Au nom du père
Au nom du père affiche

(In the Name of the Father)

1993

Réalisé par : Jim Sheridan

Avec: Daniel Day-Lewis, Pete Postlethwaite, Emma Thompson

Film fourni par L’Atelier D’Images

Au début des années 70 à Belfast, afin de l’éloigner des menaces de l’IRA et des tirs de  l’armée anglaise, Giuseppe Conlon envoie son fils Gerry à Londres pour qu’il y trouve un  travail. Mais le jeune homme inconséquent préfère vivre la vague hippy et vole un peu  pour survivre. Un soir, alors qu’il est à la rue, une bombe explose dans le même quartier.  Embarqué, torturé et condamné, le calvaire judiciaire commence pour le jeune garçon.  Pire encore, son père, arrivé à Londres pour lui venir en aide, est à son tour arrêté et  envoyé en prison. 

A la sortie du film, la presse anglaise s’est offusquée des inexactitudes historiques du  film basé sur une autobiographie, en particulier le fait que le père et le fils soient enfermés dans la même cellule. Pour des raisons de dramaturgie, le choix est pourtant compréhensible car de son propre aveu, Sheridan s’intéresse plus à l’exploration de la  relation filiale qu’à l’aspect politique de l’événement. Le réalisateur a donc resserré  cette histoire inspirée des Guildford Four autour des personnages de Gerry et Giuseppe  Conlon

Passionnant par son hétérogénéité, Au nom du père aborde des genres aussi variés que  le film politique, le film de prison, le film d’enquête et de procès, le drame familial.  Tenu en haleine par le procès, bouleversé par l’injustice de l’erreur judiciaire, le  spectateur entre peu à peu dans le cœur du film, la relation entre Gerry et son père  Giuseppe. Jim Sheridan montre comment ce personnage d’adolescent en pleine opposition change progressivement de perspective et comprend qui est son père. 

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Gerry Conlon est un clown, un adolescent insouciant détaché de la politique. Après des jours d’interrogatoire sous la menace, il passe aux aveux. Un plan rapide sur ses  chaussures tape-à-l’œil et trop colorées, accentue l’absurdité de l’accusation. Lorsqu’il  est emprisonné, il revêt l’uniforme marron des prisonniers, finis les chemises rouges, les  slips léopards et les manteaux à poils longs. Fini aussi les mouvements virevoltants et  dynamiques de caméra, comme la première scène du film, lors de laquelle pour  échapper aux soldats anglais, Gerry court à travers les ruelles. 

Lorsque Giuseppe envoie Gerry en Angleterre, les relations sont aussi distendues que l’espace physique qu’ils mettent entre eux. Emprisonnés ensemble, ils n’ont pas d’autre  choix que de se connaître pour résister aux années de détention. Quand Giuseppe arrive en prison, Gerry lui reproche de le suivre, il repousse son père hors de l’écran et Sheridan filme l’échange en champ-contrechamp. Gerry se heurte à un père dont il ne  comprend pas la morale inflexible, qui ne tolère pas le mensonge ou la triche, et qui  prône une attitude pacifiste. Aux yeux du fils, le père fait preuve de faiblesse, de  passivité. Dans un monde tendu, il espère une réaction violente de Giuseppe. Et même quand il y parvient, ce n’est pas assez. La seule réponse de son père c’est de réintégrer  le cadre avec son fils, en le prenant dans ses bras. 

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La représentation de l’IRA par Sheridan est peu flatteuse. Filmée comme une mafia, le réalisateur montre les intimidations, le maintien de l’ordre musclé par les activistes de  Belfast contre des petits voleurs comme Gerry et ses compagnons. En prison, Joe MacAndrew, l’exécutant de l’attentat dont sont accusés les Conlon, installe son  influence et forme un clan autour de lui. Gerry se rapproche de cet homme prêt à  répondre aux menaces par les coups, un homme qui ne baisse pas la tête comme Giuseppe. Celui-ci, malade, reste enfermé à son étage, tandis que Gerry trouve en Joe  un père de substitution qui répond à ses attentes de figure paternelle forte. 

Lors d’une scène pivot, Joe commet un acte qui n’a plus rien de politique, un acte d’une cruauté et d’une violence insupportables, alors que Le Parrain de F. F. Coppola est  projeté aux prisonniers. Le choix du film peut paraître surprenant au niveau de la  narration-va-t-on réellement apaiser les esprits avec une histoire de règlements de compte en série ? – pourtant il est explicite, puisqu’il parle d’un fils qui accepte l’héritage de la violence. C’est aussi le moment du choix pour Gerry. Une réplique se  retrouve dans le film suivant : « Jamais de ma vie je n’ai eu envie de tuer quelqu’un  jusqu’à aujourd’hui. » Dans The Boxer, Danny Flynn dira « Je suis pas un tueur, mais  cette ville me donne envie de tuer. » 

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A la violence, Giuseppe répond par l’espoir et c’est cela qu’il tente de léguer à son fils. « Ils peuvent boucher la lumière du jour, mais pas la lumière qui est là » dit-il à Gerry en  désignant sa tête. Alors que Joe MacAndrew est écarté, l’influence bienveillante de  Giuseppe se propage. Lors d’une scène d’une infinie poésie, les codétenus de Gerry font tomber par leurs fenêtres des papiers enflammés, comme la matérialisation de  cette lumière intérieure. Au nom du père milite donc pour le retrait, la lutte silencieuse et la douceur. Porté par  des comédiens habités, ce film à la fois sobre et percutant est suivi par The Boxer en  1997, film complémentaire qui poursuit cette idée chère à Jim Sheridan qu’à l’escalade  de la violence l’amour est la seule riposte.

Au nom du père est diponible chez L’Atelier D’Images

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