Antoinette dans les Cévennes

2020

réalisé par: Caroline Vignal

avec: Laure CalamyBenjamin LavernheOlivia Côte

On connaît l’importance de la comédie dans notre pays. Véritable locomotive du cinéma français, ce genre populaire s’affirme généralement dans des productions faciles à l’humour douteux et aux messages au mieux absents. Mais alors que chaque jour nous livrons nos critiques, le devoir nous dicte de mettre en avant les films qui réussissent habilement l’exercice du rire. C’est le pari que tente “Antoinette dans les Cévennes”, réconciliant grand public et spectateur exigeant.

Antoinette (Laure Calamy) est une institutrice qui vit une relation secrète avec Vladimir (Benjamin Lavernhe), l’un des parents d’élèves de sa classe, pourtant bel et bien marié. Alors que l’année scolaire s’achève, la promesse de vacances communes entre les deux amants est rompue: Vladimir part séjourner dans les Cévennes avec sa famille. Antoinette va donc s’embarquer elle aussi pour cette jolie région française dans l’espoir de retrouver Vladimir. Accompagnée d’un âne, Patrick, elle va randonner à travers les montagnes avec la plus grande peine et toujours une pointe d’humour. Et pour la petite histoire, marcher en pleine forêt au côté d’un âne est une activité que vos Réfracteurs ont déjà tous expérimenté, ça nous a donc bien fait sourire.

Ce long-métrage, c’est avant tout une héroïne fantasque, exubérante même, dont la coquetterie dénote avec l’esprit de la randonnée. L’un des tours de force du film, c’est de réussir à délimiter ce protagoniste très rapidement, avec énormément de clarté. En une brève scène d’intro qui prend place à la kermesse de l’école d’Antoinette, la psyché du personnage et les enjeux de l’intrigue sont clairement posés, et l’oeuvre n’a plus qu’à creuser avec naturel ce qui est amorcé.

Pour y parvenir, la partition de Laure Calamy est savamment élaborée. L’actrice ne fait qu’un avec son rôle qui semble écrit pour elle. La comédienne amplifie les élans humoristiques efficaces mais sait aussi revenir à des instants plus dramatiques avec une facilité déconcertante. Antoinette est désopilante et on adhère immédiatement à ce personnage terriblement attachant.

Léger regret, le long-métrage ne se vit la plupart du temps qu’au premier degré. Pas de grandes réflexions dans “Antoinette dans les Cévennes”, mais plutôt un parcours très intime d’une femme hors du commun. Le film tente régulièrement d’élever son niveau de lecture, mais c’est rarement abouti. On ne théorise pas, on se contente de laisser ce protagoniste s’épanouir: dommage mais pas pénalisant non plus pour qui veut s’aérer l’esprit.

« Hi han VS Ho hisse! »

Antoinette n’est pas seule dans son histoire, et son parcours va être émaillé de rencontres qu’elle fait au cours de son laborieux périple qui la malmène avec beaucoup d’humour. En dehors de Vladimir, l’héroïne croise randonneurs, vacanciers, et autres propriétaires de gîtes. L’occasion pour la cinéaste Caroline Vignal de livrer des dialogues ciselés plein de mordant. Bon, on passera quand même par l’éternel et redondant “l’important ce n’est pas le but mais le chemin” mais en dehors de ce lieu commun, on rit de bon coeur dans les échanges verbaux.

Mais au final, le personnage secondaire le plus attachant reste Patrick, l’âne. Véritable moteur de la narration, il sert aussi bien pour les gags un peu potaches que pour les confidences de l’héroïne. Il est son compagnon privilégié, celui qui écoute les monologue de Laure Calamy les plus dramatiques. Ce système de duo femme/animal est rendu avec une science du découpage des scènes qui offre aux spectateurs la possiblité de se lier terriblement à Patrick en même temps que l’âne aide au déroulé de l’intrigue.

En même temps qu’on se gosse des déboires d’Antoinette, le film va trouver un léger fond dans la modernisation qu’il offre de l’image de la femme. D’une part, on propose des figures de femmes affirmées dans les personnages secondaires, mais surtout d’autre part, le film offre une belle courbe de progression à Laure Calamy, l’emmenant de la naïveté vers l’émancipation à travers son périple. Un propos bienvenu qui donne de la substance à cette comédie, un genre souvent amputé de messages sous nos latitudes.

Pour faire digérer ce pan de l’œuvre, tout un tas de références pertinentes vont s’étaler au long du film. Lorsqu’Antoinette apparaît en robe de princesse dans la scène d’ouverture, ou lorsqu’elle se réveille entourée d’animaux dans la forêt, on se remémore l’image datée de la femme que nous renvoie souvent Disney. Lorsqu’elle enfourche son âne, on se rappelle Don Quichotte qui combat les moulins à vent. Toutes ces petites touches s’insèrent très bien dans cette histoire de femme qui s’impose.

La réalisation, d’apparence classique, offre tout de même quelques belles fulgurances visuelles. Impossible de ne pas assimiler le travail autour de la couleur d’”Antoinette dans les Cévennes” lorsque le contraste entre le vert des montagnes et les tenues pétillantes de Laure Calamy s’étale à l’écran avec classe. Les Cévennes, si jolie région, vont également se trouver magnifiée sous la direction de Caroline Vignal et ses panoramas envoûtants.

Mélange de légèreté et de modernité, “Antoinette dans les Cévennes” offre une comédie qui se place dans le haut du panier des productions françaises grâce à son unité de ton et sa progression intéressante.

Nicolas Marquis

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