F/X, effet de choc
F/X, effet de choc affiche

(F/X)

1986

Réalisé par: Robert Mandel

Avec: Bryan Brown, Brian Dennehy, Cliff DeYoung

Film fourni par L’Atelier D’Images

Vouée à devenir une license notable des années 1980 et 1990, F/X nait d’une ambition relativement modeste. Bien avant sa suite et sa déclinaison en série qui resteront d’humbles projets, le premier opus, F/X, effet de choc, n’a rien d’une production à gros budget. Bien au contraire, les studios Orion cherchent avant tout à proposer un divertissement efficace, propice à attirer un large public, mais à bas prix. Néanmoins, au moment de choisir un réalisateur, les décisionnaires ne se tournent pas vers un spécialiste des effets spéciaux, malgré un scénario qui y fait la part belle. Robert Mandel est même un illustre inconnu de l’industrie du cinéma à l’époque, ne pouvant se vanter que de deux maigres premiers essais, loin d’avoir marqué les esprits. C’est pourtant à son œuvre Independence Day (aucun lien avec le film de Roland Emmerich), une chronique intime des banlieues typiques américaines sortie trois ans plus tôt, qu’il doit sa nomination à la tête du projet. Conscient que le metteur en scène choisi sera quoi qu’il arrive entouré de talents indéniables à toutes les étapes de la conception de F/X, effet de choc, Orion fait le choix d’un réalisateur spécialiste du drame, mais novice dans le monde du cinéma à grand spectacle. Le but assumé est d’offrir de la consistance au film, un double niveau de lecture à même de contenter tous les spectateurs. Une décision salutaire: pour la première fois, avant ses réalisations télévisées futures, telles que Lost ou X-Files, Robert Mandel goûte aux joies d’un septième art décomplexé. Son leg est aujourd’hui salué: si l’homme n’a pas collaboré aux suites de F/X, effet de choc, il en reconnaît une forme de paternité dont il reste très fier.

F/X, effet de choc ne manque à l’évidence pas de trucages, son histoire y est même intimement liée. Bryan Brown incarne Rollie Tyler, un technicien du cinéma, prodige des effets spéciaux, à l’époque totalement pratiques, virtuose des explosions, fausses effusions de sang, et autres créatures de latex. Sa renomée est telle que le gouvernement américain fait appel à lui pour mettre en scène un faux assassinat, afin de faire croire à la mort du témoin clé d’un futur procès hautement important. Cependant, une fois le meurtre factice effectué, le pouvoir politique trahi Rollie et l’accuse du crime dont ils entretiennent l’illusion. Pour prouver son innocence, le truquiste utilise son savoir pour piéger ses accusateurs.

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De toute évidence, F/X, effet de choc témoigne d’un amour profond pour le septième art et pour les petites mains qui le font vivre. Son avalanche d’explosions, mais aussi de trucages subtils alimentent un esprit léger et digeste, tout en émerveillant le spectateur. La sensation de plaisir brut devant la magie du cinéma est la composante première du long métrage, qui fait parfois office de vitrine magnifique d’un savoir-faire de l’époque, délicieux à redécouvrir. La présence sur le plateau de John Stears, spécialiste légendaire des effets spéciaux, déjà présent sur les tournages de Star Wars et de plusieurs James Bond, est la garantie d’un travail finement accompli et étourdissant, à l’apogée de l’ère du bricolage cinématographique. Mais plus qu’une simple association de talent, F/X, effet de choc amuse le spectateur par une mise en abîme constante du septième art. Le long métrage permet de percer les secrets du cinéma, comme l’un de ses artisans. Le ton humoristique récurent et les citations de films qui parsèment l’œuvre nous rappellent constamment que F/X, effet de choc est un hommage au cinéma.

