2022

Réalisé par : Kristina Buozyte, Bruno Samper

Avec : Raffiella Chapman, Eddie Marsan, Richard Brake

Film fourni par Condor Films

Dans le futur, l’humanité a cherché à combattre la catastrophe écologique en modifiant génétiquement les organismes, mais cela a fait plus de mal que de bien. Les plantes sont devenues voraces et dangereuses, alors que les animaux ont disparu et les humains survivent comme ils le peuvent. Les riches vivent dans les citadelles où ils peuvent recréer en laboratoire des plantes capables de les nourrir, les pauvres eux survivent en essayant de récupérer les graines rejetées par la citadelle. Vesper fait partie de ces survivants, elle étudie les graines dans l’espoir de les débloquer et de pouvoir les faire pousser. Son rêve étant de parvenir à obtenir ainsi l’entrée à une citadelle pour s’y installer avec son père paralysé.

Vesper Chronicles s’inscrit dans la lignée d’œuvres de science-fiction parlant de biohacking, une technique de plus en plus en vogue consistant à libérer la biologie du diktat des brevets posés par de nombreuses entreprises. À l’instar du cyberpunk s’étant développé au même moment que les ordinateurs et internet se généralisaient dans les foyers, le biohacking connaît un revival alors que la science comme la politique cherchent à savoir comment survivre à la crise écologique. Vesper Chronicles est le premier film à montrer les inquiétudes de notre époque dans ce genre.

Les deux créateurs Kristina Buozyte et Bruno Samper ont cherché à créer un film de science-fiction qui parlerait des problèmes de notre société moderne, mais aussi, à créer un conte de fées. Vesper n’est plus tout à fait une enfant ni tout à fait une adulte, bien que la genrer au féminin paraît étrange tant le personnage est androgyne. En somme, c’est un personnage adolescent qui vit encore le deuil de la perte de sa mère les ayant abandonnés et qui veille sur son père, malade. Vesper doit également supporter la présence d’un oncle ayant des faux airs de gourou incestueux. Il y a en effet là tous les ingrédients du conte de fées, auxquels il convient d’ajouter l’atmosphère.

Dans des décors verdoyants enténébrés, où chaque plante peut être mortelle, où des pillards sèment la terreur, où des pèlerins masqués errent comme des âmes en peine, l’histoire qui nous est contée paraît être presque de la fantasy. Plus que de la science-fiction même s’il y a quelques piqûres de rappel que nous sommes dans le futur, comme la présence d’un drone et d’appareil volant à toute vitesse, et évidemment, les androïdes à visage humain. Mais toute création technique revêt un aspect biologique, à l’instar des androïdes disposant d’une fente à la base de leur nuque réagissant comme une plante ou un animal, ou du drone dirigé par le père de l’héroïne qui s’avère être constitué de chair biologique à l’intérieur. Tout est sans cesse un rappel vibrant de la vie qui finit par reprendre le dessus.

En fin de compte, c’est un conte à la morale très réaliste. La nature prendra toujours le dessus et survivra à l’humanité, c’est à nous de veiller à ce qu’elle ne se retourne pas contre nous. À l’instar de Vesper qui comprend la nature, n’essaie pas de la dominer, mais plutôt de l’apprivoiser comme le petit prince le faisait avec le renard.

L’autre thématique qui traverse le film est la solitude. Vesper erre seule dans ces décors désertiques, bien qu’accompagnée d’un drone qui est dirigé par son père alité, l’ado ne peut cependant compter que sur elle-même en cas de problème. Lorsque Vesper croise d’autres personnages, que ce soit les enfants effrayants de la communauté de son oncle ou les étranges pèlerins, elle semble les observer avec envie sans pour autant oser s’en approcher. Ce n’est que lorsqu’apparaît Camellia, rescapée d’un cash, que ce besoin de compagnie se fait de plus en plus prégnant et que Vesper ne peut plus l’ignorer. Au final, il s’avère qu’en dépit des motivations égoïstes de Camellia comme Vesper, toutes les deux aspirent à ce même besoin de ne pas être seules. On peut voir en Camellia une figure maternelle pour Vesper, ce qui explique bien sûr la fin du film.

Pour donner vie à ce conte, les deux réalisateurs se sont entourés de comédiens méconnus du grand public à l’exception de Eddie Marsan qui incarne Jonas, l’oncle peu sympathique, qu’on a pu voir dans beaucoup de séries et films anglais, mais aussi dans Gang of New York, et de Richard Brake, plus habitué aux blockbusters américains (Batman Begins, Le Dahlia Noir, Kingsman). Le reste du casting étant moins connu, il est plus facile encore de s’y attacher, d’autant que tous sont très bons pour retranscrire les émotions des personnages. Il faut souligner en particulier Raffiella Chapman aux origines multiples et à la nationalité anglaise ayant débuté sa carrière relativement tôt avec Une merveilleuse histoire du temps avant d’enchaîner avec Miss Peregrine et les enfants particuliers.

Et pour conférer cette atmosphère si particulière avec une telle luminosité et une telle végétation, toute l’équipe a embarqué en Lituanie où ils ont pu donner vie à leur conte inspiré d’œuvres de science fiction comme Métal Hurlant et Planète interdite. Ces références se sont mêlées à celles de l’univers de Hayao Miyazaki, impossible de ne pas songer à Princesse Mononoké quand on voit évoluer Vesper qui refuse de se laisser abattre quelque soit l’adversité à affronter, mais surtout, qui ne veut abandonner cette nature lui ayant appris à survivre.

En raison d’un budget réduit, le film s’est basé sur un minimum d’effets numériques, le tournage a donc lieu en des décors naturels, et la maison ainsi qu’une bonne partie des appareils sont construits en dur. Ce qui permet de conférer quelque réalité au long métrage. Notamment ces immenses forêts embrumées ajoutent une atmosphère mélancolique que vient appuyer le jeu des comédiens et bien sûr la musique. L’autre difficulté a été de tourner tout le film durant l’hiver lituanien, avec la neige s’en mêlant, mais le rendu, l’atmosphère qu’offrent ces décors en valait la peine.

Vesper Chronicles est disponible en Blu-ray 4K, Blu-ray, et DVD, chez Condor Films, avec en bonus :
– Entretien avec Kristina Buozyte et Bruno Samper, les réalisateurs du film (20min)
– Journal de bord : 8 semaines sur le tournage du film (10min)
– Le monde de Vesper : les coulisses de la création d’un univers unique (5min)