Terrence Lewis, Indian Man
Terrence Lewis Indian Man affiche

2022

Réalisé par: Pierre X. Garnier

Avec: Terrence Lewis

Vu en séance spéciale au Cinéma Arvor (Rennes) le 19 avril

Comment déconstruire un modèle ? La thématique de la démystification est une figure maintes fois éprouvée au cinéma. Terence Lewis, Indian Man, premier film de Pierre X. Garnier, n’échappe pas de prime abord à cette idée. Un écueil dangereux, source potentielle d’immobilisme réflectif, dont le réalisateur s’émancipe pour suivre le mouvement d’un danseur aux milles facettes.

Terrence Lewis illu 1

Dès son ouverture, en pleine répétition de danse, Terence Lewis, Indian Man impose le ton. Au plus près des corps, Pierre X. Garnier filme son monolithe sans autorité, presque sans charisme comme pour briser d’entrée la carapace. Le film refuse sciemment de nous montrer Mr. Lewis pour mettre en lumière Terence. Le renversement de valeur et l’immobilisme sont ici présents à toutes les échelles : la caméra lancinante et proche, presque collée à son personnage, harcèle Terence Lewis comme un petit œil et brise la glace. La dichotomie de l’homme et de l’artiste s’ouvre alors comme le pilier même du métrage : du tourbillon médiatique et populaire que constitue sa vie publique, l’envers du décor montre un homme d’un calme olympien, axant son existence autour de la quête de la paix intérieure. Pierre X. Garnier saisit ici parfaitement l’ambivalence de l’homme et s’efforce avec brio à aller chercher l’intime, en témoigne notamment cette obstination à couper les performances scéniques de l’artiste.

C’est de ces préceptes que va naître un portrait unique, à la hauteur de l’homme filmé. D’une vision profondément naturaliste, le film sort des sentiers battus et déroute par ce qu’il montre. Si la sincérité ambiante peut sembler tendre par moment, Terence Lewis, Indian Man nous emmène avec un homme spirituel dans un voyage introspectif. Voyage qui pour nous, spectateurs, déconstruit nos repères, et offre une réflexion captivante. Par moment, certes, un peu trop poseur, Pierre X. Garnier impose une patte visuelle et de mise en scène, définit et affûte son style plan après plan avec une humilité qui fait mouche.

Terrence Lewis Indian Man illu 2

Tient-on donc ici l’exercice de style parfait ? Réussite, on l’a dit, Terence Lewis, Indian Man, plus creuse-t-il dans les profondeurs, plus il s’approxime, effilochant une approche jusqu’au-boutiste. C’est peut-être là le principal défaut du film : après un premier segment d’une vraie force cinématographique, les contraintes de durée (le film dure une cinquantaine de minutes) créent chez le spectateur une certaine frustration dans l’envie de pousser plus loin le portrait d’un homme unique. Riche et digeste, on ressent tout de même cette même frustration derrière la caméra au moment de conclure, le film donnant scène après scène la sensation de de relancer thématiquement sans avoir la chance de plus s’expandre. Un défaut peut-être dû au manque d’expérience de Pierre X. Garnier, et qui, s’il contraste un portrait dithyrambique (et qui pourrait, à première vue, sembler déconnecté de la réalité), n’en reste pas moins la preuve que l’on tient là une vraie œuvre de cinéma, qui préfère prendre des risques plutôt que de se reposer sur ses lauriers.

Terence Lewis, Indian Man est finalement la synthèse d’un premier film prometteur. Audacieux, naïf, aventureux, il est un de ses films courageux, intriguant pour son sujet et le traitement qui en est fait, qui n’a pas peur de se tromper. Portrait d’un idole indien, le documentaire arrive à s’émanciper humblement d’un cadre rigide pour nous offrir une belle lucarne sur une personnalité unique.

Terence Lewis, Indian Man est a découvrir au Christine Cinéma Club de Paris, le 26 avril, à 20h.

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