Avatar : La voie de l’eau

(Avatar : The way of water)

2022

Réalisé par : James Cameron

Avec : Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver, Stephen lang, Kate Winslet

film vu par nos propres moyens

Après treize ans d’attente, nous retournons enfin sur Pandora. Jake et Neytiri sont maintenant les parents de quatre grands enfants. Leur paix est troublée par le retour des terriens et plus particulièrement du colonel Quaritch qui réclame vengeance. La famille Sully doit fuir et demander l’asile à la tribu de l’eau. 

Une fois de plus, James Cameron prend son temps pour développer son univers. Le film prévu en 2016 est finalement repoussé jusqu’en 2022. Si la Covid est l’une des causes de ce retard, la principale raison est une fois de plus à chercher du côté du réalisateur.  Il a écrit les trois suites d’Avatar et les a entièrement storyboardées dans le but de les tourner en même temps. Par la suite, Cameron réfléchit à comment mettre en images ce récit. Il fait énormément de recherche en collaboration avec la Weta pour améliorer la capture de mouvement, surtout au niveau des expressions du visage. Les émotions sont très importantes pour le réalisateur, surtout que dans cette suite, elles passent par la gestuelle. L’acteur malentendant CJ Jones, connu pour son travail sur Baby Driver, est engagé pour développer la langue des signes utilisée par la tribu de l’eau.  Ces signes doivent absolument retranscrire les sentiments des personnages . Comme le regard dans le long métrage précédent, ce dialecte doit être un reflet de l’âme. James Cameron, en grand perfectionniste, cherche ensuite le moyen d’améliorer le tournage sous l’eau et le combiner avec la motion capture. 

Ce pari est risqué, le public sera-t-il encore au rendez-vous ? James Cameron confie en interview qu’il est prêt à terminer l’histoire de Pandora après le troisième film si le public boude sa création. Pour que La voie de l’eau soit rentable, le long métrage doit être au moins le 3ème plus gros succès au box office. Encore une fois James Cameron place la barre haute. 

L’éternel commencement

Le début du film convoque une autre suite réalisée par Cameron, Terminator 2. Nous retrouvons Jake qui  parle de sa vie et  présente sa famille. Alors que dans le discours de l’ancien marine, le spectateur ressent une peur grandir en lui, le réalisateur l’illustre avec le retour des terriens. Comme dans le cauchemar de Sarah Connors, une explosion et un mur de flammes balayent tout. 

Jake n’a pas d’autre choix que de fuir cet enfer qui recommence. Les hommes n’ont pas changé. Ils reviennent car leur monde se meurt et ils n’ont pas retenu leur leçon. Ils pillent plutôt que de tenter la coexistence. Ils sont égoïstes à l’image du Colonel Quaritch venu se venger plutôt que de profiter de cette seconde chance.

Il est déjà le point faible du précédent long métrage et il le reste dans la suite. Il y a un vrai problème d’écriture autour de ce personnage qui a tendance à alourdir l’histoire. Pourtant Cameron apporte un élément intéressant. Il utilise le transhumanisme pour ramener le personnage. Ses expériences et ses souvenirs ont été téléchargés dans le corps d’un avatar. On peut voir dans cette idée une référence au manga Ghost in the shell dans lequel son héroïne voit son esprit transféré dans un corps synthétique. Cameron aurait pu exploiter énormément de thèmes à travers cet élément scénaristique mais il n’en fait rien. Quaritch ne se pose pas de question et reprend le récit là où il s’était arrêté. Bien qu’il soit à présent dans un corps Na’vi, il reste aveugle. Il refuse de comprendre leur point de vue et se contente de reproduire son comportement agressif. Son arc est assez répétitif à l’image du message écologique du film.

Après la protection de la forêt, Cameron nous parle à présent des océans et de ses habitants.  Il filme les fonds marins comme un autre monde féerique. Une grande poésie s’en détache, rappelant parfois la magie des œuvres de Méliès. L’eau est toujours en mouvement, elle danse et vit en harmonie avec les Na’vi et ses habitants. Elle est lumineuse quand on la respecte et impitoyable lorsqu’on l’attaque.

Le réalisateur, en utilisant les créatures aquatiques, veut faire prendre conscience aux spectateurs de l’horreur qui se joue tous les jours devant ses yeux. L’homme pille et dilapide ses ressources pour des besoins purement esthétiques. Des besoins guidés ironiquement par la peur de la mort. Certaines scènes sont très fortes comme par exemple, la chasse aux Tulkun, un équivalent des baleines. Cameron fait beaucoup de références aux Dents de la mer avec l’utilisation des flotteurs et la poursuite. Cette fois, le spectateur est du côté de la proie et plus du chasseur. Le but est de faire sentir la souffrance de ces créatures pour susciter son indignation. Malheureusement, à l’instar du premier film, cette thématique reste naïve et subtile.

Autrui

La plus grande force d’Avatar: la voie de l’eau réside dans ses problématiques beaucoup plus philosophiques. Lors de notre analyse du premier film, nous avions vu qu’il était important de voir le point de vue de l’autre pour pouvoir le comprendre. Dans le long métrage, Cameron explore un peu plus le rapport à autrui et ses conséquences. En plaçant au centre du film une famille, le metteur en scène s’intéresse ainsi aux notions de liens et de communication.

