The King’s Man: Première Mission, plus impossible qu’accomplie
The King's Man Première Mision

(The King’s Man)

2021

Réalisé par: Matthew Vaughn

Avec: Ralph Fiennes, Gemma Arterton, Rhys Ifans

Film vu par nos propres moyens

Prequel à la saga signée Matthew Vaughn, The King’s Man : Première Mission péche malheureusement par excès de modestie, en livrant  une œuvre coincée entre sa formule et son récit historique, dont aucun n’est réellement convaincant. 

Evoquer les films d’espionnage à l’anglaise, c’est inévitablement penser à la figure tutélaire créée par Ian Fleming : James Bond, et ses nombreuses itérations, depuis Sean Connery et jusqu’au futur successeur de Daniel Craig. Le genre, quelque peu délaissé par les studios, s’est pourtant vu redonner une  seconde jeunesse en 2015, lorsque Matthew Vaughn a livré avec Kingsman : Services secrets, une version délurée de l’espionnage de sa Majesté. Jouissif et décomplexé, il engendrera une suite en 2017, Kingsman : Le Cercle d’or, dans cette même veine irrévérencieuse. 

La formule semblant fonctionner, l’occasion semblait trop belle de tirer un peu plus sur la corde. En résulte, en la fin d’année 2021, The King’s Man : Première  Mission, prequel des deux précédents opus. Orlando Oxford (Ralph Fiennes),  gentleman pacifiste, œuvre dans l’ombre à préserver la paix mondiale. Secondé  de Polly (Gemma Arterton) et Shola (Djimon Hounsou), il se heurte cependant  aux velléités émancipatrices de son fils, Conrad (Harris Dickinson), qui veut voir le monde et en devenir l’acteur, tandis qu’en sous-main, une mystérieuse organisation œuvre à la déstabilisation de l’Occident… 

The King's Man Première Mission

The King’s Man : Première Mission est une proposition radicalement différente de ses aînés. Là où ces derniers s’orientaient vers une action presque loufoque, les  contours historico-narratifs de celui-ci l’amènent vers des sentiers bien plus  affectifs, avec, en première ligne, la boucherie de la Première Guerre mondiale.  Une orientation bienvenue, mais qui se heurte à l’absence de choix fait par  Matthew Vaughn

Un film schizophrène 

Le réalisateur oscille en effet presque constamment entre un récit espiègle, ni  plus ni moins qu’une aventure de cape et d’épée moderne, avec le récit et la lourdeur du contexte dont se pare le film. Un choix risqué qui ne paie pas vraiment, tant certains traits d’humour semblent parfois peu bienvenus (la scène qui oppose Raspoutine (Rhys Ifans) à Oxford) au milieu de scènes dramatiques. La volonté de traiter l’Histoire dans l’histoire avec respect est louable, mais déstabilise en ce sens qu’elle vient en opposition à la formule  Kingsman, pour lequel l’irrespect est presque marque de fabrique. Si le film réussit ses deux aspects, leur mélange au sein d’une seule et même œuvre rend caduc chacun de leurs effets, s’annulant l’un l’autre. 

The King's Man Première Mission

Pire, Matthew Vaughn, en voulant traiter la petite histoire au milieu de la  grande, finit par ne plus savoir ce qu’il souhaite raconter. De ce récit chevaleresque (la métaphore de la Table Ronde est filée tout au fil du film), l’on passe à la question de l’émancipation parentale, de la gestion du deuil à la  notion de sacrifice, toujours sur fond de guerre planétaire. Le cinéaste semble  se perdre dans ces sous-intrigues dont il est difficile, pendant la première moitié du film, de déterminer lesquelles lui sont principales ou secondaires. 

Rhys Ifans est certes absolument hilarant en Raspoutine et Tom Hollander remarquable dans un triple rôle, mais ils sont les pantins d’une histoire qui, par la faute d’un Matthew Vaughn incapable de faire un choix clair (quitte à distiller des touches d’humour ou de drame ci et là), ne réussit jamais à sublimer ni son humour, ni le poids de son histoire. 

L’importance du point de vue 

Toute la question est finalement celle d’une orientation qui, lorsqu’elle n’est pas suffisamment assumée, offre une œuvre sur le papier convaincante mais qui, dans les actes, se retrouve à péniblement lutter pour tenter d’exister face à deux entités sclérosantes. L’acmé se manifestant dans une scène post générique où apparait un personnage historique et tragique majeur, dont on se demande bien comment, si suite il y a et si elle se trouve être du même acabit,  elle ne sera pas une insulte historique quasiment blasphématoire. Il y avait la matière d’un excellent Kingsman version début XXème, il y avait les atours d’une élégante réorchestration historique : en ne choisissant pas,  Matthew Vaughn livre donc un The King’s Man : Première Mission appréciable, mais  passable, et une œuvre bien loin de l’irrévérence, parfois maladroite mais sincère, de ses deux précédentes tentatives.

The King’s Man – Première Mission est distribué par Disney.

The King’s Man : Première Mission, en ne choisissant jamais entre  le tragique et l’humoristique, s’en retrouve bâtardisé, coincé dans une formule qui amenuit chacune des notes d’intention et crée donc une œuvre bancale.

Laisser un commentaire