The Midnight Club
The Midnight Club affiche

2022

Réalisé par : Mike Flanagan

Avec : Iman Benson, Igby Rigney, Ruth Codd

Série vue par nos propres moyens

Ilonka est une adolescente qui collectionne de bonnes notes à l’école et peut sereinement envisager ses études en faculté, jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse et finisse à l’hôpital. Le diagnostic tombe : elle est atteinte d’une forme rare de cancer foudroyant de la thyroïde. Elle passe alors l’année qui suit à l’hôpital, entre le traitement et ses livres d’étude. Malheureusement, la maladie résiste au traitement et Ilonka décide de rejoindre un centre de soins palliatifs. Ce choix n’a cependant rien d’innocent, l’adolescente souhaite connaître le même sort qu’une adolescente nommée Julia, qui y aurait connu une rémission miraculeuse, trente ans plus tôt.

La nouvelle série de Mike Flanagan est librement adaptée du roman pour adolescents The Midnight Club, écrit par Christopher Pike, un auteur américain surnommé le Stephen King des adolescents. En France, l’auteur est majoritairement édité par J’ai lu dans la collection Peur Bleue. Christopher Pike a été inclus au projet en tant que producteur exécutif, ce qui lui donne un droit de regard sur le travail d’adaptation fait par Mike Flanagan et Leah Fong, qui se sont chargés du scénario de la série. Celle-ci, produite par Netflix, adopte le format habituel des séries actuelles: 10 épisodes à la durée de 49 à 58 minutes. 

Mike Flanagan n’est pas un habitué du public adolescent. En effet, ses films ont pour la plupart des adultes pour héros (The Mirror, Pas un Bruit, Ne t’endors pas, Ouija: les origines ou encore Jessie). Dans ses séries (The Haunting of Hill House, Bly Manor ou encore Sermons de Minuit), ce sont également des adultes qui se retrouvent confrontés au deuil et à la culpabilité. Des émotions fortes galvanisées par toute la puissance d’évocation que permet le fantastique et une atmosphère soignée. Ses séries en particulier adoptent un rythme plutôt lent, qui est à des années-lumière du tempo rapide qu’on peut avoir dans les séries destinées au jeune public (Riverdale, Euphoria, etc…).

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Pourtant, en 2019, Mike Flanagan avait déjà suivi une adolescente dotée de grands pouvoirs, qui attirait sur elle des sortes de vampires psychiques : Doctor Sleep, la suite de Shining. On y voyait une adolescente afro-américaine issue de la classe aisée. Un personnage pas si éloigné de Ilonka, une adolescente afro-américaine à qui tout semble réussir, et qui, même après avoir reçu un diagnostic très pessimiste, continue de croire qu’elle réussira à vaincre la mort. Les deux personnages ont également en commun une certaine arrogance qui les mène à leur perte.

Les autres personnages sont en majorité des adolescents. On y retrouve un peu de tous les profils : le beau gosse un peu ténébreux et torturé, la mythomane distante qui révèlera posséder un grand coeur, la croyante un peu vieux jeu, le gay torturé par le refus de sa famille de venir le voir, le geek taiseux, la dépressive émotive et pour finir, le personnage le plus captivant forcément : Anya, l’ancienne danseuse brisée, brillant par son cynisme et sa méchanceté surtout envers l’héroïne, dernière arrivée. Pour autant, si les personnages peuvent incarner quelques clichés, ceux-ci seront éventés au fur et à mesure des épisodes quand on apprendra à mieux les connaître.

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Le déroulé de la série est celui-ci : chaque soir à minuit, les adolescents mourants se réunissent dans la bibliothèque pour se raconter des histoires qui font peur. Ils ont également un pacte : ceux qui passent dans l’au-delà devront faire un signe aux autres. Ainsi, la narration se découpe en plusieurs histoires qui s’insinuent dans la trame générale. Les histoires fonctionnent comme des sortes de flashbacks puisqu’elles permettent d’en savoir davantage sur chaque personnage, ses aspirations, son histoire, ses démons. À cela s’ajoutent les mystères entourant Brightcliffe, l’hospice en lui-même. Les ombres que voient les jeunes sont-elles des fantômes ? une menace surnaturelle ? Le passé trouble de la maison en elle-même a-t-il joué un rôle dans la rémission miracle survenue dans les années 1960 ? 

Cette structure narrative se composant à la fois d’introspection des personnages et de la poursuite de mystères est très semblable à celle des séries à mystère et notamment de Lost les disparus. Si cela fonctionnait très bien dans Lost, ici en revanche, le découpage brise souvent le rythme. Car les adolescents ne finissent pas toujours leur histoire, afin de pousser les autres à rester en vie pour entendre la suite. Mais surtout, ces histoires comme les mystères entourant Brightcliffe ne sont pas à la hauteur des attentes du spectateur, habitué aux séries horrifiques. De facto, la série reste assez timide, surtout à ses débuts. Les apparitions sont reléguées à de brefs instants et ne semblent pas impacter les personnages, en tout cas, pas l’héroïne. 

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Celle-ci semble hermétique à tout ce qu’il se passe autour d’elle, poursuivant inlassablement son but. Il faudra attendre l’épisode 8 pour qu’enfin Ilonka cesse d’être le personnage parfait que rien ne semble atteindre et toucher. Le problème étant qu’un tel personnage est moins attachant, pas de faiblesses pour le rendre humain, du moins pas de faiblesses apparentes. La seule chose qui peut compenser ce défaut d’écriture c’est le charme de la jeune comédienne dont le sourire désarme, il est vrai. Iman Benson a le charme suffisant pour capter le regard, mais son personnage trop lisse l’empêche de faire son travail, malheureusement.

Autre problème d’écriture : le mystère entourant Brightcliffe est trop léger. Pour la durée de la saison, il est insuffisant pour captiver le spectateur qui doit se contenter des histoires que se racontent les adolescents et de leur peur de mourir. Ce qui nous amène au troisième problème de la série. En cherchant à raconter l’histoire d’adolescents en fin de vie, le réalisateur n’arrive pas à donner la même intensité qu’à ses précédentes séries. Le sentiment qu’il n’ose pas aller jusqu’au bout des choses s’imprime en le spectateur au fur et à mesure des épisodes. Ce n’est qu’à la toute fin qu’enfin il se confronte vraiment à son sujet : la mort. Certes, c’était évident, vu le lieu et le pitch de départ, mais à force de tourner autour du pot, l’ennui finit par l’emporter. 

Ce qui est dommage, car il y avait là matière à réenchanter le monde de par l’imaginaire des adolescents, leur manière de vivre tout si intensément, de donner tant d’importance à des petits riens et puis, confronter la mort à un âge où on s’imagine immortel, c’est d’autant plus poignant. Et peut-être est-ce là tout le défaut de la série, un postulat de départ aussi fort soit il ne suffit pas. Il faut l’explorer, l’exploiter, le tirailler, jouer avec, pour en ressortir toute la moelle. Autrement ce n’est qu’un concept de plus.

The Midnight Club est disponible sur Netflix.

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