Inunaki – Le village oublié

(Inunaki)

2020

réalisé par: Takashi Shimizu

avec: Ayaka MiyoshiRyôta BandôTsuyoshi Furukawa

Dans un genre souvent très codifié, celui de l’horreur, l’école japonaise a su insuffler au fil des années une patte bien à elle. Impossible pour les enfants des années 80 que nous sommes d’oublier la claque que fut par exemple “Ring” en 1998. Un cinéma d’épouvante qui s’appuie généralement plus sur son ambiance que sur de la violence étalée à l’écran et qui donne un coup de frais à ce style particulier. Parmi les cinéastes qui se sont fait un nom dans cet esprit, celui de Takashi Shimizu n’est pas le moins connu: la saga “The Grudge” a elle aussi laissé une marque indélébile chez les spectateurs friands de long-métrages propices à la trouille. Ce cinéaste revient aujourd’hui sur le devant de la scène avec “Inunaki – Le village oublié” et on passe au crible pour vous son nouveau film.

Inunaki est un mythe urbain bel et bien réel au Pays du Soleil levant, celui d’un village à la localisation inconnue voire changeante, abandonné depuis des dizaines d’années et que ceux qui l’ont atteint disent hanté. En s’appuyant sur cette légende, Shimizu va tisser le portrait d’une famille dont le destin va être lié à cette horrifiante ville fantôme: Morita (Ryota Bando), le fils aîné va s’aventurer dans Inunaki plusieurs fois jusqu’à s’en retrouver prisonnier. Pour le secourir, sa soeur Kanade (Ayaka Miyoshi) va enquêter sur ce lieu terrifiant, aidée par ses curieux dons de médium qui la terrorisent.

Comme on le mettait en avant dans notre introduction, Shimizu va principalement s’appuyer sur une horreur d’ambiance où l’angoisse vient bien plus souvent du contexte que des visuels. Il réussit à s’inscrire dans la continuité du cinéma d’horreur japonais grâce à cette pratique qui est l’un des points forts du film. Un tunnel glauque, un village en ruines, de curieuses apparitions… Le cinéaste avance un panel complet de petites choses qui forment un grand tout terrifiant.

Malheureusement, le cinéaste ne s’y tient pas, et va ponctuer le film de jumpscares franchement inutiles. On a un peu du mal à comprendre pourquoi Shimizu ne s’en est pas tenu à ce qu’il faisait de mieux pour infliger des soubresauts le plus souvent téléphonés. Il trahit presque l’esprit de son film en tentant d’appuyer trop fort sur des ressorts éculés.

« Grosse ambiance. »

Mais le plus problématique va venir du visuel en lui-même. Dans les scènes les plus démonstratives, celles où le gore règne, on ressent fortement les limites du budget qui a dû lui être alloué et le film vire complètement au grotesque. Il existe une méthode simple pour juger de l’efficacité d’un film d’horreur: du moment qu’on est immergé, tout va bien, mais lorsqu’on commence à ricaner, c’est que ça sent le sapin. Ici, la faute à des effets spéciaux peu aboutis, on bascule dans la deuxième catégorie.

On enlèvera pas à “Inunaki” son potentiel pour se jouer de mythes bien réels au Japon. On plonge dans une culture différente grâce à l’approche de Shimizu et le voyage est total. Un film globalement raté? À coup sûr, mais il n’en reste pas moins un parfum asiatique bien spécifique qui séduit toujours autant en terme d’horreur.

Le problème, c’est qu’au delà de ce périple à l’autre bout du monde, rien ne marque dans le film et dans un long-métrage d’épouvante, c’est presque éliminatoire. Avec une mise en scène parfois chaotique, on est obligé de constater qu’à la fin de la séance, l’oeuvre n’a laissé aucune empreinte, pas même une vague pétoche au moment de se coucher le soir. « Inunaki » ne fait presque pas peur, tout simplement.

Les procédés horrifiques d’“Inunaki” sont en fait datés et appuient sur un dilemme plus large du cinéma. En tentant de convoquer ses illustres ancêtres, le long-métrage devient un peu vieillot. On a beau être nostalgique de ses films des années 90/2000, Shimizu nous livre en fait ici un film qui copie trop jusqu’à en être ringard. Pour satisfaire l’envie de revenir à des codes plus anciens, il faut également adapter une oeuvre aux aspirations de notre époque et pas seulement singer ce qui se faisait avant. Un cocktail complexe que “Inunaki” ne maîtrise pas.

Dans le même esprit, le film ne va rien inventer même au sein de sa propre mythologie. Les enjeux sont rapidement posés et Shimizu se contente de rabâcher son propos jusqu’à l’overdose. Même son thème musical subit cette espèce de grammaire bancale et est rejoué jusqu’à la nausée. L’impression d’un long-métrage qui tourne en rond transpire d’“Inunaki”.

Conséquence directe, le deuxième niveau de lecture de l’œuvre passe à la trappe. On sent bien que Shimizu tente de nous aiguiller vers une réflexion sur la filiation mais il n’atteint jamais son but. La preuve ultime, c’est l’aspect chorale du film où chaque personnage a un rôle précis à jouer et qui est sacrifié sur l’autel de l’épouvante. Les parents de la famille au centre de l’intrigue par exemple amorcent une histoire secondaire avant que Shimizu les oublie totalement dans la seconde partie de l’histoire.

Inunaki – le village oublié” est un ratage. Un film qui s’emmêle les pinceaux et accuse le coup à grand renfort d’effets visuels peu convaincants. Sa narration apparaît aussi ratée et laisse pantois. À oublier (sic)

Nicolas Marquis

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