Il n’est cependant pas dépourvu de scénario, et à l’émerveillement des trucages succède la tension de l’intrigue. Cependant, F/X, effet de choc passe par une longue phase d’introduction dans laquelle toute les effusions de sang sont ouvertement fausses, comme l’affirment les protagonistes. Un pacte se noue avec le public: puisque le film a établi que le cinéma n’est qu’une illusion, la suite de son déroulé peut se permettre toutes les excentricités. La scène de l’assassinat du témoin clé est un pivot du récit: avant elle, tout n’est qu’effet spéciaux, après elle, le sang est censé être réel. Toutefois, le spectateur est conscient de n’assister qu’à un spectacle, et les gerbes exagérées d’hémoglobine, qui auraient pu sembler violentes dans d’autres circonstances, sont ici accueillies avec une forme de satisfaction savoureusement perverse.

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S’il est le premier instigateur de cette débauche d’action et de violence, Rollie en est aussi la première victime. Au moment de l’élaboration de F/X, effet de choc, les scénaristes et Robert Mandel sont dans une impasse: qu’est ce qui peut bien motiver cet homme épanoui à prendre le risque de se mêler à un complot ? La réponse est dans la simplicité, et propre à une dure loi de la nature humaine. Rollie n’a que peu d’intérêt dans cette affaire, mais la volonté de prouver qu’il est le meilleur dans son domaine le pousse à la faute. Le protagoniste est un Icare qui se brûle les ailes devant son ambition dévorante. F/X, effet de choc le rappelle durement à la réalité: durant sa fuite, Rollie doit ainsi se déguiser en clochard pour passer inaperçu, comme s’il avait dégringolé la pyramide sociale jusqu’à en être rejeté à la base. Le meurtre de sa petite amie, une actrice qui symbolise l’extase du cinéma, lui retire également tout son glorieux passé. En éliminant ce personnage, F/X, effet de choc signifie à son héros qu’il n’est plus de ce monde.

En opposition à Rollie, la représentation des pouvoirs politiques, et plus spécialement du département de la justice, est profondément désabusée. F/X, effet de choc antagonise chacun des membres de l’administration, les frappant des sceaux de la sournoiserie et de la corruption. Alors que le héros du film est un chien fou, profondément indépendant, sa Nemesis est fermement tenue en laisse par ses supérieurs. Le badge, élément récurrent du film, n’est jamais garant de vertu, il semble même pousser les hommes grisés vers l’irréparable. Par ailleurs, un ensemble de similarités se tisse entre Rollie et l’administration: le technicien du cinéma truque la réalité, le département de la justice fait de même en octroyant de fausses identités à divers personnages, dans un jeu de masque permanent. Le recours à un spécialiste des effets spéciaux apparaît alors logique, comme le prolongement naturel de leur duplicité. Robert Mandel accentue la vision fataliste des pouvoirs politiques en les mettant régulièrement en scène sous une pluie battante, qui salit un New York désenchanté.

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F/X, effet de choc impose tout de même un personnage en parangon de justice, un policier droit moralement, Leo McCarthy, incarné par Brian Dennehy. Néanmoins, le film le confronte toujours ouvertement à sa hiérarchie. Bien qu’il soit efficace, méthodique, et que ses résultats soient brillants, McCarthy est constamment rappelé à l’ordre par ses supérieurs. Pourtant, lui seul semble voir au-delà des apparences qu’impose le récit. Jamais il ne tombe dans les pièges de Rollie, tout comme il n’accorde aucune confiance au département de la justice. McCarthy ne s’attache qu’aux faits concrets, comme en témoigne sa relation presque fusionnelle avec une jeune policière affectée au service informatique, seule source de vérité. À l’instar du public, il discerne le vrai du faux dans ce jeu de dupe permanent. Son acte final, au terme de l’épopée, en témoigne: McCarthy rend son badge et rejoint Rollie. Tous deux ont été des martyrs d’un système, tous deux s’en émancipent avec panache.

F/X, effet de choc est un témoignage vibrant de l’art des effets pratiques. Au fil d’une histoire simple mais efficace, Robert Mandel dresse une véritable lettre d’amour au cinéma de divertissement des années 1980.

F/X, effet de choc est disponible chez L’Atelier D’Images, dans une édition comprenant le film et sa suite, avec en bonus:

  • un livret de photos
  • Entretiens avec Bryan Brown
  • Entretien avec le journaliste et réalisateur Alexandre Poncet 
  • Entretien avec le réalisateur Robert Mandel

Nicolas Marquis

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