Greenland – Le dernier refuge

(Greenland)

2020

réalisé par: Ric Roman Waugh

avec: Gerard ButlerMorena BaccarinDavid Denman

Le cinéma est malade. N’ayons pas peur des mots, depuis le déconfinement les salles obscures peinent à rameuter du monde. Peut-être est-ce lié à l’envie des gens de profiter de l’extérieur après avoir tant été enfermés, mais assurément, c’est aussi lié au manque de “locomotive” qui attirerait les spectateurs. On ne parle pas de qualité d’un film, plusieurs excellentes pellicules ayant réussi à sortir, mais plutôt d’un film grand spectacle qui fera le plaisir de nos vendeurs de pop-corn préférés. Dans ce contexte, “Greenland” entend jouer les trouble-fête en maintenant sa date de sortie et promettait un film catastrophe hollywoodien apte à satisfaire le public. Spoiler: la catastrophe n’est pas celle que vous croyez.

On a donc dans ce scénario de fin du monde l’extrême originalité d’amener l’armageddon par une météorite, du jamais vu… Alors que tout s’écroule autour d’eux, une famille, où papa (Gégé Butler) et maman (Morena Baccarin) se font gentiment la gueule pour des raisons obscures, va tenter de rejoindre le Groenland où ont été bâtis des abris.

On va pas se voiler la face, en payant notre ticket pour “Greenland”, on ne s’attendait pas à du Nietzsche mais plutôt à en prendre plein les mirettes. Et ben c’est loupé les amis. S’il y a bien quelques moments intéressants de ce point de vue, où quelques petits météores s’abattent sur Terre avec perte et fracas, dans l’ensemble le film n’est en fait qu’une espèce de course contre la montre avant que le plus gros morceau de caillou stellaire ravage le globe dans son entièreté. 

Pourquoi pas après tout? Un peu de fond dans un film pop-corn ne fait jamais de mal. Ben là aussi on va foncer dans le mur. Avec cette famille dysfonctionnelle, le film entend donner sa définition du mariage parfait. Nos héros ont leurs hauts et leurs bas mais restent unis dans l’adversité. Soit. Mais on n’était peut-être pas obligé de passer par autant de raccourcis scénaristiques. Notre papa est un modèle de courage, torse bombé face à la catastrophe, notre maman donne une image de la femme franchement déroutante, plutôt spectatrice qu’actrice de son propre destin: un rôle faible. Et puis on a notre brave larsouille de fils, qui lui n’est en fait là que pour la prise d’otage émotionnelle, surtout que petit bout de chou est diabétique et que son besoin d’insuline va poser quelques problèmes.

« Badaboum »

Des facilités comme ça et des “déjà-vu merci” pullulent dans le film. On vous passe la bande de jeunes ivres sur un toit qui exulte à chaque impact de météore (sûrement synonyme de morts par milliers), on vous zappe le vieux aigri qui cherche à obtenir un bracelet synonyme de laisser-passer pour les abris en capturant le fils de notre famille (tant qu’à faire lui ôter son bracelet pouvait s’avérer plus judicieux), et on s’attarde plutôt sur le message du film: c’est que  c’est une chouette famille bien gentille. La réponse du long-métrage est douteuse, voire légèrement médisante. 

À une époque où les modèles familiaux deviennent différents, où les couples, hétéro comme homo, sont parfois loin des théories frauduleuses de “la manif pour tous”, “Greenland” revient à ce schéma basique qui n’a plus vraiment de sens. Quand en plus les pauvres sont montrés comme des risques potentiels pour notre famille, on se demande si politiquement on est pas en train de déraper. Jusqu’à ce qu’on croise le grand-père, vétéran du Viêt-Nam et modèle de bravoure, qui finira par conforter notre sentiment de film un peu vomitif.

Alors que reste-t-il? Du grand spectacle? Absolument pas, on passe le plus clair de notre temps à voir nos héros courir dans tous les sens, avec des images prises caméra à l’épaule totalement dégueulasses. Un peu de “shaky cam” ok, mais pendant deux heures, c’est un sentiment d’amateurisme qui se dégage du film ou alors une façon de camoufler un budget sans doute trop minime pour les ambitions du réalisateur Ric Roman Waugh. Non, la seule satisfaction sera de voir ce monde tellement loin de la réalité être dévasté, en espérant que ceux qui se relèveront du massacre bâtiront une société moins idiote, et si possible quelques écoles de cinéma.

Rien à voir, circulez. “Greenland” ne tient pas sa promesse de film catastrophe et se réfugie dans des dogmes familiaux complètement dépassés.

Nicolas Marquis

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