Le Diable, tout le temps

(The Devil All the Time)

2020

réalisé par: Antonio Campos

avec: Robert PattinsonTom HollandBill Skarsgård

Si on admet l’existence d’un dieu bienfaisant, on doit également assimiler sa contrepartie: le Diable. Les voies du seigneur sont impénétrables affirme la Bible, mais celles de Lucifer n’en seraient-elles pas moins insondables? À chaque miracle, on peut juxtaposer un désastre d’ordre divin. Cette notion de mal absolu va être au centre de “Le Diable, tout le temps” qui convoque autour de lui une galerie de personnages déviants et autres maudits.

C’est l’histoire de la trajectoire d’Arvin (Tom Holland), un jeune homme américain, et de toute une ribambelle de rôles secondaires tous plus tordus les uns que les autres qui vont influencer le destin de ce protagoniste principal dans des manières diverses mais avec toujours un point commun: la malveillance. En cherchant simplement à protéger son foyer, Arvin se condamne à un destin sinistre, bien malgré lui.

En guise de toile de fond, l’Amérique des années 60 (et brièvement celle de l’après Seconde Guerre mondiale), tourmentée par le conflit vietnamien et en pleine décadence: un pays où fuient progressivement les valeurs. Visuellement, pour aller au plus évident, le film s’appuie sur une reconstitution fidèle mais un peu trop marquée. Les décors ne sont pas toujours bienheureux et le parfum de studio règne. On ne saurait vraiment dire si le cinéaste Antonio Campos s’est fourvoyé ou si ce procédé est volontaire, toujours est-il que ce côté factice constitue selon nous un des points faibles de l’oeuvre.

Plus intéressant est son casting qui réunit notamment Tom Holland, torturé par les événements qui émaillent sa vie, et Robert Pattinson en prêcheur démoniaque. Le choix d’allier deux acteurs qui ont connu le succès très jeune n’est pas anodin. En les imposant en figures affreusement violentes, volontaire ou non, Antonio Campos appuie subtilement sur le message de son film: la décrépitude des valeurs américaines factices.

Car cette volonté d’aller vers un récit rempli de symbolique est totale. La mort et la violence qui sont partout, évidemment, mais aussi plus subtilement des éléments emblématiques de l’Amérique chahutés. Une croix sur laquelle est crucifié un G.I. américain, un revolver en guise d’héritage, la fausse bienveillance d’un conducteur qui prend un autostoppeur pour le torturer… Le réalisateur ne fait pas dans la dentelle dans un pays dépeint en pleine putréfaction.

« Un menu Best-Of Big Mac, s’il vous plait. »

La caméra de Campos se fait témoin de cet état de fait désastreux avec une certaine maîtrise. Essentiellement composé de prises de vues droites et posées où le cadre se resserre parfois sur certains personnages, le réalisateur va aussi régulièrement gifler son film de séquences caméra à l’épaule qui apportent un côté très brut à l’oeuvre. Un sentiment conforté par un montage qui dicte un rythme savamment orchestré au film.

« Le Diable, tout le temps » s’appuie sur ce procédé pour dérouler un récit très sec et sans concession, presque Pulp par instant. S’aventurer dans ce long-métrage c’est se faire mal, être bousculé, parfois choqué voire dégoûté. Il existe dans le film une forme de justice divine qui serait orchestrée par un démon malfaisant et qui marque sans conteste l’esprit du spectateur.

Mais cette violence crue n’est pas gratuite pour autant et Campos remet en cause une société qu’on voudrait nous faire passer pour modèle. L’exemple le plus concret, c’est la critique de la religion, omniprésente dans cette histoire et qui sert de véritable pierre angulaire au scénario. Des personnages à la ferveur déviante, qui interprètent la Bible selon leur bon vouloir et qui choquent perpétuellement le spectateur.

Un scénario terriblement logique dans son approche de l’horreur, glaçant de cohérence et qui souligne toute une réflexion autour de la décadence des USA. La police, l’armée, la famille etc… en ressortent bafoués, marqués au fer rouge par la malveillance et la jalousie des hommes entre eux. Un pays pris dans une chute infinie avec aucun espoir de s’extirper de son malheur.

Le Diable, tout le temps” est un film brut et rugueux où le spectateur est malmené pendant plus de deux heures avec une volonté de proposer un récit très symbolique. Quelques erreurs mineures, certes, mais un message clair.

Nicolas Marquis

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