Birdy
Birdy affiche

1984

Réalisé par : Alan Parker

Avec : Nicolas Cage, Matthew Modine, John Harkins

Film fourni par Wild Side

Birdy s’inscrit dans la liste longue comme le bras de films qui abordent les conséquences de la guerre du Vietnam sur une génération de jeunes gens envoyés au casse-pipe et revenus sous les huées ou l’indifférence de leur concitoyens. Sans être le plus mémorable ou le plus percutant, le film d’Alan Parker demeure une jolie pièce de son œuvre. L’un des faits remarquables de Birdy est son casting réunissant deux jeunes acteurs, Nicolas Cage dont c’est le premier grand rôle, et Matthew Modine qui démarre une carrière dédiée au cinéma d’auteur. 

Dans le Philadelphie populaire des années 60, le jeune lycéen Al Columbato se prend d’amitié pour un étrange garçon dont la seule passion tourne autour des oiseaux. Surnommé Birdy par son nouveau camarade, celui-ci cherche à voler par tous les moyens et entraîne Al dans des situations loufoques et parfois dangereuses jusqu’à ce que la guerre emporte leurs rêves et leur insouciance. Quand Al revient défiguré du Vietnam, il est appelé au chevet de Birdy, prostré et muet dans un hôpital psychiatrique.

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Sorti en salle en 1984, Birdy adapte un roman de William Wharton dont l’action évoquait la Seconde Guerre mondiale. Les deux scénaristes Sandy Kroopf et Jack Behr ont modernisé et transposé le récit à la guerre du Vietnam. Le film est un prétexte à l’évocation de leur propre jeunesse et au cataclysme de la guerre sur leurs vies. L’amitié entre Al et Birdy semble au premier abord très improbable : le premier est frimeur, bagarreur, et s’intéresse aux filles et aux moyens de faire de l’argent. Le second est discret, secret, et son unique obsession est de devenir un oiseau.

Pourtant, les deux garçons étaient destinés à s’entendre car si la seule identité que l’on connaît de Birdy est ce surnom, le nom de famille d’Al est Columbato, patronyme évocateur. Al se laisse embarquer dans les fantaisies de Birdy avec complaisance. Tandis que son ami ignore le danger et la mort, Al a conscience des risques qu’il prend. L’ultime danger qui le guette est d’être à son tour enfermé dans un asile. 

Au cours de ses déambulations dans l’hôpital, les souvenirs surgissent. Al reconstruit leur histoire commune dans l’espoir d’extraire Birdy de son mutisme. Le film est construit en va-et-vient entre le présent de l’action à l’hôpital et les flashbacks des souvenirs, depuis la perspective d’Al puis celle de Birdy dans l’espoir que leurs deux pensées se rejoignent. Suivant cette structure binaire, le montage met en place un système de question-réponse : le film s’ouvre sur une succession de répliques qui seront entendues à nouveau au cours du récit. À la question « Birdy est-ce que tu vas bien ? », l’image répond par un plan d’un homme allongé sur un brancard, le visage entouré de bandages. Plus tard, lorsque le médecin demande à Al comment il se sent, ce dernier plaisante en se regardant dans le reflet d’une vitre « Comme l’homme invisible ». Or, dans la scène suivante, une petite fille ne peut s’empêcher de dévisager Al loin de passer inaperçu. Une autre fois encore, après une effraction nocturne dans une carrière, une voiture de police débarque tous feux allumés. Dans le plan qui succède, Birdy, accroupi dans sa cellule d’hôpital regarde la caméra en plissant les yeux comme ébloui par la lumière des phares. 

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Alan Parker se classe parmi les réalisateurs militants, les sujets qui l’attirent abordant des interrogations politiques et sociales. Dans Birdy, il filme des quartiers populaires auxquels deux jeunes hommes s’échappent à travers leurs jeux et leur imagination. Chacun s’adapte aux rêves de l’autre, Al part sur les routes au volant de sa voiture décapotable, Birdy vit une intense histoire d’amour avec Perta, un canari. Le point de vue est d’abord celui d’Al, trivial, terrestre – le sexe et l’argent occupent une grande partie de son esprit. Il glisse doucement vers celui de Birdy et embrasse l’étrangeté de ses fantasmes avec plus d’engagement que pour le personnage d’Al. La caméra colle à Birdy, de plus en plus, jusqu’à une scène d’envol où celui-ci s’incarne dans un corps d’oiseau et plane au-dessus de la ville. La caméra, Birdy et l’oiseau ne font plus qu’un, métaphore d’un accouplement impossible qui ne peut avoir lieu que par l’intermédiaire du cinéma. Cette scène est une représentation littérale d’un monologue de Birdy qui expliquait à propos de son sommeil « Perta attend, prête à m’accueillir, je me pose en elle, nous ne faisons plus qu’un ». Ce rêve érotique est suivi d’une scène de naissance d’oisillons. Le film donne une réalité aux fantasmes de Birdy.

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Ainsi, les souvenirs de jeunesse sont imprégnés de douceur, soutenue par les teintes chaudes de l’image. À l’inverse, les scènes d’hôpital plongent les personnages dans la froideur d’un bâtiment aux murs blancs ou verdâtres qui répondent à la couleur des uniformes militaires. Parker utilise le grand angle, technique qui affecte la taille des personnages dans l’image et étire le décor. Ce choix instaure une distance entre les deux amis, et donne une place démesurée au plafond, aux murs et aux grilles qui condamnent toutes les pièces et fenêtres. L’enfermement de Birdy a un effet nocif, inverse à celui que souhaitent les médecins, puisqu’au lieu de le délivrer de son aliénation, il l’incite à se comporter comme un oiseau en cage. Un plan le montre allongé en croix sur l’ombre d’une fenêtre, il est cloué au sol au sens littéral. 

Néanmoins, Parker se garde d’être trop sérieux. Le film alterne entre moments pesants, principalement l’enjeu qui porte sur la guérison de Birdy, et comédie, afin de ne pas se laisser emporter par la gravité du sujet, comme par fidélité au tempérament insouciant de son personnage homonyme. À cet égard, la réplique finale est inattendue, elle rappelle aux spectateurs que tout cela ne doit pas nous affecter puisque ce n’est que fiction. Birdy est ainsi l’une des œuvres les plus légères et lumineuses d’Alan Parker malgré une toile de fond propice au pathos.

Birdy est disponible dans un master restauré 2K Blu-ray et DVD chez Wild Side Video avec en bonus : 

  • Un entretien avec Matthew Modine
  • Un entretien avec les scénaristes Sady Kroopf et Jack Behr
  • Un entretien avec Keith Gordon sur William Wharton
  • Un entretien avec Christophe Geudin, journaliste musical
  • Un entretien avec Peter Gabriel, compositeur de la musique du film
  • Un livret illustré de photos d’archives de 40 pages écrit par François Cau, journaliste cinéma
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