure d’autorité déshumanisée. Le peu de fois où l’on aperçoit le faciès des surveillants, c’est en contre-plongée, pour appuyer sur leur sévérité.

Mais est-ce une volonté du réalisateur, ou à nouveau les stigmates d’un scénario bancal? On peut légitimement se poser la question lorsqu’on constate que presque tous les personnages secondaires sont mal définis. Pour preuve, si Daniel Radcliffe est plutôt convaincant dans son rôle, son partenaire est lui quasiment inexistant. C’est une fois de plus une fainéantise dramatique du synopsis, qui éclabousse presque tous les protagonistes.

Autre preuve de cette écriture ratée: le deuxième tiers du film, ennuyeux et qui va sortir du film les spectateurs les moins assidus. Une fois le plan d’évasion à peu près clairement exposé, “Escape from Pretoria” va terriblement accuser le coup et souffrir d’un ventre mou, pesant et inintéressant. Pour un film de seulement 1h46, c’est un peu fort.

Non seulement “Escape from Pretoria” n’offre rien de nouveau, mais en plus, il évite la thématique raciale pourtant omniprésente en Afrique du sud à cette époque. Une platitude sévère, qui souligne la paresse d’un scénario que le peu d’idées de réalisation ne suffit pas à sauver.

Nicolas Marquis

Retrouvez moi sur Twitter: @RefracteursSpik

Laisser un commentaire