L’avocat du diable
L'avocat du diable affiche

(Guilty as sin)

1993

Réalisé par: Sidney Lumet

Avec : Rebecca De Mornay, Don Johnson, Stephen Lang

Film vu par nos propres moyens

Jennifer Heines est une avocate brillante dont la carrière prend une bonne voie. Elle n’a jamais eu peur d’innocenter des criminels, meurtriers et mafieux. Mais quand David Greenhill lui demande de l’innocenter d’une accusation de meurtre contre sa femme, l’avocate doute soudainement. Craignant de tomber sous le charme de ce séducteur, elle est loin de réaliser qu’il pourrait bien être dangereux, aussi bien pour elle que pour son entourage. 

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Les années 90 voient les thrillers érotiques exploser. Le succès de Basic Instinct de Verhoeven entraîne dans son sillage une bonne flopée de long métrage plus ou moins bon dans la même veine. Hélas, L’avocat du diable ne fait pas partie des meilleurs. Pourtant sur le papier, une histoire d’avocate séduite par son client qui se rend compte en cours de route qu’il est démoniaque a de quoi plaire. Après tout, un Jim Profit dans la série du même nom cartonnera trois ans plus tard en mettant en scène un être manipulateur et séducteur évoluant dans le milieu des très riches que cherche à mettre en scène L’avocat du diable.

L’un des problèmes étant que Sidney Lumet n’est pas Michael Mann. Difficile de ne pas voir son ombre à chaque plan sur ces immeubles de verre et de métal, dans ces plans aux longues tables, aux lits défaits où un personnage erre solitaire, où des personnages de loups pour l’homme s’affrontent dans un duel mortel, et surtout, par la présence de Don Johnson, l’un des comédiens principaux de Miami Vice, la série de Michael Mann. Ce dernier ayant su mettre en scène l’exubérance des années 80 et 90, mais également des personnages en marge de la société, aurait peut-être pu mieux s’en sortir. 

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Hélas, L’avocat du diable est loin d’avoir une mise en scène équivalente à celle de Mann. En vérité, elle est même loin de la qualité à laquelle nous avait habitué Sidney Lumet. Il semble perdu dans ces espaces qu’il avait pourtant si bien réussi à filmer dix ans auparavant dans Network. La mise en scène est plate et la lumière froide, mais sans nous faire éprouver pour autant le moindre frisson, la moindre tension, surtout pas sexuelle. C’est pourtant le fidèle Andrzej Bartkowiak qui a œuvré pendant des années avec Lumet qui tente vainement d’éclairer ces décors. Mais à l’instar du cinéaste, le directeur de la photo ne semble pas inspiré. 

En voyant ce désastre, il est difficile de ne pas songer à ce qu’aurait pu en faire Brian de Palma qui, durant la décennie précédente, a réalisé peut-être les plus sulfureux thrillers érotiques avec Pulsions et Body Double. Il aurait su par sa mise en scène rendre fiévreux le moindre échange entre les comédiens. Rebecca de Mornay fait tout ce qu’elle peut pour donner corps à ce personnage d’avocate qui se découvre une morale face à un homme qu’elle soupçonne d’être prêt à la tuer. Seulement, elle joue seule la partition. Don Johnson cabotine bien trop, frisant en plusieurs scènes le grotesque. Malgré tout, on sent des tentatives des deux comédiens pour adhérer aux règles du genre mais la mise en scène plate et clinique réduit à néant leurs efforts pour donner un caractère érotique à l’ensemble.

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Mais peut-être que le problème vient du scénario de Larry Cohen plus habitué aux films d’horreur qu’aux thrillers érotiques. Si la base avait du potentiel, c’est dans l’enchaînement et surtout la chute que le scénario manque de profondeur, se contentant d’être à la hauteur d’un épisode d’une série policière. Peut-être même en-deçà. En effet, le personnage de l’avocate est loin d’être crédible. Celle qui défendait un mafieux accusé d’avoir tué plusieurs personnes serait choquée d’un mari se débarrassant de son épouse ? Là où l’histoire devient intéressante, c’est lorsqu’on comprend qu’elle veut surtout sauver sa peau, mais le scénario pas plus que la mise en scène n’appuient sur l’égocentrisme de son héroïne, se contentant de souligner le caractère machiavélique du personnage de Don Johnson quitte à en devenir grotesque. 

En vérité, le film passe à côté de tout l’intérêt qu’il aurait pu avoir. Si l’avocate s’était avérée aussi dénuée de scrupule que l’accusé, aussi égocentrique, se trouvant une morale uniquement pour se sauver la peau, le propos aurait été intéressant, d’autant que ça aurait été dans l’air du temps. En effet, la fin des années 80 est très marquée par le bling bling, une obsession de l’apparence et la course à l’argent facile. Dépeindre une société autocentrée gangrénée par cette quête d’argent, se fichant des conséquences et de voir ceux qu’elle écrase, aurait pu être intéressant et dans la droite lignée des thématiques chères à Sidney Lumet. Mais le cinéaste entrant dans les soixante-dix ans était sans doute trop usé pour le voir. 

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