2020
de: Dave Wilson
avec: Vin Diesel, Eiza González, Guy Pearce
Comme il est parfois compliqué de défendre nos plaisirs coupables. Ces petites turpitudes que l’on a bien du mal à assumer. Parfois, c’est un écologiste endurci qui va être incapable de contenir une envie de Nutella à la bonne huile de palme. D’autres fois, c’est un agent des stups qui va céder à la tentation de fumer un petit joint. Pour nous Les Réfracteurs, qui avons souvent la prétention de défendre une forme de cinéma réfléchie et élitiste, c’est le plaisir que l’on éprouve par moments à se détendre devant un bon gros nanar. Ôde à la légèreté intellectuelle avec notre critique de “Bloodshot”.
Un film qui lui aussi a pâti de la fermeture généralisée des salles partout dans le monde. Très honnêtement, nous n’en attendions rien, et on dirait même que ça nous en “touchait une sans faire bouger l’autre” pour citer un illustre fumier. C’était aussi la promesse de voir Vin Diesel dans un autre film que ceux de la saga “Fast & Furious”: là encore, la perspective ne nous enchantait pas. Mais une fois que le film a subi le même traitement que les autres “maudits du covid-19”, c’est-à-dire une sortie en VOD avancée, on n’a pas résisté à l’envie d’appuyer sur le bouton Play, sac à vomi à la main. Et là patatra! On a passé un bon moment et on va devoir l’assumer.
Pas simple: le film est complètement con, soyons honnêtes. Déjà dans les personnages qu’il impose, clairement essorés jusqu’à la moelle par Hollywood. Vin Diesel en gentil G.I. prêt à faire régner la paix américaine sur la barbarie du reste du monde, c’est totalement inédit. Idem pour sa gentille petite femme qui l’attend à la maison en tricotant et en cuisinant des cookies. Mais tout n’est pas si rose au pays de Donald Trump, et un infâme scientifique barjot capture le bon Vin Diesel pour l’abattre. L’occasion de voir le terrible meurtrier se dandiner sur “Psycho Killer” de Talking Heads, ce qui devrait être interdit depuis que “Leto” est sorti (comprenne qui pourra).
Jusque là rien de bien fou, sauf que vlan! rebondissement de dingue! Le corps de Vin Diesel est offert à la science, et il revient à la vie grâce aux expérimentations de Guy Pearce. Mais en plus de cela, le très gentil chercheur va agrémenter le corps de notre soldat de multiples améliorations, lui conférant des sens exacerbés, une force surhumaine, un accès internet, et une sorte d’invincibilité (et probablement un port USB à la place du scrotum). Donc oui, soyons clair, c’est RoboCop, avec des nano-machines pour le doper à la place des plaques de métal. Dès lors, Vin Diesel va se lancer dans une croisade pour retrouver son meurtrier et lui foutre la tête dans les toilettes.
« Bonne nuit petit ange »
Un postulat de départ qui n’a donc rien d’original, et on ne va pas trahir les rebondissements du film, mais pour peu que vous ayez vu trois ou quatre films de SF dans les 20 dernières années, vous ne devriez pas décoller de votre fauteuil sous l’effet de la surprise. Tout est bien téléphoné avec de bons gros sabots comme on les aime, et quand ce n’est pas le scénario qui est idiot, c’est la réalisation qui appuie trop sur certains détails, annonçant des twists peu savoureux.
Mais dans ces conditions, pourquoi avons-nous passé un vague bon moment? Déjà parce que le film n’a pas la prétention de révolutionner la philosophie moderne. C’est un long-métrage complètement idiot, mais qui en a conscience: rien de pire qu’un navet qui se prend au sérieux (bonjour BHL!), et heureusement “Bloodshot” évite cette erreur.
Ensuite parce que le rythme est relativement digeste. De l’action régulière, pas trop de monologues pompeux, et une formule assez ludique: pris à la légère, le film ne fonctionne pas trop mal. Tout le concept (déjà-vu certes) de super-soldat est sympathique, d’autant plus que “Bloodshot” agrémente son histoire de personnages secondaires aux Backgrounds relativement similaires à celui de Vin Diesel, à ceci près que leurs augmentations à eux se concentrent sur un seul aspect de leur personne: une super-vision pour voir loin, des super-jambes pour courir vite, ou encore une super-respiration pour…Ok, là on n’a pas trop compris la raison, mais vous avez saisi le concept.
Et enfin, on est obligé d’accepter notre mauvais goût ponctuel parce que l’action est de temps à autre vaguement fun. Les effets spéciaux sont plutôt minables mais on trouve quelques propositions visuelles attrayantes et de très légères idées de mise en scène sympathiques. Pour un film dont on n’attendait rien, c’est déjà pas mal.
Alors on ne va pas défendre l’indéfendable, “Bloodshot” est un film complètement naze, mais c’est comme ça la vie d’un cinéphile: des fois on aime malgré tous les défauts qui s’imposent, et on s’en contente. Et c’est ça qui est chouette avec le ciné !
On le répète, “Bloodshot” est mauvais, très mauvais. Mais je soussigné Spike des Réfracteurs atteste sur l’honneur reconnaître le plaisir coupable que j’ai éprouvé en le regardant. Toute une réputation qui s’effondre.