(Shao nian de ni)
2019
de: Derek Tsang
avec: Dongyu Zhou, Jackson Yee, Fang Yin
Une fois encore, on va devoir faire preuve de gravité: mis (enfin) en avant les années passées, le harcèlement scolaire est devenu un véritable problème de société auquel la plupart des pays réfléchit. Messages de prévention et invitations à briser le silence émanant des professeurs ont pourtant du mal à endiguer ce véritable fléau. Sûrement est-ce dû à la peur légitime des victimes mais aussi peut-être au manque d’identification des enfants. Compliqué de se trouver représenté dans un spot de trois minutes. Ça tombe bien, notre art de prédilection (le cinéma) est l’occasion de s’étaler plus longuement et de proposer des expériences plus complètes à ceux qui souffrent encore et qui cherchent à s’affirmer.
On part donc pour la Chine, pour suivre le destin de Chen Nian, une lycéenne s’apprêtant à passer l’examen qui dirige le futur de la plupart des jeunes chinois et définissant à quelle université ils pourront postuler, l’équivalent de notre Bac en plus strict. Mais à quelques semaines de l’épreuve, une camarade de classe se jette du haut du lycée. Frappée par la tragédie, on découvre rapidement qu’elle fut la cible de harcèlements et que ses bourreaux vont maintenant lâchement faire de Chen Nian leur cible. En souffrance également à son domicile où sa mère est absente, la jeune fille va tisser une relation forte avec Xiao Bei, un ado de la rue.
Ne faisons pas trop durer le suspens: on est très partagé sur “Better Days”. Le harcèlement scolaire étant un problème particulièrement grave, il ne fait aucun doute que des films de la sorte ont besoin d’exister. Mais ce fléau touchant nos enfants, les sentiments sont forcément exacerbés et cela le long-métrage se repose bien trop dessus. En premier lieu le scénario: on ressent une impression perpétuelle que le sujet était trop important pour le scénariste qui fait l’erreur de tomber dans le mélo.
Si on ne remet pas en cause la viabilité des deux personnages principaux, auxquels on s’identifie assez aisément et dont la trajectoire est tragiquement logique, c’est davantage les autres protagonistes qui paraissent trop tranchés, presque manichéens. On ne demande pas forcément de compassion pour les bourreaux ou les professeurs peu impliqués, mais les quelques raisons qu’on donne aux comportements les plus vils semblent franchement déjà vues et un peu faciles.
« Taxi Driver »
On a été en revanche beaucoup plus intéressé par le cadre sociétal dans lequel se déroule le film. Une dictature de l’excellence à laquelle sont soumis les enfants, en premier lieu par la pression mise sur eux à l’école. Que ce soit les dires des professeurs ou les banderoles rouges qui décorent l’école et où sont inscrites des devises ordonnant des enfants le meilleur, la pression est totale.
Peu de réconfort à la maison, nos deux héros étant cruellement en manque de présence parentale. Si Xiao Bei est complètement seul, la mère de Chen Nian va et vient à sa guise. Identifiée comme étant une arnaqueuse notoire par ses voisins, ces derniers n’hésitent pas à faire peser leurs doléances sur les épaules de la jeune fille. Un sentiment d’injustice profond pèse sur tout le film. Voulue ou non, cette façon de dépeindre la société est férocement efficace.
Mais une fois encore, on va être partagé, cette fois concernant la réalisation. Le premier constat, c’est cette impression terrible que le film tire en longueur. Même nous, habitués aux oeuvres posées qui étirent leur propos pour alimenter leur consistance, on a ressenti de la lourdeur pendant presque toute la séance, malgré un montage relativement efficace.
Il faut dire qu’à bien des instants, le réalisateur Derek Tsang rate ses symboliques. En en faisant parfois trop et à d’autres moments pas assez, l’équilibre du film est rompu. Les métaphores sont éculées et les préparations trop voyantes. Des écueils qui viennent aussi d’un certain traditionalisme dans lequel s’enferme le cinéaste. En faisant ce choix, et en empruntant énormément aux grands réalisateurs chinois, Derek Tsang condamne le film à n’être que peu mémorable.
Une fois de plus c’est rageant, car le cinéaste avait de l’idée dans certains plans. Pas tout le temps à l’évidence, mais des propositions intéressantes tout de même. À l’instar du montage, on aurait largement préféré que Derek Tsang s’affranchisse de tout le traditionalisme dans lequel il choisit de s’emmurer.
Sujet important donc fatalement film intéressant d’une certaine manière: si un seul enfant a décidé de briser le silence après avoir vu “Better Days”, alors l’œuvre a raison d’être. Malheureusement, d’un pur point de vue de cinéphile, le chemin est trop laborieux pour être salué.
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