La loi de Téhéran

(Metri Shesh Va Nim)

2021

Réalisé par: Saeed Roustaee

Avec: Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, Parinaz Izadyar

« La loi de Téhéran » est un film iranien inscrit dans un contexte que nous devons rappeler en préambule. Le régime politique iranien impose une censure écrasante sur l’industrie du cinéma, censure qui se remarque à travers le cadrage, le montage, les dialogues et le traitement des thèmes abordés. Et puisque c’est justement le thème du film : en Iran  un arsenal policier et juridique implacables répriment sévèrement le trafic de drogue au point que la peine de mort  a longtemps été requise à partir de 30g d’héroïne produite ou distribuée.

Nous suivons à travers ce film deux membres de la bridages des stups dans la traque d’un des barons de la drogue de Téhéran. « La Loi de Téhéran » a la bonne idée de s’inspirer allègrement des archétypes et codes que le cinéma policier international nous a servi depuis 20 ans. Mais de ce choix nait une pellicule qui démarre sur un rythme frénétique qui laisse à peine le temps au spectateur de respirer et de s’imprégner de ses personnages. Il faudra s’accrocher pour suivre les tenants et les aboutissants de cette chasse à l’homme éreintante et parfois irrespirables. Sur l’aspect thriller cette première partie peut manquer donc d’originalité mais les spécificités de l’environnement iranien s’expriment à travers plusieurs scènes uniques qui marqueront le spectateur : entre autres, une interpellation de masse dans les taudis au cadrage magistral ou encore une perquisition dans un foyer familial modeste et banal au premier abord, et dont la fin sera déchirante. Le film avance et question se pose lorsque l’enquête approche de sa fin : pourquoi achever cet arc si vite en réalisant un thriller à l’occidentale ? Qu’est ce que le film va nous proposer par la suite pour se renouveler ? Divulgâchage léger : il n’y aura pas de retournements de situation à faire tomber le spectateur de sa chaise, « La Loi de Téhéran » opère un changement de style drastique, se transforme et devient un film purement iranien autant dans sa forme que dans son propos.

« C’est pas très sympa! »

Le changement est brutal : tout devient subitement si lent, nous perdons nos repères, la situation et les rôles s’inversent, les personnages que nous avons accompagnés dans ce qu’il conviendrait d’appeler « le premier film » deviennent secondaires. Ils se révèlent finalement n’être que des pions et non les acteurs conscients de la machine juridique iranienne.. Les choix et dans une certaine mesure les opinions du réalisateur se manifestent, une œuvre originale en dehors des carcans rigides initiaux nous est servie sur un plateau. Sayeed Roustayi montre toute sa maitrise et ses intentions artistiques lors d’une scène de garde à vue volontairement interminable dans une cellule exigüe, où les prévenus entrent sans cesse, le temps s’étire, le regard porté sur les corps se fait précis plus précis, l’exigüité et la moiteur de l’air finit par transpercer l’écran. Le spectateur est logé à la même enseigne que celui qui se révèle être l’authentique personnage principal du film. Il ne sait pas quand il sortira de cet enfer, et donc attend. Toute la seconde partie du film n’est qu’attente, incertitude, doutes, jeux de dupes et vérités crues.

Le regard porté sur le corps social iranien se fait à travers une vision critique de la famille : un père toxicomane manipulant son fils, l’amour et le soutien envers sa famille qui dédouanerait un coupable des pires actes. Le parti est pris de sortir  le spectateur de son confort pour une confrontation matérielle face aux conséquences sociales du trafic du drogue. Cette réalité est visuellement présente par des plans appuyés sur des corps souffrants et marqués.

« La loi de Téhéran » est désormais disponible à l’achat du coté de Wild Bunch.

Alors que son introduction laisse présager le contraire « La Loi de Téhéran » est un film  qui clame avec force sa propre singularité et propose une expérience de cinéma puissante à laquelle nous vous invitons à vous laisser happer.

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