Sans aucun remords

(Without Remorse)

2021

Réalisé par: Stefano Sollima

Avec: Michael B. JordanJodie Turner-SmithJamie Bell

Alors que la réouverture des salles de cinéma se profile enfin à l’horizon, les géants de la VOD dégainent leurs dernières cartouches. Après avoir joui d’une forme de monopole sur les sorties pendant de longs mois, force est de constater qu’internet aura été un vecteur de nouveauté essentiel pour les cinévores tels que nous. C’est presque ironique de se remémorer les années de débats idiots et de questionnement creux pour savoir si “tel mode diffusion est du cinéma ou pas” alors que la crise sanitaire aura bouleversé le paysage. On sera bien sûr au rendez-vous le 19 mai pour soutenir les exploitants et les créateurs mais on se rappellera aussi à quel point Netflix et compagnie auront fait de leur mieux pour satisfaire notre boulimie de longs métrages.

C’est dans ce contexte particulier que débarque “Sans aucun remords” de Stefano Sollima sur Amazon Prime Vidéo, adaptation libre d’un roman de Tom Clancy. C’est naturellement donc que le film nous plonge dans un labyrinthe de complots et de mensonges politiques qui ont fait la renommée du regretté auteur, dans ce qui s’affirme pourtant comme un pur film d’action dopé à la testostérone et aux gros biceps. On y suit John Kelly (Michael B. Jordan), un ancien soldat qui va tenter de comprendre les raisons pour lesquelles sa famille a été froidement massacrée et chercher vengeance alors que les ficelles du destin semblent être tirées en hauts lieux.

Un problème majeur et permanent du film va immédiatement sauter aux yeux dans le premier tiers: son manque total de subtilité et de retenue. Alors que cette portion du film est la plus calme, ce sont les failles d’un scénario un peu ridicule qui choquent. En proposant par exemple l’épouse de John Kelly enceinte au moment de son assassinat, l’œuvre de Stefano Sollima vire à la prise d’otage émotionnelle grossière: cet artifice n’est là que pour gagner basiquement l’adhésion du spectateur, preuve d’un script peu sûr de sa qualité.

« Bon, beau gosse quand même. »

Dis comme ça, on pourrait croire qu’on se focalise sur un détail mineur, mais des idioties du genre vont venir consteller le film, révélant le talent bien peu convaincant de Stefano Sollima pour la mise en scène. Exemple: les malfrats coupent le courant de la maison de John avant d’y pénétrer et l’ordinateur portable du héros s’éteint également, au diable les batteries. Autre exemple: le premier réflexe du personnage principal n’est pas de vérifier les fusibles mais de dégainer une arme à feu. Allez encore un: en passant devant un échiquier, John déplace une pièce pour qu’on comprenne bien, idiots que nous sommes, que le héros n’est pas qu’une montagne de muscles. Une fois de plus, ne croyez pas que vos Réfracteurs pinaillent tant ces petits accrocs sont omniprésents. Voyez les choses en face plutôt: “Sans aucun remords” nous prend pour des cons, ouvertement.

Ce n’est pas la performance sans aucune subtilité de Michael B. Jordan qui va venir nuancer un film aux gros sabots. On connaît le potentiel de la nouvelle coqueluche d’Hollywood et on est donc fatalement obligé de blâmer la direction d’acteurs approximative. John Kelly semble toujours osciller entre la rage et la tristesse, passant parfois d’un extrême à l’autre en une simple réplique, sans jamais trouver d’équilibre. Une proposition qui révèle un autre défaut majeur de “Sans aucun remords”: ses personnages bancals. Aucun des rôles secondaires ne semble cohérent, leurs progressions sont franchement chaotiques et c’est toute la dimension humaine qui s’effondre.

C’est clairement pire en ce qui concerne l’intrigue politique du film qui nous sert un complot complètement débile. Sans être des fans de l’auteur, on s’attend tout de même au minimum syndical sur cet aspect lorsqu’on estampille son film du nom de Tom Clancy. Un pari loin d’être réussi tant les hauts dirigeants du film apparaissent plutôt comme des enfants capricieux que comme des manipulateurs. Là encore, le peu de considération pour le public choque tant “Sans aucun remords” ne cherche pas la nuance.

Alors fatalement, on pourrait se dire que Les Réfracteurs tentent de juger un film d’action musclé sur des critères autres que ses séquences de combat. Soit, parlons-en donc de cette face du long métrage. La proposition de Stefano Sollima apparaît complètement foutraque, à des kilomètres des cadors du genre. Son montage épileptique et son choix de couleurs très sombres gênent totalement la lisibilité des affrontements. Un bordel monstre duquel on ne sauve finalement qu’une ou deux scènes intéressantes, comme celle de l’avion, mais qui sont bien trop peu nombreuses pour qu’on prenne l’œuvre au sérieux.

Dans le fond et dans la forme, “Sans aucun remords” s’impose comme un film indigeste aux relents de bêtise.

Nicolas Marquis

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