Une famille est comme une pièce de théâtre dans laquelle chacun tient un rôle. Ce n’est pas une pièce écrite à l’avance mais une improvisation dont chaque membre influence le comportement de l’autre. Jake est un père, pour lui ce rôle implique qu’il doit protéger à tout prix sa famille. Il vit dans la peur de la perdre et la surprotège. Ce comportement crée du conflit avec l’un de ses enfants qui ne comprend pas pourquoi son père le traite aussi sévèrement. De l’autre côté, Jake ne sais pas pourquoi Lo’ak ne voit pas ses intentions. Pour Sartre, lorsqu’il y a conflit avec autrui, la honte est souvent utilisée comme outil. L’ancien marine fait exactement cela avec son fils, il blâme son comportement pour le blesser et essayer de le soumettre à sa volonté. Il ne considère pas son fils comme un être à part entière mais comme l’objet de sa peur.

Le parcours de Lo’ak et son passage à l’âge adulte permettent au personnage de mettre fin au conflit.  En se confrontant au regard des autres membres de la tribu et en apprenant leurs langues des signes, le jeune homme se connecte à ce qui l’entoure. Il apprend ainsi à connaître et comprendre l’autre. Le regard et la parole ne sont pas suffisants pour appréhender son univers, les gestes et les émotions sont tout aussi importants. Lorsque Lo’ak montre à Jake qu’il voit sa peur, père et fils trouvent enfin le moyen de dialoguer et de construire un monde.

Cameron retranscrit les réflexions de ses personnages par l’image. Le regard tout d’abord, en focalisant sa caméra sur les yeux tout en multipliant les points de vue. Il associe cela au langage corporel, les personnages expriment leur joie par des ballets aquatiques, ils se contractent et se replient sur eux-mêmes pour traduire la souffrance. Souvent la gestuelle des personnages contredit ce qui est exprimé verbalement.  La finalité est encore une fois de prouver au public qu’il est nécessaire d’apprendre à connaître l’autre pour pouvoir dialoguer et ainsi construire ensemble une société harmonieuse et respectueuse.

La construction de soi

Le dernier point important développé par James Cameron pour compléter son étude du rapport à autrui passe par la connaissance de soi. Lo’ak et Kiri, deux des enfants de Jake et Neytiri, vivent cette découverte.

Cette affirmation d’identité se fait encore une fois par rapport à autrui.  La famille est le fondement de notre identité première selon Rousseau. Lo’ak et Kiri sont le fruit de l’éducation donnée par leurs parents et des rôles qui leurs ont été attribués. Le rebelle et la fille gentille qui prend soin de la famille. Sortir ces deux jeunes personnages de leur zone de confort permet au réalisateur de les confronter à un autre miroir qui leur renvoie une nouvelle image d’eux, les poussant à exister et trouver leur place en dehors du cercle familial. Lo’ak et Kiri sont deux métisses confrontés au racisme. Ils ne sont pas considérés comme Na’vi alors que pour eux, cette identité ne fait pas de doute. Les deux adolescents se demandent alors qui ils sont. Doivent-ils renoncer à leurs identités parce que les autres ne les acceptent pas ?

Cameron propose aux spectateurs deux façons de résoudre ce questionnement. Pour Lo’ak, l’affirmation de son identité passe par le dialogue. Il se lie avec Reya, la fille du chef de la tribu de l’eau. Il se découvre à travers ce regard et ses enseignements comme quelqu’un de courageux ayant le désir de lutter contre les injustices. Le garçon rencontre un autre paria sous les traits d’un Tulkun. Cette amitié permet au jeune Navi de comprendre qu’être mis de côté vient parfois d’une incompréhension ou d’une fausse apparence.

Pour sa sœur Kiri, sa construction passe par le passé. Elle est la fille adoptive de Jake. Sa mère est le docteur Augustine et elle ne connaît pas son père. L’adolescente semble croire que son identité est liée à l’esprit de Pandora mais elle ne sait pas quelle voie suivre. Sa construction se fera par la spiritualité. Elle est à l’écoute de la nature et se construit en parallèle de celle-ci. Cameron la représente souvent avec des ailes comme une fée. Il fait d’elle une protectrice et un guide. Elle sauve sa famille et la guide vers le futur.

Par l’émancipation de la jeunesse, le réalisateur nous livre une nouvelle clef de notre survie. Il faut faire confiance à la nouvelle génération et la laisser se construire pour sauver le monde. D’ailleurs, grâce au lien qui se crée  entre Lo’ak et son père, celui-ci retrouve l’envie de se battre pour Pandora.

Avatar : la voie de l’eau est une très bonne suite. Plus belle visuellement et plus riche dans ses thèmes ainsi que ses émotions. Il est cependant dommage que certaines redondances déjà dérangeantes dans l’opus précédent soient encore présentes, ajoutant des longueurs qui alourdissent le récit. Malgré tout cela n’enlève pas l’émerveillement et l’aventure qu’apporte ce nouveau long métrage de James Cameron.

Le film est actuellement au cinéma.

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