Le pigeon

(I soliti ignoti)

1958

réalisé par: Mario Monicelli

avec: Vittorio GassmanMarcello MastroianniRenato Salvatori

Aujourd’hui, un peu de légèreté. Si vous nous suivez régulièrement, vous aurez sans doute constaté que Les Réfracteurs sont adeptes de films complexes et retors, toujours propices à des réflexions poussées: inutile de se le cacher, on adore se creuser les méninges devant une bonne péloche. Pourtant, comme vous sûrement, on aime aussi se détendre et se laisser habiter par des comédies plus douces qui proposent un bon moment de détente. Cet état d’esprit, c’est celui qu’il convient d’adopter en abordant “Le pigeon”, une œuvre italienne remplie d’humour, petite pépite du passé (1958) qui n’a rien perdu de son ton savoureux.

En guise de scénario, l’histoire rocambolesque d’une bande de cambrioleurs un peu pathétique qui prépare pourtant un gros coup: en s’introduisant dans le logement voisin d’un mont-de-piété, il vont tenter d’accéder au coffre-fort de l’institution en perçant le mur commun aux deux appartements. Mais l’élaboration de leur plan est semé d’embûches et de rebondissements rigolards, entre querelles de voyou, petites arnaques en tout genre et flirts saugrenus.

Dans “Le pigeon”, le rire est avant tout initié par le verbe. On plonge de plain-pied dans l’école italienne de la comédie et sa façon de déclamer les dialogues qui se traduit par des mouvements amples de tout le corps. On s’agite, on fait les cents pas, on remue les mains: le film accentue le génie de ses dialogues par une direction d’acteurs savoureuse. Niveau comédiens, on est d’ailleurs bien servi dans ce long-métrage généreux: Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni ou plus discrètement Claudia Cardinale sont les têtes d’affiches d’un casting plein de classe.

Mais tout ne se passe pas qu’à travers les échanges verbaux entre protagonistes. “Le pigeon” propose aussi un amoncellement de situations loufoques et cocasses qu’on ne révélera pas mais qui font invariablement sourire. On baigne dans une espèce de surenchère perpétuelle, d’emmerdements de plus en plus gros qui finissent par devenir un peu potaches sans paraître lourdingues. Le long-métrage incite à un rire sincère et un poil enfantin sans tirer les spectateurs vers le bas.

« Niveau duo d’acteurs on est pas mal là! »

Mais c’est peut-être avant tout cet assemblement de personnages tous différents mais unis par une même cause qui prête le plus à rire. Un vieillard un peu sénile, un beau gosse séducteur, un père de famille débordé… Chacun teinte tour à tour les scènes d’une couleur différente mais sans jamais dépareiller. La volonté de fluidité et de rapidité du réalisateur Mario Monicelli aide sans conteste à faire admettre au spectateur cette bande composée de personnalités parfois opposées (un classique du film de braquage).

Mais aussi différents soient ces personnages, ils sont unis par un trait commun: ce sont tous des petits combinards, des gens pauvres du bas de l’échelle sociale italienne. Ce qui les rassemble, c’est justement cette vie de précarité pesante et leur volonté de s’en affranchir le plus rapidement possible. Le système D et la débrouille sont partout dans le film pour un gang de voyous qui n’a même pas de quoi s’offrir les outils nécessaires à leur forfait et doivent “louer” le matériel.

Planant au-dessus du récit, il y a aussi le couperet de la prison, étonnamment omniprésent dans le film. Soit les personnages y sont déjà passés, soit leurs concubines y sont, soit ils la voient se dessiner dans leur avenir comme un passage inévitable. Une étape incontournable dans le plan de carrière de ces hors-la-loi un brin loufoques, loin du faste des gangsters américains.

Mais soyons tout à fait honnête, ces petites notions politiques sont très discrètes dans “Le pigeon” qui fait le choix de rester une comédie légère. Une œuvre bien pensée, habilement construite, qui préfère s’attarder sur ce qu’elle fait de mieux: inviter aux sourires. Alors merde, laissons-nous aller pour une fois et rangeons notre marmelade de matière grise habituelle au tiroir: il est bon de rire parfois et on ne va pas bouder notre plaisir.

Le pigeon” rassemble autour de lui un tas d’arguments qui font de lui un petit joyau à découvrir: des acteurs emblématiques, des dialogues savoureux et des séquences amusantes. Une parenthèse d’humour qui peut facilement ensoleiller votre journée.

Nicolas Marquis

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