Roudram Ranam Rudhiram (RRR)
RRR affiche

2022

Réalisé par: S. S. Rajamouli

Avec: N.T. Rama Rao Jr., Ram Charan, Alia Bhatt

Film vu par nos propres moyens

En 1920, l’Inde est encore sous la domination de l’Empire britannique. Son gouverneur, Scott Buxton et son épouse visitent une région isolée, située au milieu de la jungle, où vit le peuple Gond. Sous un coup de tête de son épouse, le gouverneur enlève Malli, une enfant, sous les yeux effarés de ses parents. Le protecteur du village se décide alors à retrouver l’enfant et à la ramener à sa famille. Il va croiser la route d’un jeune militaire ambitieux, prêt à tout pour obtenir un grade supérieur, y compris à pourchasser et à torturer ses propres concitoyens.

S. S. Rajamouli s’est inspiré de deux figures historiques révolutionnaires de l’Inde des années 20, Komaram Bheem et Alluri Sitarama Raju. Cependant, pour les besoins de la fiction, le film provoque la rencontre entre ces deux héros qui dans la réalité ne se sont jamais rencontrés. Il n’est pas inhabituel pour la fiction de s’éloigner de la réalité, autrement, il s’agirait de documentaire et non de fiction. C’est un travail d’adaptation donc, poussé d’autant plus par le style de son réalisateur qui aime les grandes envolées lyriques, les ralentis iconiques et les séquences dopées par une musique emportant les scènes d’actions survoltées à des strates supérieures à la manière du cinéma hollywoodien.

En effet, le style du réalisateur de RRR propose une action à la fois bourrine et décomplexée à la manière du cinéma américain des années 80, une manière de filmer ces scènes d’action complètement folle comme le faisait le cinéma hongkongais de la même époque, une manière d’effectuer des changements de ton radicaux comparables au cinéma coréen des années 2000, et surtout une approche iconique avec des ralentis comparables au style de Zack Snyder. Toutes ces références irriguent le style très affirmé de S. S. Rajamouli, qui, avec les moyens qui lui ont été donnés pour RRR, peut conquérir les spectateurs à l’international.

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Lorsque nos deux héros se retrouvent désarmés dans une forêt à devoir affronter une armée de soldats surentraînés, on songe à Rambo. Lorsque l’un des personnages est torturé sur la place publique, son iconisation presque christique n’est pas sans évoquer celle d’un Robocop ou d’un Man of Steel. En allant plus loin, on pourrait même rapprocher ces personnages à ceux campés par Tom Cruise dans la saga Mission Impossible, notamment dans les scènes d’action où le nombre de figurants impressionne autant que la précision de la chorégraphie. Pour les néophytes du cinéma bollywoodien, c’est un spectacle à admirer dont le rendu est forcément impressionnant.

Évidemment, les effets numériques viennent s’y ajouter, notamment pour les animaux sauvages ou les véhicules, car oui, nos héros vont aussi se battre contre des tigres ou utiliser une moto comme une arme. Ces effets numériques sont relativement soignés, comme en témoigne le budget impressionnant du film ($69,000,000.00, soit le double du budget de son précédent film), malgré tout, ils exigent une bonne qualité du support de diffusion. L’utilisation des ralentis peut aussi desservir ces effets numériques, car les défauts sont alors plus perceptibles. Ceci dit, ce même problème s’observe sur bien des super-productions américaines.

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Qui dit héros à la résistance et à la force quasi surhumaine, dit méchants à la hauteur de leurs capacités. Évidemment, il y a une différence de moyens avec nos héros, en particulier le représentant du peuple Gond qui n’a que la nature pour l’aider et quelques soutiens, dont une famille musulmane qui va l’aider à se cacher de l’armée britannique. C’est rafraîchissant de constater que les méchants sont les impérialistes britanniques. Rarement une super-production d’action a adopté un tel point de vu, aussi critique envers le colonialisme. Du moins, de tels films passent rarement les frontières. Le succès mondial de RRR permet à son réalisateur de toucher les principaux concernés et leur renvoyer un reflet peu flatteur. Même si le trait est évidemment grossi, le film restant essentiellement un divertissement, mais il est impossible de ne pas saisir le message.

Patriotique, le film pourrait paraître comme conservateur. Le générique de fin mettant en valeur les figures historiques l’ayant inspiré emprunte à l’imagerie des affiches de propagandes qui pullulaient en occident dans les mêmes années. Pour autant, le message du film, s’il est patriotique, n’est pas pour un enfermement sur soi. Il est plutôt un souffle brûlant pour la liberté, pour l’indépendance des peuples et le respect des cultures de chacun. En mettant en scène des personnages ayant une culture différente, une religion différente, parlant des langues différentes, capables de s’associer pour combattre un même ennemi : le colonialisme, il est plutôt une ode à la différence et à l’indépendance.

En cela, il n’est pas sans rappeler les films européens d’après-guerre. Ironiquement, l’image du méchant nazi est ici remplacée par le méchant colonialiste anglais. Il est intéressant de noter que pour incarner ces personnages, le gouverneur et son épouse, ce sont des comédiens britanniques qui ont été choisis : Ray Stevenson qu’on a pu voir dans Punisher : Zone de guerre, Divergente ou encore Thor et Alison Doody qui a joué dans Indiana Jones et la dernière croisade ainsi qu’Allan Quatermain et la pierre des ancêtres. Une nuance toutefois est apportée par la nièce du gouverneur, incarnée par Olivia Morris, qui va jouer le rôle d’une résistante en aidant les héros au détriment de sa nation et de sa famille, faisant d’elle une figure d’héroïne tragique.

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Les personnages féminins sont plus effacés que les personnages masculins. À l’exception de l’épouse du gouverneur qui, bien que peu présente à l’écran comparé à son époux, a les meilleures répliques et s’avère être bien plus sadique que le reste des Britanniques. Les autres personnages féminins ne sont là que pour aider les héros quand ils en ont besoin ou alors pour être sauvé par ceux-ci, comme c’est le cas pour la petite fille Malli qui ne fait que pleurer et supplier. C’est peut-être le défaut du film, les personnages féminins restent très archétypés à défaut d’être développés.

En revanche, les 3 heures que dure le film défilent assez rapidement. Il faut dire que le style de S. S. Rajamouli est assez comparable à celui de Zack Snyder en matière de mise en image. Cela veut dire qu’il demande du temps. Avec ses ralentis, sa manière de présenter ses personnages couche par couche afin de les iconiser, mais aussi, de leur offrir à chacun des flashbacks propres à les rendre héroïques, il faut savoir prendre son temps. Pour autant, avec une telle dose d’action, un tel accent mis sur le spectacle, à quoi s’ajoutent les couleurs vives et la musique, il n’y a de place pour l’ennui ni même un ventre mou. Il est donc compréhensible que le film soit un succès, en effet, il fait partie des films les plus rentables de l’année 2022 avec une recette de $160,000,000.00 alors même que sa distribution en occident reste tout aussi compliquée que les autres films du cinéaste qui, à ce jour, n’ont pas été distribués sur support physique en France.

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