Jugez-Moi Coupable

(Find me Guilty)
2006
Réalisé par: Sidney Lumet
Avec : Vin Diesel, Linus Roache,Ron Silver, Peter Dinklage
Film vu par nos propres moyens

A la fin des années 90, Lumet ne rencontre plus le succès. Son dernier film Gloria n’a pas attiré les foules et au début des années 2000 son seul projet fut un court métrage, en 2004. Lorsqu’il découvre le scénario de TS Mancini, il est tout de suite séduit, y retrouvant les thèmes chers à son cœur. 

Dans les années 80 s’est tenu un long procès qui fut très médiatisé. Il oppose le gouvernement à une famille mafieuse italienne, les Lucchese. Cette affaire a fasciné le scénariste qui décide au début des années 2000 d’y consacrer un film. Il se rend en prison, accompagné de son co-scénariste Robert J McCrea pour rencontrer Jackie DiNorscio, l’une des figures marquantes de cette histoire. Celui-ci leur raconte son parcours et s’investit également dans la production du film une fois sa peine terminée. Il demande au réalisateur, d’engager Vin Diesel, seul acteur capable de l’incarner selon lui. Diesel sort du succès du premier Fast and Furious mais n’est pas apprécié pour ses talents de comédien. Il n’est d’ailleurs pas le premier choix de Sidney Lumet qui aurait préféré engager Joe Pesci. L’ancien malfrat aide Diesel à se préparer et lui donne des conseils, jusqu’à son décès survenu en 2004, durant le tournage.Encore une fois, malgré l’implication importante de l’équipe, le film fait un bide, ne rapportant que 2 millions. La critique ne le sauvera pas non plus.

Le facteur social

Si vous avez écouté notre émission sur 12 hommes en colère, vous ne serez pas surpris par ce thème. Le personnage de Jackie qui décide d’assurer seul sa défense, utilise comme argument le fait que ses origines et son milieu social plutôt modeste ne lui ont pas laissé d’autres choix que le crime pour survivre. Le FBI accentue très bien ce point lors du témoignage d’ un agent qui traite tous les italiens de racailles, ne cherchant pas à savoir s’ ils sont coupables où non. Jackie ne nie pas ses agissements mais il se présente comme un farceur, quelqu’un qui n’est pas mauvais mais qui n’a pas eu d’autres choix pour survivre que d’enfreindre les règles.

Pour illustrer cette remise en cause du système, Lumet et ses scénaristes utilisent l’humour. Durant le procès, Jackie nous apparaît parfois comme un comique de stand up, parfois comme le clown d’un cirque. Cette tactique le rend accessible et humain. Il permet également de mettre un visage sur ce groupe et ainsi de combattre ce racisme. Ce qui est dommage c’est qu’au final ce thème devient au fur et à mesure du film très redondant et parfois nous avons l’impression de revoir plusieurs fois une même scène, surtout lors des séquences de procès qui tirent en longueur,nous faisant sortir de l’histoire.

Le cirque judiciaire

Ce premier thème nous conduit à celui qui sera central dans le film: la justice. Encore une fois, nous retrouvons beaucoup de traits communs avec 12 hommes en colère. 

Le film critique cette justice inégalitaire qui n’est obsédée que par des victoires et le paraître, plutôt que la recherche de la vérité. Lumet appuie son propos grâce à sa mise en scène et son travail de recherche. Il a eu accès aux enregistrements vidéos ainsi qu’à la transcription du procès. Cette grosse préparation lui permet d’offrir un travail précis et une mise en scène proche d’un travail de journaliste.Sa caméra très fluide et toujours en mouvement va épouser le mouvement de la foule, faire des plongées, rester au plus près des personnages comme lors d’un reportage télévisé.

Lors du procès Sidney Lumet, épouse les différents points de vue, nous sommes le jury  suivant l’affrontement entre le procureur et la défense comme un match de tennis tournant la tête d’un côté à l’autre. Nous avons l’impression d’assister à un spectacle permanent en dehors et au sein de la cour de justice.

Le procès prend parfois des airs de comédia del arte , un genre théâtral Italien qui propose de l’improvisation, des ruses ainsi que des personnages hauts en couleurs. On retrouve ces éléments grâce au personnage de Jackie qui s’improvise avocat.Un vieux mafieux fait également à plusieurs reprises des malaises provoquant le chaos et transforme le procès en carnaval.

La justice est continuellement ridiculisée par le réalisateur qui une fois de plus met en avant l’égo de ses représentants au détriment de leurs rôles censés révéler la vérité. Au final c’est une justice en perdition que nous avons face à nous et ce n’est pas Jackie le vrai farceur, mais cette institution tellement obsédée par ses exploits qu’elle parvient à faire oublier la gravité des faits qui sont reprochés aux prévenus.

La famille

Le dernier thème marquant de Jugez-moi coupable pourrait venir directement de la saga si chère à Vin Diesel, Fast and Furious. Vous l’aurez compris c’est un film qui parle de la famille.

Jackie est un personnage profondément attaché à cette notion. Pour lui, c’est un groupe qui s’aime, se soutient, même lorsque que l’un de ses membres fait une bêtise. Pendant tout le long métrage, le personnage ne cesse de mettre en avant le réconfort qu’il a apporté à chaque membre de la famille Lucchese. 

Il défend également cet amour en refusant de négocier avec les autorités alors qu’il est condamné à 30 ans de prison. Avec ce thème, Lumet nous montre que l’amour, et l’entraide peuvent avoir un effet plus positif que ces lois inégales qui laissent de côté et rabaissent les milieux modestes.

Sur cette partie, l’humour et le côté chaotique disparaissent pour épouser un style plus classique avec une caméra beaucoup plus fixe. Nous avons typiquement la grande scène de procès, lors du plaidoyer où Vin Diesel donne tout pour livrer les mots venant de son cœur. Lumet réussit à tirer le maximum de cet acteur souvent caractérisé par son manque d’expression. Ici, Diesel est plutôt à l’aise dans les moments de comédie et réussit même à nous toucher devant ce sacrifice pour protéger sa famille. Dommage que ce ton plus dramatique dans la mise en scène semble faux par rapport à la satire qui anime le reste du long métrage. Le film perd à ce moment-là, la sympathie qu’il suscite par son approche plus farceuse. Ce ton revient lors de la fin du film pour nous montrer cette famille reconnaissante de s’en être sorti et qui quitte le tribunal sous une musique festive . Le  film se termine sur la joie de Jackie, heureux d’avoir contrarié ce système injuste envers les gens qu’il aime.

En Bref

Avec Jugez-moi coupable, Lumet revient à la source en nous parlant une fois de plus de cette justice qui oublie son rôle primaire: la recherche de la vérité. Le réalisateur réussit même l’exploit de proposer une très bonne prestation de la part de Vin Diesel. C’est un film plutôt drôle et bien réalisé mais qui perd en intensité lorsqu’ il se prend trop au sérieux. Sans être mémorable, il offre quand même à Lumet une belle fin de carrière.

Jugez-Moi Coupable est disponible en DVD chez Metropolitan films

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