Boss Level

2021

réalisé par: Joe Carnahan

avec: Frank GrilloMel GibsonNaomi Watts

C’est une relation d’amour et de haine de longue date qu’entretiennent le jeu vidéo et le cinéma. On ne compte plus depuis des lustres les adaptations d’œuvres vidéoludiques sur grand écran qui ont déçu, voire consterné, les adeptes de la manette. Le meilleur moyen de rendre grâce à l’empire du pixel semble souvent de s’écarter des licences connues pour offrir un film qui pique simplement quelques concepts propres au JV. C’est le pari que va faire “Boss Level” de Joe Carnahan en nous proposant de suivre le destin de Roy (Frank Grillo), un ex-soldat condamné à revivre éternellement la même journée, traqué par des tueurs à gage hauts en couleurs. À chaque mort, Roy reprend la journée depuis le début, comme une partie de jeu vidéo où le game over est synonyme de recommencement. Notre héros va chercher à se sortir de cette impasse et comprendre pourquoi il se retrouve pris au piège dans cette boucle infinie.

Plutôt amusant donc de voir un long métrage emprunter la grammaire du jeu-vidéo pour offrir des sensations plutôt originales. On ressent devant “Boss Level” le même frisson que manette en main, à la recherche de la partie parfaite. Certes, le film affirme son identité à coups de Easter Eggs un peu trop tapageurs mais il en résulte un certain ludisme qui colle assez bien à l’esprit de “Boss Level”, un côté purement fun.

Intéressant aussi de constater qu’à travers Roy, on offre une personnalité à un protagoniste qui n’en a généralement pas, ou peu, dans les jeux vidéo old school auxquels “Boss Level” fait référence. Le quatrième mur est explosé et c’est comme si un avatar qu’on incarnerait sur console se retrouvait d’un coup conscient et nous apostrophait. Frank Grillo apparaît plutôt à l’aise dans ce registre, proposant un personnage frimeur et attachant.

On aurait également aimé adhérer à la performance de Mel Gibson qui campe l’antagoniste du film mais malheureusement, il semblerait que l’acteur soit simplement venu cachetonner. D’accord, son personnage est volontairement caricatural, là n’est pas le problème: le comédien semble tout simplement désintéressé, ratant toute tension dramatique dans ses quelques monologues souvent ennuyeux.

« Tu veux t’en Grillo une? HAHA! »

Il y a quelques jours était sorti “Palm Springs” dont nous vous avions donné notre avis enthousiaste. On a donc le sourire aux lèvres lorsque “Boss Level” recycle le concept de la boucle temporelle si peu de temps après mais cette fois dans un registre différent. “Palm Springs” est une pure comédie, “Boss Level” est lui un film d’action perché. On sourcille tout de même un peu au fil du long métrage: notre œuvre du jour emprunte énormément à “Edge of Tomorrow”, ne serait-ce que dans le fameux “Live, Die, Repeat” qui lui sert de moteur.

Comme souvent avec le concept de la journée qui se répète à l’infini, le montage est le nerf de la guerre. Sec et nerveux par moment, malicieux à d’autres, la proposition de Joe Carnahan dans ce domaine réussit à séduire. En pur film d’action, “Boss Level” secoue son spectateur et l’éprouve autant que son héros. Un dynamisme appuyé par une bande-son délicieusement rock, faite de chansons connues qui collent à l’esprit du long métrage.

Tout un processus qui appuie la principale qualité de “Boss Level”, sa générosité dans l’action. Le film déborde d’amour pour le genre et se fait communicatif. L’humour omniprésent tape parfois à côté et peut devenir barbant mais il n’en reste pas moins qu’on a face à nous une œuvre jouissive, sans limite et follement débridée.

Dommage donc que le long métrage ne se tienne pas à cette simple proposition et bascule beaucoup trop souvent dans un mélodrame familial complètement inutile et handicapant. Un prétexte scénaristique totalement dispensable qui force l’émotion sans jamais parvenir à captiver le spectateur. On subit l’histoire d’amour entre Frank Grillo et Naomi Watts plutôt qu’on ne la savoure. De quoi se poser la question: un tel film a-t-il besoin d’une histoire de fond pour séduire? Il nous a semblé que “Boss Level” aurait gagné à rester borné à l’action débridée tant sa tension dramatique est un échec.

Pour les fanatiques de cinéma d’action, “Boss Level” est une agréable surprise. Un film ludique malheureusement contrarié par une histoire un brin pathétique.

Nicolas Marquis

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