Les aventures du baron de Munchausen

(The Adventures of Baron Munchausen)

1988

réalisé par: Terry Gilliam

avec: John NevilleEric IdleSarah Polley

À la base, c’est une figure historique réelle: relativement méconnu chez nous, le baron de Munchausen fut un soldat aux exploits retentissants au 18ème siècle. Si certains parlent encore aujourd’hui de ses tribulations, c’est entre autres parce que le baron est devenu un personnage important de la littérature allemande. Menteur invétéré si on en croit les dires de l’époque, le roman tiré de ses pérégrinations n’a rien de cohérent et est habité par une poésie lunaire qui force le sourire, peuplée de monstre légendaires et de rebondissements improbables, comme lorsque le baron prétend avoir volé sur plusieurs kilomètres accroché à un boulet de canon. Cette proportion au mensonge de la part de Munchausen donnera même son nom à un syndrome médical complexe dont les malades manifestent les symptômes de pathologies qu’ils n’ont pas réellement. Un tel héros et ses compagnons de route aux pouvoirs extraordinaires semblaient donc être taillés pour que Terry Gilliam les adapte au cinéma, un autre raconteur d’histoires facétieux et cabotin qui va insuffler son esprit enfantin autour des “Aventures du baron de Munchausen” en offrant le rôle titre à John Neville.

L’univers visuel du cinéaste va même trouver un accord parfait avec le fond de son œuvre. Le monde que propose Terry Gilliam est fait de trucages bon enfant, d’environnements aussi grandioses que volontairement factices, semblables à des décors de théâtre, et de costumes tapageurs. Le baron de Munchausen est un fieffé menteur et la patte graphique de Gilliam positionne le spectateur à la frontière entre réalité et fiction. Un cinéma délicieusement accessible qui ravira toute la famille même si on a senti un scénario parfois balisé.

Cette limite ténue entre l’imaginaire et le monde réel va être le véritable cœur du film. Il semble que Terry Gilliam s’évertue à tisser sa douce philosophie un peu perchée en proposant le fantasme non pas comme un mensonge à punir mais plutôt comme une alternative aux horreurs qui nous entourent. “Les aventures du baron de Munchausen” est compatissant avec les têtes en l’air et les doux rêveurs, il pourrait même leur être dédié tant un spectateur purement pragmatique restera insensible au film et à ses voyages de la Lune aux fonds marins.

« Quand tu veux à tout prix rentrer en boite. »

Plus fort que cela, Terry Gilliam va même imposer la volonté de rêvasser non pas comme une simple option secondaire, mais comme la meilleure solution possible aux soucis insolubles de son récit. Plus on s’enferme dans la réalité et plus le baron semble vieillir. À l’inverse, il rajeunit visiblement à chaque coup d’éclat fantastique qui le sort de l’impasse. Vivre comme le baron, c’est savourer la vie dans son entièreté et la rendre haute en couleurs en faisant fi des tristes gens sérieux souvent ennuyeux, simplement par la force de l’imagination. “Les aventures du baron de Munchausen” s’inscrit dans le royaume du songe et s’y épanouit parfaitement.

On aura beau, en tant que Réfracteurs, adhérer à cette philosophie, il n’en reste pas moins que le long métrage va se heurter à quelques difficultés pénalisantes. On pense surtout à son scénario affreusement répétitif. Gilliam trouve du souffle dans les péripéties facétieuses du baron, mais il n’en reste pas moins qu’on reste enfermé dans le même schéma: traquer un compagnon, le sauver, et passer au suivant. Aucune surprise dans le film qui ne cherche probablement même pas à en créer et c’est bien dommage pour une œuvre dédiée à l’imaginaire.

Fort heureusement, la performance collective des acteurs permet de rester concentré sur le film. Il se dégage du casting l’impression d’une troupe de théâtre rigolarde qui s’amuse sur la pellicule. Derrière le baron s’amassent des dizaines de personnages tout aussi mystérieux et attachants que campent à la volée Eric Idle, Jonathan Pryce ou encore Uma Thurman, tous avec leurs moments de rire assuré, notamment grâce aux dialogues très travaillés du long métrage qui se savourent de préférence en VO.

C’est enfin tout l’esprit des Monty Python (dont il est l’un des fondateurs) que Gilliam convoque avec “Les aventures du baron de Munchausen”. On retrouve sans aucune contestation possible l’humour si particulier des trublions anglais, mélange de morceaux de quotidien anodins et de grandes envolées ubuesques toujours au bord de l’absurde, en parfait équilibre. Le roi de la Lune est obsédé par les chatouilles, Vulcain fait face à des discussions syndicales houleuses et on en passe: sans être totalement au niveau des meilleurs films de la troupe, “Les aventures du baron de Munchausen” ne dénote absolument pas dans la filmographie de Terry Gilliam dont on comprend la proximité avec Albert Dupontel tant leurs univers sont proches.

Il faudra faire un effort pour retrouver totalement son âme d’enfant avant de se pencher sur “Les aventures du baron de Munchausen” et passer outre les quelques défauts du film. Une fois l’exercice accompli, on peut savourer une invitation au rêve sympathique et pleine d’imagination.

Nicolas Marquis

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