(Night of the Living Dead)
1968
réalisé par: George A. Romero
avec: Duane Jones, Judith O’Dea, Karl Hardman
Le 16 juillet 2017 nous quittait George Romero, une figure emblématique du cinéma d’horreur. Son nom vous est peut-être inconnu et pourtant, vous côtoyez son héritage très fréquemment sans le savoir. C’est tout simplement lui qui a codifié en long métrage les célèbres zombies, en étant l’un des (si ce n’est « le ») premiers à les mettre en scène sur grand écran avec “La nuit des morts-vivants”. Dans cette semaine spéciale Halloween, alors qu’on égrène quelques uns de nos films d’horreurs fétiches, on ne pouvait faire l’impasse sur ce film qui est la base de tant de déclinaisons encore aujourd’hui.
Son postulat de départ est le même que celui encore utilisé la plupart du temps dans les différents médias: les morts reviennent à la vie et les hommes sont submergés par cette vague de créatures terrifiantes. Dans une maison isolée vont se retrouver différents protagonistes qui auraient besoin d’entraide pour s’en sortir, mais où la discorde va les condamner progressivement à la mort.
C’est donc une structure en huis-clos que nous propose Romero avec son film. L’action est presque entièrement circoncise à cette demeure perdue dans les bois. Pourtant, le cinéaste va mettre énormément de rebond dans son film et ce lieu va se transformer au fil de l’aventure. Déjà parce que les zombies qui tentent de pénétrer à l’intérieur sont de plus en plus nombreux, accentuant le danger, mais aussi parce que cette maison ne révèle pas tous ses secrets immédiatement. Une pompe à essence et un véhicule qui sont synonymes d’espoir, une cave qui abrite d’autres personnages… L’action n’est pas figée, elle évolue.
Dans ce lieu va se jouer un drame humain qui dépasse le simple cadre du cinéma de genre. Romero dissèque les comportements les plus détestables des hommes pour les exacerber avec pertinence, la notion de danger aidant. Le repli sur soi, l’égoïsme ou encore la volonté de se barricader seul sont autant de pics lancés au spectateur et qui invite à une réflexion sur sa propre conduite. Et ouais, le cinéma d’horreur n’est pas toujours synonyme de divertissement idiot, mais il peut porter des messages plus profonds.
« Calin! »
Autre exemple, et c’est franchement culotté pour un film de 1968: “La nuit des morts-vivants” va très nettement bifurquer vers une critique du racisme et du ségrégationnisme américain. Celui qu’on pourrait considérer comme le personnage principal, Ben (Duan Jones), un homme noir, va constament être pris dans une lutte de pouvoir avec le détestable Harry (Karl Hardman), un quarantenaire blanc aux idées très arrêtées. Alors que Ben cherche des solutions, Harry lui ne pense qu’à sa sécurité personnelle, et sans forcer, Romero nous emmène sur des thématiques profondes. Cette volonté de cinéma politique habitera également presque toutes les nombreuses suites que le cinéaste tournera.
Pour être totalement honnête, Romero n’est pas l’inventeur du zombie. On trouve des origines assez claires (rien que dans le nom) dans le folklore haïtien, et d’autres formes d’art s’en sont emparés avant: la créature de Frankenstein est par exemple très proche de ce concept. Mais le cinéaste va totalement codifier ces figures de l’horreur pour offrir une grammaire encore utilisée aujourd’hui: la contagion, le cannibalisme, le besoin de détruire le cerveau pour tuer ces monstruosités… Tout ça, Romero va l’exposer dans un film relativement court (1h30 environ) avec un certain ludisme.
Techniquement, le cinéaste va également affirmer un certain style encore d’actualité. On pense au maquillage ambitieux pour l’époque, surtout pour un film à si petit budget, mais aussi à sa notion de la caméra. Régulièrement au sol, elle donne de la stature autant aux personnages encore humains qu’aux zombies. C’est une grammaire très claire mais qui permet d’appuyer par exemple l’effet de foule, à l’instar des innombrables mains qui surgissent des fenêtres et qui tentent d’attraper les survivants.
Enfin, on appuie également sur la lumière parfaitement maîtrisée que nous offre Romero. La clarté de la maison, ultime refuge, s’oppose aux ténèbres de la nuit dans laquelle errent les morts-vivants. Là aussi, c’est du cinéma relativement simple mais exécuté avec une maîtrise totale, épatante pour un si jeune cinéaste.
“La nuit des morts-vivants” est plus qu’un simple classique, c’est une œuvre fondatrice d’un genre encore très apprécié aujourd’hui. Un long-métrage affirmant le talent d’un réalisateur qui consacrera une grande partie de sa vie à approfondir le concept du zombie.
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