L’anglais

The Limey

1999

de: Steven Soderbergh

avec: Terence StampPeter FondaLesley Ann Warren

Les enfants: ces petits êtres un peu étranges qui habitent chez certains d’entre nous. Ils traînent avec eux leur baluchon de contraintes: leurs cris aigus, leur façon de nous réveiller toujours trop tôt, et les impératifs qu’il nous imposent: l’éducation, les devoirs, les responsabilités. On devrait presque leur en vouloir et pourtant, en un geste, un câlin, une parole, ils nous foudroient le coeur et on sait au fond de nous-même que l’amour qu’on leur porte, rien ne pourra l’égaler. Puis il grandissent, s’affirment, parfois jusqu’à la dispute. Mais rien à faire, c’est viscéral: l’affection qu’on a pour eux est inaliénable. Ce lien tellement fort est au centre du film que nous allons réfracter pour vous.

« The Limey” est l’histoire d’un père anglais, Wilson, qui de par ses aller-retours réguliers en prison n’a pu côtoyer sa fille que sporadiquement, jusqu’à ce qu’elle s’exile à Los Angeles une fois adulte. Le jour où un courrier contenant un simple article de presse lui apprend la mort de cette dernière dans un accident de voiture, Wilson va prendre le premier avion vers la Californie et traquer l’homme qu’il va rapidement identifier comme responsable de la mort de son enfant: un trafiquant de drogue riche et puissant.

Pour incarner ce héros, on retrouve Terence Stamp, dans une de ses meilleures performances d’acteur. Respirant le charisme à plein nez, il restitue parfaitement la colère froide de cet homme qui n’a plus rien à perdre. Arme au poing, il va remonter les échelons du trafic jusqu’au puissant Terry Valentine, joué par Peter Fonda. Un baron de la drogue qui, réfugié dans les hauteurs de L.A., se croit intouchable.

Mais “The Limey”, c’est avant tout un travail de réalisation fouillé, et l’affirmation d’un auteur et de son style caractéristique: Steven Soderbergh. On retrouve la patte du cinéaste, notamment dans l’utilisation des filtres et de la saturation des couleurs qu’il adopte dans presque chacun de ses films. Une façon de délimiter les scènes qui nous a parfois agacé dans certaines de ses oeuvres mais qui ici est pertinente. Mais aussi une foule d’idées de construction et de mises en scène pertinentes.

« On n’ouvre pas sa braguette en publique ! »

En quelques minutes, Soderbergh va parfaitement poser les enjeux de cette histoire de revanche. Un montage rapide, une temporalité éclatée au début et des dialogues clairs: il invite le spectateur à recoller les morceaux de l’enquête en même temps que son héros. Il en profite également pour installer très rapidement l’antagoniste principal, et les personnages secondaires. En 15 minutes, tout est clair et il peut dérouler son scénario de manière fluide.

Le cinéaste va également mettre en valeur la Cité des anges de manière sublime. Son travail autour de la lumière naturelle pour nous montrer toutes les facettes de la ville est excellent. Il restitue également la pluralité culturelle de Los Angeles, à travers les personnages qui traversent cette histoire.

En recollant les morceaux du puzzle de l’enquête, il va aussi confronter deux Los Angeles qui existent encore aujourd’hui: celle des gens pauvres, des bas-quartiers, souvent imprégnée de cultures étrangères, comme celui qui deviendra le sidekick de notre héros, Eduardo (Luis Guzman). En face, l’ennemi juré, dans sa somptueuse demeure des hauteurs de la ville, qui étale sa richesse sans retenue, qui délègue, et qui s’inquiète avant tout de son image.

Soderbergh va aussi être malin dans sa façon de développer la relation entre le héros et sa défunte fille: d’une part grâce à des flashbacks le plus souvent extrêmement courts, que le réalisateur sème au long du film. D’autre part en proposant des personnages féminins qui semble presque être des réminiscences de ce qu’a été la jeune femme. La fille de Wilson fatalement absente dans le déroulé de l’histoire est pourtant omniprésente.

Le jeu du cinéaste avec le cadrage est aussi intéressant. Parfois, il va utiliser le hors-champ et la violence simplement traduite par le bruit des armes à feu. D’autres fois, il va installer l’antagoniste principal et ses préoccupations futiles au premier plan, tandis que notre héros étale sa colère en arrière plan. Une réalisation salvatrice car le scénario reste assez simple.

Peut-être même un peu trop: première preuve, le film est très court. Volonté de rythme effréné de Soderbergh, mais aussi les limites d’une histoire qui se conclue rapidement. Deuxième preuve: si ce père vengeur nous prend aux tripes, on ne tirera pas de grandes leçons philosophiques de ce thriller qui prend parfois l’aspect d’un film d’action. Peu de surprises peu de rebondissements, mais une réalisation pertinente qui permet de passer un moment agréable.

Avec une histoire simple, Soderbergh peut affirmer sa patte. C’est l’un des films les plus parlants de son style caractéristique. On se remémorera aussi ce duel, entre deux hommes que tout oppose, incarnés par deux acteurs charismatiques à souhait. “The Limey” est un film sans grande originalité scénaristique, mais visuellement pertinent. Un moment agréable sans écueils majeurs.

Nicolas Marquis

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