Love and Monsters

2020

réalisé par: Michael Matthews

avec: Dylan O’BrienJessica HenwickMichael Rooker

Alors que les Réfracteurs prônent l’universalité du cinéma, il semble toutefois indéniable que certains films visent des classes d’âge bien particulières. Si la majorité du public réussit à s’adapter à des propositions empreintes d’une certaine maturité, il est plus délicat pour les plus vieux de se replacer dans le contexte de l’adolescence pour apprécier ce qu’il convient d’appeler un “Coming of Age Movie”. À la décharge de ces spectateurs hors de la cible des producteurs, les longs métrages qui théorisent autour des tourments de la jeunesse font rarement preuve d’une qualité profonde et se réfugient dans des facilités scénaristiques qui ont de quoi agacer. C’est donc en grands enfants un peu râleurs qu’on se pose aujourd’hui sur “Love and Monsters” de Michael Matthews, un parfait exemple de ce syndrome de la pellicule pour ado bâclée.

Avant tout, le point sur le pitch: alors que l’humanité a été ravagée par des insectes mutants devenus géants, les derniers hommes survivent dans des bunkers souterrains, coupés du monde. Parmi eux, Joel (Dylan O’Brien), un jeune garçon, mène une existence solitaire qui le pousse à braver les dangers de la surface pour rejoindre sa petite amie Aimee (Jessica Henwick), résidente d’un autre abri, avec qui il reste en contact radio bien qu’il ne l’ait pas vu depuis 7 ans. S’engage alors un dangereux périple qui va forger le caractère de Joel.

Love and Monsters” prend donc la forme d’un Road Movie au long cours dans lequel Michael Matthews va tenter de capter les angoisses et aspirations de la jeunesse de notre époque pour les digérer et les retranscrire sur la pellicule. On voit dans le voyage de Joel une métaphore loin d’être subtile sur l’indépendance et la transition entre le cocon familial et la vie adulte. Un cadre mille fois vu au cinéma et qui ne prend pas de couleur particulière dans une oeuvre qui enchaîne les mauvaises préparations à coups de gros sabots dans la tronche.

En passant par le périple comme fil conducteur et les rencontres faites sur la route pour dérouler des axes de réflexion loin d’être originaux, “Love and Monsters” s’enferme dans un schéma narratif complètement éculé, usé jusqu’à la moelle. Si une bonne recette se revisite parfois avec délice, on est plus proche ici du réchauffage au micro-ondes que de la haute gastronomie.

C’est peut-être, et c’est étonnant venant d’un cinéaste encore relativement jeune, cette vision déconnectée de la réalité que nous livre le long métrage qui est la plus consternante. Matthews semble loin des préoccupations de ses contemporains, jamais en phase avec le public qu’il croit avoir cerné. Pire encore, certaines problématiques que le film énonce ne trouvent pas de réponse claire ou tout du moins un peu fouillée. Non, “Love and Monsters” choisit de ne pas choisir par pure fainéantise.

« Alors ça c’est juste un chien par contre. »

Dans son identité propre, le film n’est pas exempt de tout reproche non plus, avec en tête des soucis un sens de l’émotion proche du néant. “Love and Monsters” aimerait être drôle, croit y parvenir mais frappe toujours à côté du but. Chaque élan humoristique tombe à plat et afflige complètement, le tout appuyé par des silences suivants les blagues de Joel, supposés laisser une respiration pour le rire mais qui ne sont finalement qu’un espace de malaise. En conséquence directe, la partie plus dramatique du récit ne laisse pas d’empreinte chez le public, on se désintéresse du triste sort de notre héros car ce qui est censé cimenter sa personnalité ne fonctionne tout simplement pas.

Mais à dire vrai, là où on va pester le plus, c’est dans la proximité troublante qui unit “Love and Monsters” et “Zombieland”. Héros comparables, processus narratif similaire, aspect de la bande que fédère Joel et fond d’apocalypse: il y a vraiment de quoi sourciller lorsqu’on voit Michael Matthews s’échiner à émuler ce que son ancêtre faisait déjà assez bien. La sensation de cool et de fraîcheur n’est donc plus au rendez-vous dans ce qui paraît n’être qu’une pâle copie.

Sans porter Jesse Eisenberg spécialement haut dans notre estime, les héros des deux films se comparent naturellement. Force est de constater que Dylan O’Brien est loin d’avoir les épaules pour un tel rôle qui le force à puiser dans des registres qu’il ne maîtrise pas. On ne va pas charger un si jeune acteur mais après son rôle dans “Le labyrinthe” (qu’on surnomme entre nous “Le labyrinthe de l’angoisse du navet”), on conseille à Dylan O’Brien de compter sur le travail plutôt que sur le talent inné qui lui fait défaut, une fois de plus.

Concernant Michael Matthews, on réservera notre opinion pour une raison simple: on ne sait pas ce que vaut le cinéaste tant “Love and Monsters” semble décidé à ne rien proposer. Pas de style dans les prises de vue, un montage déjà-vu et le luxe de se permettre quelques décors ratés: on se demande dans quelle mesure le réalisateur était vraiment intéressé par le travail qui lui était confié.

Alors que reste-t-il à “Love and Monsters” au-delà d’une grammaire incroyablement peu originale mais qui fonctionne très vaguement? Probablement un bestiaire assez sympa qui offre quelques monstres au design amusant. Si les effets spéciaux du film ne sont pas incroyables, le travail de conception autour des horreurs de la surface peut séduire, convoquant un feeling légèrement à l’ancienne qu’on apprécie.

À ne pas vouloir se mouiller, “Love and Monsters” en devient banal. Un film facile, plein de clichés et dépourvu d’idées.

Nicolas Marquis

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